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princesses de science

avec une peur légère d’être moins aimée pour n’avoir pas cédé, cette fois, enfin.

Pendant longtemps cette nourrice, en tiers entre elle et lui, fut une cause de crispations douloureuses. Lui ne pouvait voir téter son fils sans souffrir. Thérèse évitait son regard. Puis l’habitude consolatrice vint peu à peu, pacifia tout. D’ailleurs le bébé prospérait. Chaque jour, le papa le pesait, fier de ses reins potelés qui s’élargissaient, de sa poitrine rose, saillante. Riant de bonheur, il l’asseyait tout nu sur sa paume ; une béatitude semblait envahir le petit être : Guéméné s’épanouissait, s’imaginant donner à son fils, déjà, un grand plaisir. Thérèse, pour serrer l’enfant contre sa poitrine, avait des transports muets de tendresse. Elle le baisait des minutes entières, sans se lasser. Il y avait de la pitié dans son amour ; elle le jugeait malheureux d’être si petit, si faible, si impuissant. Elle imaginait des souffrances qu’il n’endurait pas, pour la joie de les apaiser. Quand elle se leva, qu’elle descendit à son cabinet, elle l’y promenait sans cesse dans ses bras, craignant toujours qu’il ne s’ennuyât. S’il arrêtait sur elle ces prunelles de nouveau-né où il y a tant de mystère, elle devenait haletante, croyant deviner une entente intraduisible dans leurs deux regards croisés. À peine Fernand revenu de courses, aux repas, pendant toutes les soirées, les conversations roulaient sur lui :

— Quand bébé sera grand…

Elle aurait voulu qu’il eût un an, qu’il prononçât