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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/119

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princesses de science

quête d’un coin de table où poser son couvert. À ce moment, deux très jeunes gens, en qui l’on devinait des étudiants, s’étant levés, on lui fit un signe et elle prit leur place.

Un beau garçon pâle, aux habits de velours, à la tignasse frisée, était assis près d’elle. Il lisait, en mangeant, une brochure de Tolstoï, dont le portrait, semblable à celui qu’on voyait chez Dina, était accroché à la muraille au-dessus de lui. Le texte de la brochure était en français ; avec un crayon, le jeune homme écrivait dans les marges des annotations en russe, et les faisait lire à son voisin de droite ; et tous deux, à mi-voix, échangeaient leurs impressions. Un froissement de papier leur fît tourner la tête : c’était, derrière eux, une femme aux cheveux coupés courts, aux yeux fous, coiffée d’une sorte de chapeau d’homme, qui faisait circuler des libelles ; et, de table en table, des regards s’allumaient, et un souffle de conspiration passa sur toute la salle où de tranquilles étudiantes, aux prunelles douces de Slaves, continuaient de mâcher, en rêvant, leur bouilli coriace.

La porte s’ouvrit : Dina, machinalement, leva la tête. Pautel était debout sur le seuil. Il hésita une seconde, cherchant quelqu’un des yeux ; puis il descendit les deux marches.

Dina tressaillit et pâlit. Il venait donc la poursuivre jusqu’ici ? Elle pensait juste, car, apercevant la place demeurée libre à côté d’elle, Pautel vint s’y asseoir. Une colère fit blêmir la jeune fille