Page:Wiele - Ame blanche.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
18
ÂME BLANCHE

Veydt, le culte dont elle entourait la mémoire de ce frère plus jeune qu’elle de quinze ans, qu’elle avait élevé, qui l’aimait, et qui était mort si lamentablement, si loin des siens !

Quand elle vint me chercher, place du Béguinage, pour me conduire rue Marcq, elle n’obéissait certainement qu’à un sentiment de devoir et aucune affection pour moi n’avait dicté cette démarche qu’elle accomplit elle-même alors qu’une mercenaire aurait pu l’y remplacer. Elle ne m’aimait pas, me connaissait à peine et, à cette époque, je représentais pour elle une étrangère, la fille d’Evangèline Lorentz, une enfant quelconque, plutôt antipathique, sans lien aucun avec les Veydt, mais coupable de ce grand crime de n’avoir pu retenir son père au foyer.

Je m’en souviens, je l’appelais « Madame » et elle me laissait dire sans rectifier. Elle ne me tutoyait point, trouvait moyen de ne pas prononcer mon nom de baptême qui était aussi celui de ma mère et, lorsque le voisin à qui l’on avait cédé notre chat, camarade chéri de mes feux, dont je ne pouvais me séparer sans larmes, vint chercher cette bête, ma tante vit mon désespoir et ne s’attendrit point. Elle donnait un dernier regard aux pièces désertes de ma chère maison, avant de se retirer, puis, me mena dans la rue :

— Allons, allons, avancez, fit-elle, d’un ton sec, en m’entraînant.