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Stoïcisme et Christianisme/État de la question

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Antoine Amaté
Stoïcisme et Christianisme
État de la question
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Cet état de la question a déjà été fait en grande partie par Michel Spanneut dans son livre sur le Stoïcisme des Pères de l’Église : de Clément de Rome à Clément d’Alexandrie7, néanmoins son livre datant de 1957 il n’a pas pu traiter les ouvrages récents, tous les ouvrages référencés, antérieurs à cette date, proviennent de son travail.

La question des rapports entre la religion chrétienne et l’hellénisme a été abondamment traitée et sous des angles variés. Parfois on a simplement mis en parallèle les deux mondes intellectuels, d’autres fois on la traite sous l’angle de l’histoire, l’histoire des religions, ou encore l’histoire de la pensée ou de la philosophie… Les ouvrages datant du début du quinzième siècle à la fin dix-neuvième siècle qui ont traité ce sujet se sont tous bornés à montrer la supériorité du christianisme et manquent donc d’intérêt. Exception faite d’un des jeunes hégéliens, B. Bauer qui a d’ailleurs un parcours assez atypique. Il aurait commencé par étudier les origines du christianisme pour défendre l’honneur de Jésus et serait alors parvenu à la conclusion qu’il s’agit en fait d’une fiction. Dans son dernier livre Christus und die Cäsaren8, il affirme, en se basant sur des comparaisons entre textes stoïciens et chrétiens, que le christianisme n’est en fait qu’un prolongement du stoïcisme avec l’ajout d’un élément juif. Si cette thèse est trop controversée, les comparaisons qu’il opère peuvent nous être utiles.

La question a continué d’intéresser les chercheurs au vingtième siècle, dans son livre déjà cité, Spanneut fait la liste de tous les ouvrages l’ayant traitée9. Certains comme E. Gilson10 ont cherché à dégager l’originalité du christianisme, d’autres comme A. Bauer11 ont voulu voir dans le christianisme le résultat d’une évolution philosophique ou le fruit d’un syncrétisme. Plus récent et plus dans notre sujet, l’ouvrage de J. Danièlou12 nous éclaire sur la manière dont les Pères de l’Église ont intégré la culture grecque dans le christianisme ; ceci dit il s’intéresse uniquement, comme la grande majorité des auteurs, à l’influence platonicienne. Il ne fait qu’évoquer les influences stoïciennes sans y consacrer une partie de son ouvrage.

En histoire des religions, on trouve de très importants ouvrages généraux tel que celui réalisé sous la direction de J-M Mayeur13, qui est le plus récent d’entre eux. Dans la place que ces ouvrages accordent à la question du rapport entre la culture grecque et le christianisme, ils n’abordent essentiellement que l’influence platonicienne et ne font qu’évoquer le stoïcisme. Il en va de même dans les ouvrages plus précisément consacrés à notre période, comme celui de S. Mimouni, et P. Maraval14. Un intérêt est porté à la rencontre du christianisme et de l’hellénisme mais ces travaux ne nous renseignent donc que très peu sur l’influence philosophique stoïcienne en particulier.

En histoire des idées, le sujet a généralement été traité de la même manière qu’en histoire des religions. Quand les auteurs s’intéressent à la philosophie chrétienne, ils s’intéressent à l’influence du platonisme. On peut prendre pour exemples les travaux de E.Bréhier15 ou A. Rivaud16. Néanmoins, des chercheurs s’attèlent à une question philosophique particulière ou à un auteur en particulier, ainsi la question du logos par exemple a souvent été traitée et d’une manière qui nous intéresse par A. W. Argyle17. D’autres chercheurs comme J. Laporte 18 ou B. Altaner19 étudient la philosophie des Pères de l’Église et nous en donnent un aperçu général. Mais il faut le répéter, ces travaux n’apportent très peu à notre étude car ils ne s’intéressent pas ou peu au stoïcisme.

Dans les ouvrages d’historiens ou philosophes sur le mouvement stoïcien, on peut souvent trouver un chapitre sur la postérité du stoïcisme et dans celui-ci une évocation des tendances stoïciennes du christianisme. Parmi eux, on peut noter les ouvrages de R. Dherbey20et de J. Brun21. Plus intéressant pour nous, le travail de M. Pohlenz qui consacre cinquante pages à l’influence du stoïcisme sur les Pères22. Tout aussi intéressant, le travail de P. G Chappuis23 qui aborde les questions d’influence en matière métaphysique mais en tant que fondement de la morale. D’autres livres nous éclairent sur la survie de différents concepts, en particulier dans le christianisme. Quoi qu’il en soit, l’ouvrage qu’il est nécessaire d’avoir consulté sur cette question de la postérité du stoïcisme est celui de M. Spanneut sur la permanence du stoïcisme24.

Voilà ce qu’on peut dire pour les ouvrages généraux qui abordent le problème des rapports entre hellénisme et christianisme. Heureusement pour nous, si ceux-là sont généralement peu instructifs dans le domaine précis qui nous intéresse, d’autres chercheurs ont abordé plus en détail la parenté du stoïcisme et du christianisme. De nombreux travaux ont été réalisés rapprochant les deux, surtout dans le domaine de la morale. On peut notamment mentionner les œuvres de A. Chollet25 et de E. Elorduy26, le premier compare les deux morales mais pour mieux souligner l’originalité du christianisme, le second tente de montrer que dans le domaine de la morale toujours, le stoïcisme a préparé l’arrivé du christianisme. On pourrait citer d’autres écrits du même genre qui s’occupent tous des questions morales et établissent des comparaisons. On peut aussi citer parmi ces ouvrages qui réalisent des comparaisons ceux qui rapprochent Épictète ou Marc-Aurèle du Nouveau Testament27, Sénèque et Saint-Paul (souvent basé sur la fausse correspondance malheureusement)28 ou le Sage et le Saint29. Mais pour ce qui est des rapprochements entre stoïcisme et christianisme sur la morale, l’ouvrage le plus important est celui de J. Stelzenberger30 ; il y examine méthodiquement de nombreux points de convergence.

Pour ce qui est de la théologie ou de la philosophie pure, très peu abordée par les différents travaux déjà cités, on peut évoquer les différents ouvrages consacrés à des Pères de l’Église en particulier comme Clément de Rome31, Justin32, Tertullien33, Minucius Félix34 ou Clément d’Alexandrie35 qui étudient l’élément stoïcien de l’écrivain traité. Mais le travail le plus important et qui fait référence en ce domaine est celui de M. Spanneut qui traite de tous les points de philosophie et de théologie. Pour chaque thème, il résume la pensée des stoïciens puis cherche chez chaque Pères de l’Église les passages où on peut la retrouver36. C’est sur cette thèse qu’est basée notre partie sur les deux conceptions stoïcienne et chrétienne de l’homme et l’univers.