Aller au contenu

Page:Yver - Princesses de Science.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
princesses de science

Il dit, avec cet aplomb joyeux que donne le grand bonheur :

— J’espère aimer assez ma femme pour qu’elle ne regrette rien.

Alors Boussard, se tournant vers Thérèse, lui dit, presque à voix basse :

— Ne voyez pas un blâme, chère madame, dans mon admiration pour le sacrifice de cette jeune étudiante. Vous y viendrez.

— Y venir, moi ! jamais, docteur ! s’écria Thérèse avec un entêtement passionné, jamais !

Fernand souffrait. L’apothéose dont Pautel, en plein dîner d’apparat, venait d’être le héros lui suggérait un retour sur lui-même. Son bonheur conjugal lui semblait diminué de tout celui de son camarade. Il n’avait rien obtenu, lui, pas une concession, pas le moindre renoncement. Et la gêne qu’il éprouvait soudain d’être présent à cette ovation, prouvait bien le défaut initial de son union. Maintenant il percevait, par lambeaux de phrases, ce que Thérèse disait à Boussard sur la condition de la doctoresse mariée, sur les droits de l’épouse et les droits professionnels de la femme. Il sentait son ardeur à défendre ses théories, sa révolte à l’idée qu’on pût la croire capable, elle aussi, d’accepter le joug sous lequel se nivellent toutes les amantes. Une colère étreignait le mari. Ce fut à ce moment qu’il apprécia mieux sa douloureuse voisine. Il ne l’avait pas trouvée fort intelligente jusqu’ici. Il jugeait même de mauvais goût cette