Aller au contenu

Page:Yver - Princesses de Science.djvu/340

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
330
princesses de science

Adeline ne lisait pas. Exténuée par sa clientèle de quartier, ses visites à quarante sous, les accouchements, la médecine auxiliaire à laquelle Artout rappelait de temps en temps, elle s’en tenait à sa science d’il y a vingt ans, soutenue par son admirable mémoire qui n’avait jamais fléchi. Thérèse vit les deux pièces exiguës où s’entassaient, filles d’un côté, garçons de l’autre, les quatre enfants de la doctoresse, puis elle gagna la cuisine, guidée par l’odeur et le bouillonnement de la lessive. À la servante qui rechignait pour sortir son linge d’un « si beau bouillon » elle fit vider la petite chaudière, en surveilla la purification. Et, sa jupe relevée, elle dictait ses ordres, prévoyait tout, disposait tout, devinait tout, agissait comme si elle avait tout connu dans cette cuisine humide, malodorante, où voltigeait, dans un coin sombre, le papillon jaune d’un bec de gaz, alors que le soleil de mai étincelait encore au plein air. Ensuite, revenant à ce cabinet de sage-femme des quartiers pauvres, elle y chercha un bout de papier où, sûre d’elle-même, de son écriture haute, lisible et nette, elle traça l’ordonnance. Les camions, les fiacres se croisaient dans la rue avec les omnibus ; les voyageurs d’impériale montraient, à leur passage cahoté, une brochette de visages hétéroclites atteignant la hauteur des fenêtres. C’était un fracas, une trépidation ininterrompue qui faisait vibrer les vitres dans leur châssis, l’encrier, la sébile de verre, et la bouteille d’acide phénique sur