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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/254

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princesses de science

torieuse, invulnérable, prête encore à faire des milliers de victimes. Il se dit :

« Je ne tenterai plus rien. »

La vision de Jourdeaux l’obsédait, celle aussi de la jeune veuve en larmes : il se jugeait un pauvre homme. L’obscurité de ce quartier convenait à sa mortification. Et il marchait plus vite vers la grande masse noire des arbres qui le cacherait : il aurait voulu se terrer, se dérober lui-même à la honte torturante de l’insuccès.

Soudain, derrière les touffes énormes de frondaisons, une lumière lui apparut : ce devait être sa maison, les carreaux éclairés du cabinet de Thérèse. Une douceur l’inonda. Thérèse ! Est-ce qu’il n’avait pas toujours, pour le dédommager de ses peines, cette chère et belle compagne ?

Il oublia tout, se hâta, franchit le pont Saint-Louis, lien des deux îles. Déjà il voyait ces bras enlaçants, cette épaule amie où il poserait sa tête douloureuse, ces lèvres qui l’exhorteraient tendrement. Et, songeant aux mois derniers qui ne lui rappelaient aucun souvenir d’intimité, aucun échange de cette amitié passionnée dont il avait connu le délice autrefois, il s’analysa. L’aimait-il encore ? Il lui sembla l’avoir trop délaissée depuis la mort de leur enfant. Sous l’habitude amoureuse qui l’enchaînait toujours aussi voluptueusement à Thérèse, qu’était devenue la noble union intellectuelle de la première année ? Vaguement il se crut coupable : la crise qu’il endurait le portait à s’accuser, à confesser tous les torts.