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Revue des Romans/Paul de Kock

La bibliothèque libre.
Revue des romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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KOCK (Charles Paul de),
né à Passy, d’une famille hollandaise, en 1799.


Depuis longtemps M. Paul de Kock s’est placé par ses succès en dehors de la critique. Le succès a toujours raison, quand c’est la foule qui le fait ; les masses se trompent rarement : elles ne se trompent du moins jamais vingt fois de suite ; aussi la renommé de M. Paul de Kock a-t-elle acquise force de loi. M. Paul de Kock possède le secret d’intéresser et de divertir ; tout le monde le lit, tout le monde rit en le lisant ; que faut-il de plus ? Faites de sages romans si vous voulez, et de noirs romans ; mais laissez-nous rire une fois par hasard, et permettez à M. Paul de Kock de nous amuser sans façon, et le moins littérairement possible. Élève de l’école créée par Pigault-Lebrun, M. Paul de Kock exagère un peu les défauts de son maître, dont il n’a pas toutes les qualités. Il arrache quelquefois le voile qu’il ne devrait que soulever ; ses peintures sont plus lascives que voluptueuses, mais son dialogue est vif, ses observations ne manquent pas de finesse, ses descriptions sont rapides, ses chapitres amusants ; il plaît aux hommes par la gaieté de ses expressions ; il est lu en cachette par toutes les femmes, dont il reproduit bien les caractères. — Pour savoir de quelle façon cet auteur apprécie son talent et sa position littéraire, il faut lire le portrait suivant qu’il trace d’un romancier dans son roman de Moustache. « Il s’était dit : Je peindrai les hommes tels qu’ils sont ; mais je choisirai de préférence des caractères comiques et francs… Il voulait pouvoir retracer avec leurs moindres détails les tableaux de mœurs, les scènes populaires, les portraits d’originaux, les sociétés bourgeoises, les ridicules de toutes les classes, les amours de la grisette et de la femme du monde, les contemporains enfin tels qu’on les rencontre à chaque pas dans la vie, et non avec ces passions forcées, ces beautés idéales que l’on ne trouve que dans l’imagination. — Ses romans eurent un succès que lui-même était loin d’espérer. Leur plus grand mérite était d’être vrais ; mais dans tous les arts c’est toujours au vrai qu’il faut revenir. — Aussi fut-il impitoyablement critiqué dans les journaux, dans les revues ; alors il reçut des lettres anonymes et pseudonymes, où on lui demandait de quel droit il se permettait d’avoir du succès et d’être lu plus que les autres, lui, écrivain obscur, sans style, sans couleur, sans portée, sans mission, sans nerf, sans élévation et surtout sans coterie. — Alors on lui apprit qu’il n’était que le romancier des cuisinières et des écaillières, ce qui lui fit penser que le nombre de ces dames était devenu assez considérable. — Comme il faisait parler un ouvrier comme parle un ouvrier, une grisette comme parle une grisette, on lui dit qu’il ne pouvait pas écrire. — Comme il était gai et faisait souvent rire, on lui dit qu’il n’était qu’indécent. — Comme il n’y avait dans ses ouvrages ni parricides, ni infanticide, ni inceste, on lui dit qu’il était immoral. — Quelques-uns dans leur critique dédaigneuse voulurent bien lui dire : On le lit, mais on ne le juge pas. Il aurait pu leur répondre avec plus de vérité : On vous juge, mais on ne vous lit pas. » — Il est piquant de voir ainsi un écrivain prendre lui-même sa défense et plaider avec autant d’esprit que de vérité sa cause contre la critique.

MON VOISIN RAYMOND, 4 vol. in-12, 1822. — Ce roman présente une suite de tableaux et une peinture de mœurs fort comiques, dont la gaieté a le mérite de ressortir de situations naturelles et vraisemblables. Mon voisin Raymond est un de ces êtres que l’on ne rencontre que trop souvent dans la société ; cependant, bien que ses prétentions tiennent de la sottise, et que ses actions le vouent au ridicule, on s’amuse franchement du portrait que l’auteur nous en a tracé d’une manière si originale. Les aventures du voisin Raymond sont on ne peut plus gaiement racontées par le héros de l’histoire, qui, tout en se moquant le premier des travers de son voisin, finit cependant par être une fois cruellement mystifié par le plastron de ses espiégleries.

ANDRÉ LE SAVOYARD, 5 vol. in-12, 1825. — Par une nuit d’orage, le père d’André le Savoyard a préservé d’une mort certaine un riche voyageur, dont une minute plus tard la voiture roulait au fond des précipices qui entourent la petite ville de l’Hôpital, située près du Mont Blanc. Cet étranger est un comte de l’Empire, époux d’une jeune femme que l’ambition de ses parents ont forcée de faire un mariage de convenance, et dont toute la passion est concentrée sur une charmante petite fille. Georget, c’est le nom du Savoyard, ne se contente pas de recevoir et d’abriter ses hôtes ; il court la nuit chercher un charron intelligent pour raccommoder la voiture, et dans son trajet il se blesse assez dangereusement. Dès que le jour paraît, le comte et la petite Adolphine, qu’il venait de ravir à sa mère, quitte l’humble cabane du Savoyard, dans la main duquel l’étranger laisse une preuve de son excessive parcimonie. Après le départ des voyageurs, le petit André trouve dans la cabane de son père un médaillon qui renfermait le portrait d’une femme charmante, dont les traits ont une ressemblance frappante avec ceux de la petite fille qui accompagnait le vieux monsieur. « C’est le portrait de la mère ! » s’écrie d’une voix unanime toute la famille Georget. Il ne vint à l’idée de personne que ce pouvait être celui de la femme du comte. — Georget meurt de sa blessure et du service qu’il a rendu. Sa veuve reste au village avec le plus jeune de ses fils ; les deux autres vont chercher fortune à Paris, où, dès les premiers jours de leur arrivée, un hasard les sépare, et l’attention du lecteur n’est plus captivée que par les événements dont se compose la vie d’André, que nous verrons passer successivement de la soupente d’un porteur d’eau dans les vastes appartements d’un riche hôtel. Renversé par un cabriolet, il doit à cet accident une grande fortune dont il fait le plus noble usage. Héritier d’un jeune peintre qui avait trouvé le moyen de concilier la richesse et le talent, il consacre son héritage à embellir la vieillesse de sa bienfaitrice, ruinée par des malheurs imprévus. Le caractère simple et naïf d’André le préserve des dangers de la capitale ; mais en revanche il l’expose à tous ceux qui naissent d’une passion violente, d’un amour sans espoir. Le portrait perdu dans la cabane de Georget est remis par lui à la comtesse ; il rappelle à cette tendre mère que c’est aux soins généreux de cette famille savoyarde qu’elle doit la vie de sa chère Adolphine, sa seule consolation, et, bien différente de son époux, elle ne met point de bornes à sa reconnaissance ; c’est par elle qu’André reçoit une éducation à la fois brillante et solide, qui le met à même de se procurer une existence honorable. Mais André a vingt ans, et la jeune Adolphine n’a pu s’empêcher de remarquer que le protégé de sa mère est plus aimable que le riche époux qu’on lui destine. Les traits d’Adolphine sont gravés dans le cœur d’André depuis le jour où pour la première fois son portrait frappa sa vue ; mais par une de ces bizarreries fort communes, la comtesse, qui doit tous ses malheurs à un mariage de convenance, exige de sa fille le sacrifice de son amour pour André, et la force d’accepter la main du marquis de Térigny, dont le légèreté plonge bientôt toute la famille dans une suite d’inévitables désastres. La conduite délicate d’André, les ruses ingénieuses qu’il emploie pour venir au secours de sa bienfaitrice ; l’amour ingénu de la jeune Manette, fille du porteur d’eau qui recueillit André à son arrivée à Paris ; la mort d’Adolphine ; l’embarras de son frère Pierre, qu’André retrouve au moment où il s’y attendait le moins, et qui, ne pouvant supporter sa fortune nouvelle, retourne à ses anciens travaux, ont fourni à l’auteur une foule de chapitres tour à tour pleins de sentiments et de gaieté, et qui se font lire avec intérêt.

SŒUR ANNE, 4 vol. in-12, 1825. — Sœur Anne est une pauvre jeune fille restée orpheline à l’âge de sept ans, et à laquelle il ne restait qu’un frère encore au berceau. Un jour le tonnerre tomba sur la chaumière où sa mère venait de mourir de chagrin et de misère ; elle brava tout pour sauver l’orphelin, et, ne l’ayant pas pu, elle allait mourir avec lui, lorsque l’enfant fut sauvé. Elle vécut dont, mais muette ; la crise terrible, en épargnant sa vie, avait paralysé sa langue. Une vieille voisine accueillit sœur Anne dans sa détresse, l’adopta pour fille, et en fut payée de toute sa tendresse. À seize ans, sœur Anne était une jolie fille à la chevelure blonde, au teint de lis, au bel œil bleu, dont la beauté fit impression sur le cœur du jeune comte de Montreville, qui n’eut pas de peine à séduire ce cœur aimant et plein d’innocence. Après trois semaines de jouissances, le comte s’ennuie de sa facile conquête et l’abandonne, non sans lui avoir promis de revenir. La pauvre fille compte en vain les jours, les heures, les minutes ; l’ingrat ne revient pas, et pour comble de malheur la taille de sœur Anne s’arrondissait. La bonne vieille qui l’avait recueillie vient à mourir ; peu de temps après sœur Anne devint mère, et tout l’amour qu’elle portait à son séducteur elle le reporta sur son enfant. Que faisait pendant ce temps le comte de Montreville ? Il soupirait aux genoux d’une beauté nouvelle ; Constance l’aime autant que sœur Anne ; Constance est aussi belle, de plus elle est noble et riche, elle a des talents admirables, un son de voix qui va à l’âme, de l’esprit, des grâces, tout enfin ; bref, Montreville épouse Constance. Après la lune de miel, le comte s’ennuie de sa jolie femme, et part pour un voyage. Pendant son absence, Constance aperçoit un jour du haut de sa terrasse une pauvre jeune femme, mourant de faim au pied d’un arbre ; elle vole à son secours, et une irrésistible sympathie l’entraîne vers cette malheureuse femme, qui n’est autre que sœur Anne. Constance l’adopte, la recueille, se passionne pour elle ; vaine et tardive compassion ! sœur Anne succombe ; mais près de mourir la parole lui revient, et c’est pour léguer son fils à sa rivale. Cette dernière partie du roman est réellement fort belle ; on est ravi, ému, hors de soi-même, et quelquefois l’auteur s’élève jusqu’à Richardson ; le caractère de sœur Anne est tracé de main de maître.

LE BARBIER DE PARIS, 4 vol. in-12, 1827. — On trouve dans ce roman un marquis de Villebelle, aimable roué de la cour de Louis XIII ; un barbier, Touquet, agent des plaisirs du marquis, homme sans foi, sans honneur, mais non sans remords, car il a jadis assassiné un voyageur logé chez lui, et depuis ce temps son sommeil est troublé par d’étranges visions ; une jeune Blanche, que l’on croit être la fille de ce voyageur, adoptée par Touquet, élevée avec beaucoup de soin et une sorte de tendresse, et livrée ensuite par ce misérable au marquis de Villebelle ; enfin une Italienne, Julia, amoureuse du marquis, jalouse, vindicative, fille d’un diseur de bonne aventure, qui vient à la fin du roman débrouiller toute l’intrigue, en annonçant à Villebelle que cette Blanche est sa fille, et à Touquet que le voyageur assassiné était son père : là-dessus, le marquis tue le barbier d’un coup de pistolet et s’élance vers la chambre de sa fille, qui, persuadée qu’on vient lui faire violence, se précipite dans un lac voisin et s’y noie. — Tels sont les personnages et les principaux incidents de ce roman, où M. Paul de Kock semble avoir abandonné le genre gai pour l’atroce et l’horrible : heureusement qu’il est revenu plus tard à son premier genre, qui est de beaucoup le meilleur.

JEAN, 4 vol. in-12, 1828. — Le sujet de ce roman est tout entier dans le vers de Legouvé qui lui sert d’épigraphe :

Notre gloire est souvent l’ouvrage d’un sourire.

Jean Durand est le fils d’un herboriste fort riche : l’auteur nous rend témoin de sa naissance et de son éducation, qui est tout à fait manquée. Jean ne veut rien apprendre ; il ne se plaît que dans la société des mauvais sujets comme lui, prend toutes les habitudes des halles, jusqu’au moment où il rencontre Mme Dorville, jeune veuve dont les charmes et la conversation agissent sur lui à tel point, qu’il se renferme une année dans son cabinet pour acquérir, à force de travail, les connaissances et les bonnes habitudes qu’il a dédaignées dans son enfance. Il devient ainsi un jeune homme de meilleur ton, rempli de raison et de connaissances, et finit par se marier avec Mme Dorville. — Il y a des chapitres écrits avec un rare bonheur dans ce roman, qu’on lit d’un bout à l’autre avec plaisir.

FRÈRE JACQUES, 4 vol. in-12, 1829. — Édouard de Merville et son frère Jacques offrent l’image de ces familles où, de deux enfants, l’un est chéri, tandis que l’autre est un objet d’aversion ; l’enfant de prédilection devient souvent un mauvais sujet, le fils abandonné devient au contraire fort intéressant. Édouard s’abandonne à la débauche ; il fréquente les maisons de jeu, s’associe aux fripons, et finit par commettre des crimes qui le forcent à se donner la mort pour éviter l’infamie. Frère Jacques suit la carrière des armes, revient plus chargé de gloire que de richesse, mais il prouve par ses actions, dit l’auteur, qu’une tête à moustaches est presque toujours accompagnée d’un cœur aussi sensible que généreux. — L’auteur semble prendre du plaisir à faire tour à tour rire et pleurer ses lecteurs. Le roman commence gaiement et ne finit pas de même. Il est rempli de tableaux pris dans toutes les classes de la société, d’observations fines, de remarques spirituelles ; et quoique la vérité de certains détails soit parfois un peu nue, le but de l’ouvrage est cependant très-moral.

NI JAMAIS NI TOUJOURS, 2 vol. in-8, 1835. — Arthur est un jeune homme de vingt-huit ans, assez bien tourné, faisant des romans, des vaudevilles, et jouissant de quatre mille livres de rente. Son père, le baron d’Harleville, qui voulait que son fils devînt colonel, le chasse de chez lui, et lui défend même de porter son nom. Arthur se console en composant des vaudevilles pétillants d’esprit, des romans qui font fureur ; il se dit : « Puisque mon père ne veut pas que son nom paraisse sur une affiche ni au bas d’une préface, eh bien ! j’illustrerai le nom d’Arthur. » Et il le fait comme il le dit. Alors tous les jours des femmes charmantes lui écrivent des billets doux, se disputent tous ses moments ; mais il n’en aime qu’une, Mme Clémence Moncarville, qu’il a rencontrée pour la première fois chez M. de Rivières, qui reçoit la meilleure société de Paris mitigée par la plus mauvaise. Mme Moncarville est donc l’amie de cœur d’Arthur, ce qui ne l’empêche pas d’enlever la maîtresse de son ami Désigny, jeune homme d’une grande naïveté, pour le ramener à la vertu ; la maîtresse se nomme Mme Ulisse ; c’est sans contredit le personnage le plus spirituel et le mieux dessiné que M. de Kock ait introduit dans son roman ; une femme qui serait la favorite d’un roi ou la belle-mère d’un ministre. Capricieuse comme toutes les jolies femmes, Mme Ulisse a eu la fantaisie d’écrire, elle a cédé à ce penchant, et, consacrant sa plume à l’éducation et à la morale, elle a composé des contes pour les enfants. Le premier de ces contes est intitulé Le vieux polisson, tout simplement, et l’on y enseigne aux enfants à ne point être vicieux dans leur vieillesse. Toutefois, d’après les conseils d’Arthur, elle renonce au culte des belles-lettres. Désigny croit à la vertu de Mme Ulisse, quoiqu’il l’ait surprise en flagrant délit dans un piége adroit qu’Arthur lui avait tendu. Mme Ulisse jure de se venger, et se venge en faisant jouer à Arthur le plus sot rôle que l’on puisse imaginer ; en le faisant triompher d’une laide et vieille fille, tandis qu’il croit serrer dans ses bras une jeune et jolie femme. Tous les trois ou quatre mois Arthur revient à Mme Moncarville, que son mari finit par chasser du domicile conjugal par suite des dénonciations de Mme Ulisse. Arthur la cherche en vain. Pour dissiper ses ennuis il va s’établir à la campagne, où il découvre une friponnerie concertée dans le but de dépouiller son père, prêt à partir pour l’Italie. Aussitôt il court à Boissy avertir le baron du danger qui le menace ; mais celui-ci, rien qu’en le voyant, entre dans une affreuse colère, monte en chaise de poste, et ne veut rien entendre. Arthur revient à Paris, où il cherche en vain Mme Moncarville. Plongé dans le désespoir que lui cause son absence, il rencontre son ami Darbois, qui lui dit : « Je pars ce soir pour l’Italie en collaboration d’un milord, veux-tu être des nôtres ? — Je suis des vôtres, » répond Arthur, et il part pour l’Italie. À Milan, il apprend que son père a été ruiné par sa femme, et se trouve détenu pour quarante mille francs de dettes. Arthur revient à Paris en toute hâte, vend ses rentes, et rend la liberté à son père, qui lui rend toute sa tendresse. Rien ne manquerait plus à son bonheur s’il retrouvait Clémence ; il la retrouve malade et malheureuse, et, après lui avoir prodigué ses soins, il apprend qu’elle n’a jamais aimé que lui. Enfin, M. Moncarville meurt ; Clémence est libre et riche, mais elle n’épouse pas Arthur : les deux amants sont heureux comme cela, pourquoi changer ? Telle est la morale du livre. Se marier, c’est dire toujours ; le mariage est donc contraire à la devise des amours.

GUSTAVE, ou le Mauvais sujet, 3 vol. in-12, 1821. — Gustave est un roman fort divertissant ; c’est l’histoire d’un mauvais sujet qui porte le trouble dans toutes les familles. À côté de ce jeune libertin figurent un colonel, le raisonneur de l’ouvrage, et une petite paysanne assez intéressante. Le tableau des amours de Gustave avec cette villageoise est ce qu’il y a de mieux dans le roman.

ZIZINE, 2 vol. in-8, 1836. — M. Guerreville, au bout de deux ans d’une douce et paisible union, perdit sa femme ; dès lors il consacra toutes ses affections à sa fille, et il aurait donné sa vie pour épargner un chagrin à sa Pauline. Pauline répondit merveilleusement aux soins et à la tendresse dont elle était l’objet ; douée de toutes les qualités du cœur et de l’esprit, à seize ans elle attirait tous les regards. Guerreville habitait les environs d’Orléans, où il fit la connaissance du jeune d’Aubray, dont la figure charmante et les manières distinguées firent impression sur le cœur de l’innocente Pauline. Guerreville n’aurait pas hésité à faire le bonheur de sa fille en l’unissant à l’homme de son choix ; mais d’Aubray avait d’autres projets : il fit croire à Pauline que son père lui avait refusé sa main, et il la décida à se laisser enlever. Ce fut un coup affreux pour Guerreville, mais l’espoir le soutient il pensait que sa fille ne pouvait manquer de revenir demander à son père un pardon pour son bonheur, ou des consolations pour son infortune. Vain espoir ! sept années s’écoulèrent sans qu’il pût rien apprendre sur le sort de sa fille chérie, malgré les démarches les plus actives. Un jour, dans une maison de la rue Montmartre, où il se livrait à ses investigations ordinaires, il vit, à un quatrième étage, un pauvre porteur d’eau malade à qui le portier venait annoncer que dès le lendemain son grabat serait vendu pour payer le loyer. L’Auvergnat était consterné ; sa fille, jolie enfant de six ans, qu’il nommait Zizine, lui prodiguait les soins les plus touchants. Guerreville prit Zizine à part, lui donna sa bourse, et envoya pour soigner le père, un de ses amis, le docteur Jenneval. Peu après cet événement, Zizine fut prise en affection par une dame fort riche, Mme Dolbert, qui se chargea de son éducation. Lorsque cette dame voulut marier sa fille, le porteur d’eau prit la résolution de reprendre Zizine avec lui, et vint à ce sujet demander conseil à Guerreville, qui promit d’aller s’entendre avec Mme Dolbert. Guerreville se présente en effet chez cette dame, où il trouve une nombreuse société réunie pour le mariage de Mlle Stéphanie Dolbert. Le futur époux paraît, et Guerreville reconnaît en lui le séducteur de sa fille, qui feint de ne pas le reconnaître. Incapable de se contenir en face de celui qui a causé tous ses malheurs, Guerreville l’accable des plus terribles questions, et n’obtenant que de dédaigneuses réponses, il frappe le jeune homme au visage, et se retire. Un duel a lieu ; Guerreville est blessé dangereusement ; mais le porteur d’eau Michel rencontre le séducteur de Pauline dans un endroit isolé, le force à se battre au pistolet, et le blesse mortellement. Michel devient l’ami de Guerreville, qui lui apprend tous ses malheurs. Il ne pouvait choisir un meilleur confident. Pauline, abandonnée, se réfugia, il y a sept ans, dans une maison de la rue Saint-Denis habitée par Michel. Là elle mourut, en donnant le jour à une fille, après avoir commencé une lettre pour son père, que la mort ne lui permit pas d’achever. Que de douces et terribles émotions viennent à la fois assaillir Guerreville ! Pauline morte ! … Mais il lui reste un enfant, Zizine, sa petite-fille, et le cœur du père renaît à la tendresse et au bonheur.

MOUSTACHE, 2 vol. in-8, 1838. — Trois étudiants, Georges, Timothée et Bouchenot, sont logés au quatrième étage d’une maison de la rue de la Calandre. En ce moment leur bourse est à sec, et ils sont même fort embarrassés de pourvoir à leur déjeuner. Bouchenot lève la difficulté en vendant quelques-un des vêtements qui leur restent à un marchand d’habits. Après avoir laissé à ses amis de quoi satisfaire leur appétit, Bouchenot sort pour aller aviser au moyen de sortir de l’embarras momentané où ils se trouvent ; chemin faisant, il achète un petit pain et une tranche de jambon, et se propose d’aller consommer ces modestes provisions dans les solitudes des Champs-Élysées. Sur sa route, il rencontre une grisette, à laquelle il débite d’aimables propos, mais la jeune fille l’écoute à peine, et ne lui répond que pour le menacer d’un gros chien qui la suit, et qu’elle désigne sous le nom de Moustache. Bouchenot s’éloigne, et au bout de quelque temps il est tout étonné de se voir suivi par Moustache, qui a flairé le jambon que l’étudiant a dans sa poche. Après diverses aventures plus fâcheuses les unes que les autres, Bouchenot regagnait, à l’entrée de la nuit, son domicile, lorsque passant dans les quartiers déserts qui avoisinent le canal Saint-Martin, Moustache se mit à gratter à la porte d’une maison isolée. Curieux de voir si la maîtresse du chien qui le suit depuis le matin ne demeure pas dans cette maison, Bouchenot ouvre la porte, qui n’est fermée qu’au loquet ; il entre, descend un escalier, distingue des voix mystérieuses, et allait prendre le parti de s’éloigner, lorsqu’il est découvert et environné par plusieurs individus d’assez mauvaise mine, qu’il prend pour des faux monnayeurs, et qui ne lui laissent la vie qu’après lui avoir fait jurer d’être discret sur ce qu’il a pu remarquer dans le souterrain. Ensuite, on lui bande les yeux, et après lui avoir fait faire plusieurs détours, on le laisse tremblant de peur sur une borne, près du canal Saint-Martin. Le lendemain de cette scène, les trois étudiants reçoivent la visite de Henri Jumières, un de leurs amis, qui, après huit mois d’absence, revient pour épouser Mlle Pauline Giraudmont, fille d’un riche négociant. Henri apprenant la détresse où se trouvent en ce moment ses amis, leur avance une somme suffisante pour leur permettre d’attendre l’échéance de la pension que leur font leurs parents. Henri propose à Bouchenot une place dans ses bureaux, et, en attendant que son mariage soit conclu, il l’introduit chez de riches négociants. Bouchenot venait de prendre place à une table de bouillotte, où il s’était assis par désœuvrement, lorsqu’on annonce M. de Mortandal ; Bouchenot lève la tête, et reconnaît en lui le chef des faux monnayeurs. M. de Mortandal passe dans la société pour un riche négociant, qui a obtenu en peu de temps une fortune considérable. Bouchenot profite de la première occasion pour sortir de la maison où il vient de faire cette rencontre de mauvais augure. Le lendemain, il reçoit une lettre contenant un billet de mille francs, qu’on le prie d’accepter pour reconnaître le secret qu’il a si bien gardé, et par laquelle on le prévient que tous les mois il recevra cinq cents francs pour prix de sa discrétion. De violents scrupules s’emparent de Bouchenot, qui finit par capituler avec sa conscience, et se résigne à accepter six mille livres de rente. Il change alors de logement ; la pension est exactement payée, et il mène la vie d’un désœuvré. Un jour, en passant sur le boulevard, il rencontre Henri, qui marchait triste et pensif, et qui lui fait part que son mariage est manqué ; M. Giraudmont lui a retiré sa promesse, et dans huit jours il marie sa fille à un riche capitaliste, M. Mortandal. « M. Mortandal ! s’écrie Bouchenot, c’est à lui que M. Giraudmont veut marier sa fille ? … — Oui ! … — Eh bien ! rassure-toi, ce mariage n’aura pas lieu. » Et Bouchenot raconte à Henri toute son histoire des faux monnayeurs. Il ne s’agit plus que de surprendre Mortandal ; mais comment faire ? Bouchenot cherche en vain à reconnaître la maison où il s’est introduit ; peut-être même n’y serait-il pas parvenu, sans la rencontre qu’il fit un jour de Moustache. Aussitôt Bouchenot achète un morceau de jambon, qu’il met dans sa poche ; le chien le suit, et après plusieurs allées et venues, il le voit s’arrêter devant une petite maison que Bouchenot reconnaît pour celle où il est entré. Henri fait prévenir de suite M. Giraudmont de venir s’assurer par lui-même de l’honorable profession qu’exerce son gendre futur. Un soir la petite maison est envahie ; Henri, Bouchenot et Giraudmont, tous bien armés, descendent dans la cave, où ils trouvent Mortandal, en compagnie de cinq ou six individus, occupés, non à faire de la fausse monnaie, mais à recueillir dans des barriques de l’huile et de l’eau-de-vie qui leur arrivaient par des tuyaux souterrains, communiquant au dehors de la barrière. Quinze jours après, Henri épousa Pauline. — Moustache est un livre plein de bonnes qualités et d’heureux défauts, un livre qui intéresse et fait rire d’un bout à l’autre.

Nous connaissons encore de M. Paul de Kock : La Laitière de Montfermeil, 5 vol. in-12, 1827. — Georgette, 4 vol. in-12, 1828. — La Maison blanche, 5 vol. in-12, 1828. — L’Enfant de ma femme, 2 vol. in-12, 1828. — Petits Tableaux de mœurs, 2 vol. in-12, 1829. — M. Dupont, ou la jeune Fille et la Bonne, 4 vol. in-12, 1829. — La Femme, le Mari et l’Amant, 4 vol. in-12, 1829. — L’Homme de la nature et l’Homme policé, 5 vol. in-12, 1831. — Le Cocu, 4 vol. in-12, 1831. — Madeleine, 4 vol. in-12, 1832. — Un bon Enfant, 2 vol. in-8, 1833. — La Pucelle de Belleville, 2 vol. in-8, 1834. — Mœurs parisiennes, in-8, 1837. — Un Tourlourou, 2 vol. in-8, 1837.