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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/223

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princesses de science

médecins, il n’y a plus devant nous que des malades. Nous possédons un honneur plus délicat, plus subtil que les autres femmes. Sans avoir prononcé de vœux, nous devons passer dans la vie, rigides, impassibles, comme des nonnes sévères. Un noviciat brutal nous a fait violence, a tué en nous toute imagination féminine. La famille, par mille artifices tendres, nous avait formé une âme ignorante et enfantine, et, d’un coup, brutalement, avec la précision scientifique, on nous a montré la vie dans tout son réalisme. Il n’y a plus en nous ni mystère, ni rêve, ni poésie. On nous a comme desséchées ; et nous avons tout vu, tout entendu, tout connu. Nous ne sommes plus ni nerveuses, ni sensibles, ni pudiques, ni même impressionnables ; et notre force est faite de tout ce qui nous manque. Nous avons acquis le droit de pénétrer partout ; près d’un malade nous sommes toujours à notre place ; nous pouvons sonder toutes les misères, entendre toutes les confessions ; et, quand je soigne par hasard un garçon de cet âge, l’homme, c’est moi. Vous voudriez maintenant que, dans l’exercice de ma profession, j’aille m’éprendre du premier client qui devient amoureux de moi, comme une doctoresse de vaudeville ? Ce serait vraiment trop vite justifier la critique amère que les vieilles convenances profèrent contre nous. Non, non ! nous devons ignorer, au chevet d’un homme, que d’aventure nous pourrions l’émouvoir. Autrement, que deviendrait la confiance des mères qui nous appel-