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Panthéon égyptien/76

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Panthéon égyptien, collection des personnages mythologiques de l'ancienne Égypte, d'après les monuments
Firmin Didot (p. 169-170).

API ou HAPI.

(apis, taureau consacré à la lune.)
Planche 37

Il serait fastidieux d’énumérer ici tous les documents que l’antiquité classique nous a transmis relativement à l’animal sacré si connu sous le nom vulgaire de bœuf Apis[1] : on doit conclure de ces rapports circonstanciés, que le culte de ce taureau était populaire en Égypte, et presque général dans tous les nomes dès l’époque de la domination des Grecs, et surtout sous le gouvernement des empereurs, dont plusieurs, et des plus célèbres, crurent de leur politique de payer un tribut d’hommages publics à ce représentant de l’une des plus grandes divinités d’un pays si nécessaire à la prospérité de l’empire. Mais il est douteux que, dans les temps antérieurs, sous les rois de race pharaonique, lorsque les lois purement égyptiennes étaient en vigueur, on montrât pour Apis une vénération si marquée partout ailleurs que dans le nome où les livres sacrés avaient irrévocablement fixé la demeure et la sépulture de cet animal symbolique. Chacune des trente-six préfectures de l’Égypte primitive reconnaissait pour emblême de sa divinité protectrice un animal particulier, volatile, quadrupède, reptile ou poisson ; et cette sorte de religion locale a été désignée par les Grecs sous le nom de Θρησκεία[2]. Une telle institution, calculée dans un intérêt qu’il ne nous est point encore donné de juger en définitive, avait jeté de si profondes racines, que les médailles des nomes de l’Égypte frappées sous l’empire de Trajan, d’Hadrien et d’Antonin, portent, presque toutes, d’un côté l’effigie de l’empereur régnant, et de l’autre l’animal sacré particulier au nome[3], ou le dieu principal tenant sur sa main ce même animal, son symbole[4]. Plusieurs villes de l’Égypte rendaient un culte particulier au taureau ou plutôt aux divinités dont ce vigoureux quadrupède fut l’emblème spécial ; mais ces animaux différaient entre eux, soit de couleur, soit par quelques qualités ou marques particulières : le taureau Onouphis, nourri à Hermonthis ou dans quelque autre cité de la Thébaïde, en l’honneur du premier des dieux, Ammon, fut de couleur noire, d’une taille remarquable, et ses poils étaient, dit-on, dirigés à contre sens ; Mnévis, autre taureau nourri à Héliopolis comme emblème du Soleil, est représenté de couleur claire sur les monuments originaux ; mais le taureau Apis se distinguait de tous les autres taureaux sacrés de l’Égypte, non-seulement par son pelage, mais encore par des signes propres à lui seul et dont les auteurs grecs et latins parlent avec détail.

Quant à la couleur d’Apis, les monuments égyptiens originaux, sur lesquels son image est représentée, le représentent toujours noir ou bien mi-partie de noir et de blanc. Notre planche 37 le reproduit fidèlement tel qu’il est figuré à côté du taureau Mnévis[5], (que certains mythes populaires regardaient comme le père d’Apis), parmi les peintures d’un riche cercueil de momie du Musée royal égyptien de Turin. Un collier et une housse rouge à points bleu-céleste décorent l’animal sacré, dont le corps est entièrement noir. Le fouet, placé au-dessus de sa croupe, est l’emblème du pouvoir incitateur du dieu que l’animal rappelle, symboliquement, à l’adoration des hommes, et le serpent uræus, coiffé de la portion supérieure du pschent, indique la domination de cette divinité sur les régions d’en haut. Entre les cornes du taureau s’élève un disque de couleur jaune ; c’est celui de l’astre dont Apis était l’image sur la terre. Les deux plumes bleues qui surmontent le disque, emblèmes connus de justice et de vérité, ont un rapport direct à certaines fonctions funéraires que les Égyptiens attribuaient au taureau Apis, et dont il sera bientôt parlé dans l’un des articles suivants relatifs au même animal sacré.


Notes
  1. Voyez Jablonski, Pantheon Ægyptiorum, livre IV, chap. 2, qui a réuni la plus grande partie des passages relatifs à Apis, tirés des auteurs grecs et latins.
  2. Clément d’Alexandrie, Admonitio ad Gentes, pag. 26, D.
  3. Recherches sur les médailles des nomes, par Tochon, pages 54, 60, 73, 91, 100, 111, 117, 129, etc.
  4. Idem, pages 55, 56, 57, 63, 69, etc.
  5. Voyez notre planche 38 et son explication.

——— Planche 37 ———