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princesses de science

étroite et ennuyeuse. Les meubles n’y avaient point cette figure amie que les femmes très sédentaires prêtent aux leurs. Elle était un peu chez elle comme en « garni » : les choses n’avaient point commerce avec elle, lui demeuraient étrangères. Elle se réfugia dans sa chambre. Elle y regarda le lit, la très belle armoire bretonne de Guéméné, les sièges, le tapis dont l’usure imperceptible disait les glissements matinaux du jeune ménage, mais elle ne vit point le mystère muet, immense et troublant que certaines femmes découvrent dans l’incomparable solitude de la chambre. L’eau dormante de la glace, la mousseline des rideaux, le repos, l’immobilité des choses dans l’attente des époux que la nuit réunira, la poésie de ce silence, rien ne la remua, rien ne la toucha. Une seule pièce était vraiment sienne ici, son cabinet. Le second jour, elle s’y enferma.

Mais elle y revenait comme une âme errante reviendrait dans la vie, avec défense d’en jouir. Et ce fut si triste de retrouver étalés devant elle ces journaux, ces livres prohibés, la table de gynécologie, où peut-être jamais plus elle n’exercerait sa puissance, le microscope, le fauteuil, tout ce qui deviendrait inutile bientôt, qu’elle faiblit. Un long soupir de souffrance l’ébranla, elle se jeta contre son bureau, le front dans les mains, sanglotant comme la plus simple femme.

« Jamais je ne pourrai, jamais ! » pensait-elle, terrifiée.