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Page:Yver - Princesses de Science.djvu/74

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princesses de science

Et il pénétrait en même temps dans la voiture, qu’il emplissait d’une odeur d’absinthe, tandis que Jeanne Adeline s’écriait sans façon :

— Tiens ! ce grand fou de Morner ! y a-t-il longtemps qu’on ne l’avait vu !… Vous connaissiez les Guéméné ?

Les yeux vagues et ternes dans sa face ravagée, le nouveau venu murmura d’un air indifférent :

— Moi ? non ; mais, en passant je trouve ce convoi… Alors plutôt que de prendre un fiacre pour aller à Ménilmontant, où j’exerce à présent, je me paye une berline, et voilà !… Ça me fait quarante sous de plus dans ma poche… D’ailleurs, je suis flapi.

Thérèse Herlinge connaissait Morner, que ses parents invitaient quelquefois au nom d’une ancienne et lointaine amitié familiale ; ce qui n’empêcha pas madame Adeline de faire les présentations :

— Le docteur Morner… Mademoiselle Herlinge, la fille du maître, interne à l’Hôtel-Dieu.

À ce moment, un quatrième personnage, apercevant Morner, dont il était l’ami, escalada le marchepied et prit la dernière place de la voiture, en saluant ces dames avec une cérémonie marquée. Celui-ci était assez connu dans le monde médical, sous le nom de docteur Gilbertus, pseudonyme dont il signait des articles vaguement scientifiques dans les journaux parisiens. C’était un beau brun au teint mat, à la longue barbe noire, et qui affectait