Page:Wiele - Ame blanche.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
ÂME BLANCHE

sant… et dont le jet bavard conte des histoires gaies de plein air et de vieux pavés, sur un ton peuple, avec je ne sais quoi de goguenard, de frondeur dans l’accent de leur gargouillis. Toute la paroisse s’y approvisionnait, et, les jours de marché, toutes les échoppes s’établissaient à l’entour.

Au printemps, un peu avant midi, au moment du coup de feu, c’était un tableau pittoresque que faisaient là, dans la lumière d’un beau jour, les paysannes toutes roses sous leur parasol de cotonnade écarlate, avec leur bonnet flamand bien serré autour du visage et leur jaquette à bariolages, qui bouffait, raide d’empois, les engonçant des hanches. Devant elles, les fruits, en des bagnoles et, aussi, en des mannes plates et larges, à deux anses, s’étalaient : il y avait de hautes pyramides de fraises sur des volettes d’osier, et des cerises, les premières cerises, délicatement nouées sur des bâtonnets, fleuris d’un brin de mignardise. Les mottes de beurre d’Anderlecht s’alignaient, énormes, ainsi que des bombes d’un jaune défaillant, sur des plats de faïence ; les petits fromages blancs, mal retenus dans leur paillis, coulaient au travers, piquaient de taches crémeuses le gros satin frisé des feuilles de choux dont ils étaient enveloppés…, et il y avait toujours quelque bouquet de seringas ou de pivoines lié à la bonne franquette, mis à part pour les clientes de choix.