Semaine Dramatique/Porte-Saint-Martin/Un de la musique

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LA SEMAINE DRAMATIQUE


Porte-Saint-Martin. — Un de la musique, opérette-bouffe en deux actes et cinq tableaux de M. Camille François, musique de M. Roger Dumas.

L’action se passe dans une petite ville où les distractions sont rares. Pourtant, une fête doit y avoir lieu pour célébrer l’anniversaire de l’entrée, dans la cité, de Charles d’Orléans, poète et père de Louis xii.

Un cortège historique doit faire, à cette occasion, l’admiration des populations d’alentour et l’on a besoin, pour ce cortège, de cinq hommes sachant monter à cheval et jouer de la trompette comme des hérauts d’armes.

Pour tirer au flanc, Cossard, soldat de deuxième classe et quatre de ses camarades de chambrée se présentent comme remplissant à la perfection cette double condition. En réalité, ils ne sont pas plus cavaliers que des culs-de-jatte et pas plus musiciens que cavaliers. Naturellement, ce n’est que tout à fait à la fin que leur stratagème sera décelé et ils se tireront tout de même de leur situation, évidemment gênante, sans « faire de la boîte ».

Il est difficile de vous expliquer pourquoi et comment ces cinq soldats, leur commandant (un brave type), leur adjudant (une brute bien conventionnelle), se retrouvent au deuxième acte dans une agence matrimoniale et ce qu’ils y font. L’auteur ne s’est guère soucié de logique ni de construction scénique. Il a cherché à faire rire par des moyens éprouvés.

Sa pièce remporterait sans doute le plus vif succès dans les petits théâtres voisins de la Bastille ou de la place d’Italie. Peut-être réussira-t-elle à la Porte-Saint-Martin, grâce à Milton qui est sympathique, plein d’entrain et de gaîté, et qui sait dire, jouer et chanter juste (trois choses plus rares qu’on ne le croit). Le reste de l’interprétation est d’ailleurs également excellent : M. Marco Behar, dans le « juteux » est de premier ordre ; sa voix, son regard, ses attitudes donnent l’illusion d’un parfait naturel. Sans doute les spectateurs l’applaudiraient-ils davantage s’il n’avait pas le « sale rôle ». M. Florencie est un commandant tout rond et jovial, à la hauteur de ses partenaires. M. André Noël a un joli timbre, et il chante avec grâce les airs de charme qui sont de rigueur dans toute opérette. Mlle Simone Rouvière, elle aussi, a une voix agréable et s’elle s’en sert avec virtuosité. MM. Paul Darnois, Marcel Méral, Jean Kerland et Marquaille, en soldats de deuxième classe, puis en personnages du moyen âge, sont d’une cocasserie à laquelle la majorité des spectateurs ne résiste pas. Mme Alice Tissot, Mlle Sabine Andrée, Mlle Lozinie et surtout Mme Germaine Charley méritent également des éloges.

Quant à la partition de M. Roger Dumas, elle n’est pas désagréable à écouter. Elle comporte quelques airs assez bien venus et surtout un ensemble musical fort amusant… Attendons en silence. Elle s’inspire peu des rythmes modernes (ce qui n’est pas un reproche, mais une constatation) et rappelle beaucoup, par ses formules, les petites partitions d’il y a trente ans.

M. Sylvio Mossé dirige l’orchestre avec sa virtuosité éprouvée.

Marcel Belvianes.