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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/143

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princesses de science

nœuvres mystérieuses de la cellule organique ; la thérapeutique, une réaction contre l’ennemi dans cette microscopique épopée. La noblesse des mots de science, incolores, tout ce vocabulaire impassible et froid, achevait l’idéalisation des horreurs pathologiques, dans ce cerveau délicat de jeune fille. Elle connaissait les processus de tous ses microbes, comme un bon rhétoricien la marche des armées dans chacun des combats de l’Iliade. Et l’espoir de conquérir peu à peu cette autorité médicale, devant laquelle, un jour, toute une clientèle s’inclinerait, mettait quelquefois une étincelle de plaisir dans les yeux de cette pauvre fille ignorée.

Sa matinée se passait à l’hôpital. À midi, elle avalait un déjeuner hâtif chez quelque marchand de vin, au fond d’une de ces ruelles qui éternisent le vieux Paris, autour de Saint-Séverin : au restaurant russe de la rue Berthollet, on ne l’avait plus revue. À deux heures, elle était au travail. À six heures, elle allumait le réchaud à alcool et dînait de deux œufs et d’une tasse de thé. Puis, le travail l’absorbait de nouveau. Les yeux ardents, les pommettes en feu, elle veillait tard dans la nuit.

Ainsi qu’il arrive toujours, elle trouvait le bonheur là où délibérément elle avait voulu le prendre. Elle en venait à oublier l’émotion vive qu’elle avait eue à déjeuner près de Pautel, dans ce lieu où, par prudence, elle n’était plus retournée. Même aujourd’hui, à se rappeler par hasard ces minutes