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Quelques propriétés des rayons de Röntgen

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Quelques propriétés des rayons de Röntgen
Notes aux comptes-rendus de l’Académie des Sciences, 1896
PHYSIQUE. — Quelques propriétés des rayons de Röntgen
Note de M. Jean Perrin, présentée par M. Eleuthère Mascart


I. J’avouerai d’abord que je n’ai sur la découverte du professeur Röntgen que des renseignements assez vagues, tirés des journaux quotidiens, et que j’ignore encore quelles sont, au juste, ses expériences. Quoi qu’il en soit, voici celles que j’ai tentées. J’ai répété d’abord celle-là même qui constitue la découverte : si, en présence d’un tube de Crookes en activité, on place un châssis photographique chargé et fermé, sur lequel sont disposés différents objets ; puis, si l’on révèle la plaque à la manière ordinaire, on y voit apparaître la silhouette de certains de ces objets ; quelque chose qui émane du tube est donc venu impressionner la plaque au travers des corps interposés. C’est le rayonnement de Röntgen. Ces rayons ne sont pas des rayons cathodiques ; ceux-ci ne pourraient, en effet, sortir d’un tube à vide qu’au travers d’une paroi de quelques microns d’épaisseur, tandis que les rayons de Röntgen agissent facilement hors d’un tube dont la paroi peut avoir 1 mm.

II. Je recueillis ensuite quelques indications sur le degré de transparence de divers corps. Le bois, le papier, la cire, la paraffine, l’eau se montrèrent très transparents, l’influence de l’épaisseur restant cependant nette. Viendraient ensuite, à peu près rangés par ordre d’opacité croissante, le charbon, l’os, l’ivoire, le spath, le verre, le quartz (parallèle ou perpendiculaire à l’axe), le sel gemme, le soufre, le fer, l’acier, le cuivre, le laiton, le mercure, le plomb. Ces résultats sont encore peu nombreux, et je ne peux songer à les relier par une loi générale ; toutefois, on peut remarquer, dès maintenant, que les métaux sont en général moins transparents que les autres corps, mais n’ont pas l’opacité absolue qu’ils présentent pour la lumière. Si, par exemple, on superpose trois lames de fer, d’environ 0, 2 mm chacune, l’opacité ne paraît atteinte que dans la région commune aux trois lames.

III. J’ai fait ensuite une expérience assez grossière afin de savoir si le rayonnement est bien défini, ou s’il forme seulement une houppe diffuse ; en un mot, j’ai cherché si la propagation est rectiligne. A cet effet, je plaçai devant le tube deux diaphragmes circulaires en laiton (lequel est opaque) distants de quelques centimètres ; sur une plaque sensible placée un peu plus loin, j’obtins une tache bien définie, avec ombre et pénombre, et les dimensions de cette tache sont conformes à l’hypothèse d’une propagation rectiligne. Il est donc possible d’isoler des pinceaux définis, dont on étudiera les propriétés.

IV. J’ai tenté de faire réfléchir un pinceau de rayons de Röntgen, défini par deux fentes de 0, 5 mm, distantes de 4 cm. Ce pinceau tombait à 45° sur un miroir d’acier poli, d’où, après réflexion, il aurait pu tomber sur un châssis-charge. Après une heure de pose, on n’obtint absolument aucune impression. L’expérience ainsi tentée avec un miroir métallique fut reprise avec une plaque de flint comme miroir. La pose fut portée à sept heures : on n’obtint absolument rien.

V. Je cherchai de même à les réfracter. Pour cela, dans la moitié inférieure du pinceau défini par le système de fente, j’interposai d’abord un prisme de paraffine de 20°, puis un prisme de cire de 90°. Les deux parties du pinceau devraient donner des images distinctes, s’il y avait réfraction ; en fait, ces deux images se prolongent exactement, et l’on peut affirmer que, si la déviation existe, elle est inférieure à 1°.

VI. Continuant à chercher quelles propriétés des rayons de Röntgen pouvaient coexister avec leur propagation rectiligne, je tentai de former des franges de diffraction. La partie active du tube fut placée devant une fente très étroite ; à 5 cm plus loin fut placée une fente de 1 mm, enfin à 10 cm plus loin, le châssis chargé et fermé. La pose dura neuf heures ; j’obtins une image à bords très nets, sur laquelle on ne voit aucune frange. Je mis exactement à la place de la plaque précédente une deuxième plaque sensible, et j’opérai cette fois à châssis ouvert, de manière à recevoir la lumière verte issue du tube ; en quelques minutes, cette lumière donna une silhouette exactement superposable à la précédente, mais sur laquelle se voient des franges. Si donc le phénomène est périodique, la période est très inférieure à celle de la lumière verte employée. Il est bon d’observer que cette expérience, faite très rigoureusement. prouve la propagation rectiligne des rayons de Röntgen. Autour de cette propriété, qu’ils possèdent plus rigoureusement que la lumière, se groupent celles que j’ai signalées dans cette Note.

VII. Enfin, curieux de voir quel intérêt pratique pouvaient avoir les silhouettes obtenues, j’ai expérimenté quelques tissus vivants, avec le concours de M. Cligny, préparateur de Zoologie à l’École Normale, et de M. Mouton, attaché au Muséum. Nous avons l’honneur de présenter à l’Académie deux clichés qui représentent, avec une grande fidélité, l’ossature et quelques organes d’un pleuronecte et d’une grenouille. Les expériences ont pu être faites rapidement, grâce au concours que m’ont prêté, tant au point de vue de la conduite des expériences que de leur exécution pratique, mes professeurs, MM. Violle et Brillouin, et mes amis de l’École Normale.


  • Observations au sujet de la Communication de M. Jean Perrin, par M. Henri Poincaré.

M. Röntgen avait déjà reconnu que les rayons X ne se réfractent pas ; il avait expérimenté avec des prismes formés de différentes matières ; une seule fois, il a cru observer une légère déviation correspondant à un indice de 1, 05, mais cette observation reste douteuse. Il a vu également que ces rayons ne subissent pas de réflexion régulière, mais il croit qu’ils peuvent éprouver une réflexion irrégulière avec diffusion.