Page:Wiele - Ame blanche.djvu/71

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
ÂME BLANCHE

je ne dusse le rencontrer dans la réalité et, dans mon rêve, c’est au bras de ma mère que je m’y promenais.

Mlle Veydt me soigna avec beaucoup de scrupule durant cette maladie, sans jamais omettre de m’administrer exactement les cuillerées de potion prescrites par son père et par un médecin, appelé en consultation au moment du danger. Mais une figure, surtout, demeure attachée à cette période de ma triste enfance ; c’est celle de Mlle Ruys, Sinte Véronica, Sainte-Véronique, comme on l’appelait dans la maison à cause de sa grande piété.

Mlle Ruys était une humble vieille fille, couturière à la journée, que chaque jeudi voyait revenir rue Marcq : elle y apparaissait le matin, au coup de sept heures, hiver comme été… ; elle était toujours vêtue printanièrement et proprement de la même robe de percale lilas, coiffée du même bonnet de mousseline tuyautée. On l’installait à la lingerie, une chambre très claire et très vaste du second étage, où elle ne permettait point qu’on allumât jamais le feu. Son économie était si grande qu’elle redoutait, pour ses effets, la poussière produite par le charbon brûlant dans un poêle ; aux plus fortes gelées, elle se contentait d’une chaufferette. Et c’était un étonnement pour moi, de voir cette longue et mince personne, au visage serein, au sourire grave, assise à coudre là-haut,