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princesses de science

avaient rondement marché. C’avait été l’une des premières internes des hôpitaux de Paris. Établie, elle avait vite forcé le succès. Thérèse l’observait à la dérobée. À sa structure virile, à sa franche laideur, à son évident désir de se masculiniser, on devinait que l’amour n’avait guère embarrassé sa carrière de cérébrale. Elle était de celles qui doivent vivre seules, ne compter que sur soi, sans espoir de rencontrer jamais le mari qui assure l’existence. Et Thérèse pensait, dans une douceur secrète de bonté, de solidarité, à la compensation magnifique que la carrière médicale, largement ouverte aux femmes, serait désormais pour ces sœurs isolées, délaissées et malheureuses.

Des étudiantes russes, plus pauvres que ne l’était autrefois Dina, montaient raides et pudiques à l’étage supérieur : du fond de son cœur, presque tendrement, Thérèse leur souhaita la réussite, la chance, la fortune. Mais, en reportant les yeux sur les deux petites bénévoles françaises qui ressemblaient dans leurs blouses à de grandes pensionnaires en sarraus blancs, et les voyant si blondes, si roses, si saines, si bien faites pour l’amour, la maternité, la famille, — toutes ces vieilles choses éternelles de la bourgeoisie française à laquelle visiblement ces deux jeunes filles appartenaient, — elle eut envie de les sermonner gravement :

« Petites intellectuelles, jolies et vibrantes, travaillez, occupez à vos belles études la fougue de votre adolescence ; en vue des aléas de la vie, mu-