Aller au contenu

Page:Yver - Princesses de Science.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
254
princesses de science

avec tes journaux de médecine, tes brochures, et je travaille seul, en songeant à ces ménages qui n’ont qu’une lampe, où le même abat-jour abrite le front de l’homme qui lit et celui de la femme qui brode. Avons-nous des causeries, des promenades ? À peine si nous dormons l’un près de l’autre, car combien de fois la sonnerie du téléphone vient-elle m’enlever la seule joie que tu me laisses : la présence de ton corps endormi !… Et je suis dans la vie effroyablement seul, déçu par un mirage de bonheur qui me fuit sans cesse. Nous sommes entrés dans le mariage avec un idéal différent, car je rêvais de me lier, et toi de te délier ; j’y apportais un amour fou, toi un don parcimonieux. M’as-tu assez reproché la naissance de notre pauvre petit ! Ai-je alors suffisamment souffert ! et par toi, Thérèse, toujours par toi ! Si tu l’avais voulu, peut-être qu’aujourd’hui…

Il n’acheva pas ; une crispation l’arrêta. Il gémit sa phrase éternelle :

— Si du moins j’avais encore notre pauvre Nono !…

— Oh ! que tu es cruel !… dit Thérèse sourdement.

— Je t’aime encore, pourtant, reprit Guéméné, je t’aime si fort que je voudrais t’emporter au bout du monde, et je me contenterais d’un toit de paille, avec des racines comme nourriture, pourvu que je te possède entièrement. En vérité, je te chéris aussi passionnément que le premier jour,