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Revue des Romans/Jane Austen

La bibliothèque libre.
Revue des Romans,
recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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AUSTEN ( miss J. ) romancière anglaise,
née à Slaveson le 16 décembre 1775, morte le 18 juillet 1817.


RAISON ET SENSIBILITÉ, ou Les deux manières d’aimer ; traduit librement de l’anglais par Mme de Montolieu, 4 vol. in-12, 1816. — C’est principalement dans la peinture des mœurs et des caractères que se distingue ce roman, un des mieux faits et des plus agréables de miss Austen. L’intrigue en est simple : l’auteur a mis en scène deux jeunes sœurs, belles, aimables, et possédant également toutes les qualités du cœur, mais l’aînée joint à ses vertus cette sagesse d’esprit qui seule peut mettre l’homme à l’abri des grandes douleurs de la vie. Tous ses sentiments sont modérés, ses peines adoucies par les efforts d’une raison qui ne l’abandonne jamais, et malgré les nombreux chagrins auxquels elle se trouve en proie, elle peut dire comme mademoiselle de la Vallière, à qui l’on demandait si elle était heureuse aux carmélites : Non ; mais je suis contente. Tel est en effet l’état d’un être qui parvient à triompher des passions sans autre secours que l’énergie de son âme. La seconde sœur, au contraire, livrée à toutes les chimères d’une imagination active, ne vit que d’émotions fortes, et s’abandonne aux plus pénibles avec une sorte de délices. Cédant tour à tour aux illusions de l’espérance, aux angoisses du désespoir, elle devient l’objet de la pitié la plus touchante ; car l’auteur a eu soin de ne lui donner aucun tort qui nuise à la pureté de son âme et de son caractère ; on la plaint d’autant plus, qu’elle est vertueuse, aimable et bonne ; mais, outre l’espèce de ridicule qui accompagne une pareille exaltation, il en résulte pour l’infortunée qui l’éprouve des chagrins et des malheurs réels. Telles sont les deux héroïnes de ce roman, dont il est impossible de faire l’analyse, puisque tout son mérite consiste dans le charme des détails et dans l’extrême vérité des personnages qui sont mis en scène.

LA FAMILLE ELLIOT, ou l’Ancienne inclination. Traduction libre de l’anglais par madame de Montolieu, 2 vol. in-12, 1821. — Dans ce roman, Jane Austen a justifié la réputation dont elle jouit en Angleterre comme créatrice d’un genre inconnu avant elle, celui de l’extrême simplicité des moyens, et de l’art d’intéresser par le seul développement des caractères, soutenus avec une vérité parfaite, et la peinture vraie des sentiments qui agitent les personnages qu’elle met en scène. L’héroïne de ce roman, qui parut en Angleterre sous le titre de la Persuasion (en 1818), est une jeune personne nourrissant au fond de son cœur une inclination secrète, sans savoir, non plus que le lecteur, si elle est partagée ; ce n’est presque qu’au dénoûment qu’on en est instruit ; il en résulte que miss Austen a su éviter les scènes d’amour, si souvent répétées et si souvent fastidieuses. L’amour dans cet ouvrage, comme dans tous ceux de cet auteur, est presque toujours voilé ; et quand le lecteur le devine, l’intérêt augmente, et devient même assez vif, sans qu’on rencontre d’autres événements que ceux de la vie la plus ordinaire. — La lecture de ce roman est très-agréable et ne laisse que de douces impressions. Le dénoûment, quoique prévu, est bien amené par une lettre qu’on ne peut lire sans attendrissement, et qu’une femme seule pouvait écrire.

ORGUEIL ET PRÉVENTION, traduit de l’anglais par mademoiselle Eloïse Perks, 3 vol. in-12, 1822. — Cet ouvrage n’est point fait pour ceux qui cherchent des événements, et qui courent au dénoûment ; on n’y trouve aucune aventure romanesque, aucune action dramatique, mais des caractères bien tracés, des réflexions heureuses, et de fines observations.

Jane Austen était fille d’un recteur de paroisse, homme très-savant, et qui possédait le goût le plus exquis dans chaque branche de littérature. De bonne heure elle apprit à discerner et à sentir le charme d’un bon style, et mit une sorte d’enthousiasme à perfectionner le sien, ainsi qu’à faire une étude approfondie de sa langue. À la mort de son père, elle vint s’établir au charmant village de Chawton, où elle a publié les romans qui l’ont placée sur la même ligne que les d’Arblay et les Edgeworth. La plupart de ses ouvrages furent composés plusieurs années avant leur publication, et malgré les succès qu’ils obtinrent, rien ne put la décider à mettre son nom en tête de ses productions. — On doit encore à miss Austen : La nouvelle Emma, ou les Caractères anglais du siècle, trad. de l’anglais, 4 vol. in-12, 1816. — Le Parc de Mansfield, ou les Trois Cousines, trad. de l’angl. par H. V**, 4 vol. in-12, 1816. — L’Abbaye de Nothanger, trad. de l’angl. par Mme Hyac de F. (Ferrières), 3 vol. in-12, 1824.