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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/328

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princesses de science

dans ce masque ensommeillé, il lui semblait que quelque chose de viril, de sans charme, naissait.

Alors il imaginait sa vie écoulée auprès d’une épouse pareille à madame Jourdeaux. Que de calme ! que de douceur ! quelle béatitude ! Il plaignait aussi la pauvre jeune femme, sa solitude, le grand vide de son cœur. L’amitié qui était entre eux suppléerait peut-être au bonheur que ni l’un ni l’autre n’aurait jamais. Chacun d’eux avait manqué sa vie. Cette idée le rapprochait encore d’elle ; et il l’allait voir plus souvent.

D’ailleurs il ne pouvait plus se passer de cette confidente dans la fièvre de son labeur. Il avait à tout moment des inquiétudes qui auraient été puériles si, dans le combat épique livré par ce cerveau d’homme à l’horrible mal, le moindre détail n’était devenu respectable. Les trois cobayes en observation continuaient de se bien porter. Chaque jour, on les pesait : pour quelques grammes de moins dans le poids de l’un d’eux, Guéméné perdait courage, doutait de son œuvre, courait boulevard Saint-Martin, comme si l’ignorante et douce femme qu’il y trouvait eût connu les formules savantes qui dirigent les chercheurs. Elle possédait, dans sa simplicité, un génie bienfaisant qui apaisait et vivifiait l’âme du jeune homme.

Ces trois petites bêtes, qu’elle n’avait jamais vues, occupaient aussi sans cesse l’esprit de madame Jourdeaux. D’autres cobayes avaient bien été inoculés après une vaccination ; mais les trois