Théorie des fonctions analytiques/Partie III/Chapitre 03

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Gauthier-Villars (Œuvres de Lagrange. Tome IXp. 352-359).
Troisième partie


CHAPITRE III.

Du mouvement curviligne. Des vitesses et des forces dans ces mouvements. Équations générales du mouvement d’un corps sollicité par des forces quelconques. De la manière d’éliminer le temps dans ces équations pour trouver la courbe décrite par le corps.

11. Considérons maintenant un mouvement quelconque, et supposons que les coordonnées de la courbe décrite par le mobile soient des fonctions données du temps Dans un instant quelconque, au bout du temps le corps aura, suivant la direction de l’axe des la vitesse et la force accélératrice (no 6) ; il aura pareillement, suivant la direction de l’axe des la vitesse et la force accélératrice et, suivant la direction de l’axe des la vitesse et la force accélératrice Donc les trois vitesses donneront la vitesse composée que nous appellerons dont la direction fera avec les trois axes des angles dont les cosinus seront de sorte que, nommant ces angles, on aura (no 8)

Nous remarquerons d’abord ici que l’expression de la vitesse du mobile est la même que celle de la fonction prime de l’arc de la courbe parcourue no 37, IIe Partie), de sorte que, nommant en général l’espace curviligne parcouru par le corps et le regardant comme une fonction du temps, on aura pour vitesse réelle du mobile, comme si le mouvement était rectiligne. Nous remarquerons ensuite que la direction de cette vitesse sera la même que celle de la tangente de la courbe ; car, par les formules du no 33 de la deuxième Partie, on voit que et sont les tangentes des angles que la tangente de la courbe projetée sur le plan des et et sur celui des et fait avec l’axe des mais, comme dans ces formules et sont supposées fonctions de pour les appliquer au cas où l’on suppose fonctions d’une troisième variable il faudra, suivant la remarque du no 50 de la première Partie, substituer et à la place de et de sorte que les tangentes des angles dont il s’agit seront exprimées par et ces angles seront donc les mêmes que ceux des projections sur les mêmes plans de la ligne qui serait décrite par la vitesse composée de trois vitesses (no 7) ; par conséquent, cette ligne coïncidera avec la tangente de la courbe. De là il suit que, si les causes qui empêchent le mouvement d’être rectiligne et uniforme venaient à cesser subitement dans un instant quelconque, le mobile continuerait son mouvement par la tangente avec une vitesse égale à la fonction prime de l’arc décrit.

Suivant le Calcul différentiel, les fonctions primes sont représentées par et les fonctions secondes par en prenant constant.

12. Les trois forces accélératrices donneront de même (no 9) une force unique exprimée par que nous appellerons et dont la direction fera avec les trois axes des coordonnées des angles dont les cosinus seront de sorte que, nommant ces angles, on aura

Ainsi, connaissant la loi du mouvement du corps, c’est-à-dire les valeurs de en on pourra trouver, par ces équations, la force accélératrice et sa direction \delta\alpha chaque instant, et, réciproquement, connaissant la force avec les angles on aura trois équations du second ordre qui serviront à déterminer et en Les problèmes de la première espèce ne dépendent que de l’analyse directe des fonctions et sont, par conséquent, toujours résolubles ; ceux de la seconde espèce dépendent de l’analyse inverse des fonctions et sont sujets à toutes les difficultés de cette analyse.

Si le mobile était sollicité à la fois par deux forces accélératrices et suivant des directions faisant avec les axes des des angles pour la force et pour la force on aurait, par les formules des numéros cités,

et ainsi de suite, pour tel nombre de forces qu’on voudra.

13. Supposons que les directions des forces et fassent avec la tangente de la courbe les angles puisque, dans les formules du no 11, les angles sont les mêmes que ceux de la tangente avec les trois axes, on aura, par la formule trouvée à la fin du no 8,

et de même,

Donc, multipliant les trois dernières équations du numéro précédent par et les ajoutant ensemble, on aura

Substituant pour leurs valeurs (no 11) et remarquant que est la fonction prime de c’est-à-dire de que, par conséquent, cette quantité est égale à on aura l’équation

qui est, comme l’on voit, semblable aux équations du mouvement rectiligne suivant les trois axes.

Cette équation sert à déterminer directement la vitesse réelle du corps, qui est exprimée par et l’on voit que les forces perpendiculaires à la tangente n’influent en rien sur la vitesse, puisque, les angles étant alors droits, leurs cosinus sont nuls, ce qui détruit les termes dus à ces forces dans l’expression de d’où l’on peut conclure, en général, que lorsqu’un corps est contraint de se mouvoir dans un canal d’une figure donnée, comme l’action des parois du canal sur le corps ne peut s’exercer que perpendiculairement au canal même, la vitesse du corps-ne sera nullement altérée par cette action. Au contraire, les forces qui agissent suivant la tangente produisent sur la vitesse leur plein et entier effet, comme si le mouvement du corps était rectiligne, puisque, les angles devenant nuls par ces forces, leurs cosinus sont égaux à l’unité.

14. La gravité et toutes les forces d’attraction connues agissent également sur toutes les parties matérielles des corps et produisent le même mouvement, abstraction faite de l’inégalité des forces à raison des distances, de sorte que l’effet de l’action de ces forces est indépendant de la masse du corps mû et est le même, par rapport à la vitesse imprimée, que si la masse était réduite à un point. Dans les attractions réciproques des corps, la force d’attraction est proportionnelle à la masse du corps attirant, parce que chacune de ses particules attire également par conséquent, le mouvement absolu imprimé au corps attiré est simplement proportionnel à la masse du corps attirant.

Il n’en est pas de même des forces qui ne pénètrent point dans l’intérieur des corps et qui n’agissent qu’à l’extérieur, comme l’action des ressorts, celle de la résistance des fluides, les forces produites par la pression, par la tension des fils, etc. Il est clair que ces forces ne peuvent produire le même effet sur différents corps, à moins qu’elles ne soient proportionnelles à leurs masses ; car, si une force double, par exemple, agit sur un corps de masse double, c’est la même chose que si deux forces simples agissent séparément sur deux masses simples ; il est clair aussi que l’effet produit sur une même masse ou des masses égales par différentes forces, c’est-à-dire le mouvement ou la vitesse imprimée, doit être proportionnelle aux forces ; ainsi, si une force agissant sur une masse y imprime la vitesse une force agissant sur la masse y imprimera la même vitesse mais la force agissant sur la masse lui imprimera la vitesse donc la même force imprimera à la masse la vitesse et à la masse la vitesse d’où il suit que les vitesses imprimées par une même force à des masses différentes sont en raison inverse des masses. Donc, en général, l’effet d’une force donnée sur une masse donnée est en raison directe de la force et en raison inverse de la masse, ou comme la force divisée par la masse.

Ce principe est confirmé par l’expérience, car un ressort placé entre deux corps et agissant également sur l’un et sur l’autre leur imprime des vitesses en raison inverse de leurs masses. Lorsque deux corps durs, mus sur la même ligne en sens opposés, viennent à se choquer avec des vitesses en raison inverse de leurs masses, ils s’arrêtent après le choc par la destruction réciproque de leur mouvement, et s’ils sont parfaitement élastiques ils sont réfléchis en arrière, chacun avec la même vitesse qu’il avait avant le choc.

Dans les corps pe sants, comme la gravité agit également sur toutes les parties de la masse du corps, son action absolue est proportionnelle à la masse ; donc, divisant cette action par la masse, l’effet de la pesanteur pour imprimer du mouvement aux corps devient indépendant de leur masse et est le même pour tous les corps. Mais si deux corps pesants se tiennent par un fil passant sur une poulie, comme les forces qui résultent de leur pesanteur, et qui sont proportionnellesaux masses, tirent le fil en sens contraire, il n’y a que la différence de ces forces qui puisse leur imprimer du mouvement, et, comme les deux corps doivent se mouvoir conjointement et parcourir le même espace vertical dans le même temps, la masse totale à mouvoir est la somme des masses ; ainsi, l’action de la gravité pour mouvoir ces corps se trouve diminuée en raison de la différence des masses à leur somme ; par conséquent, les espaces parcourus au bout d’un temps quelconque seront à ceux d’un corps pesant qui tombe librement dans la même raison. C’est ce que l’expérience confirme dans la machine inventée par At\omegaod pour démontrer les lois de l’accélération des graves.

15. Il résulte du principe que nous venons d’exposer que les forces accélératrices d’un corps doivent être estimées par les valeurs absolues des forces qui agissent sur le corps, divisées par la masse même du corps. Ainsi, si expriment les valeurs absolues des forces qui agissent sur un corps dont la masse est suivant des directions qui fassent avec les axes des coordonnées les angles pour la force les angles pour la force et ainsi des autres, il faudra, dans les formules du no 12, mettre partout à la place de ou, ce qui reviendra au même, multiplier par les quantités De cette manière on aura donc, pour les équations du mouvement du corps sollicité par les forces ou puissances quelconques les équations

Lorsque des corps s’attirent mutuellement, comme l’attraction est censée venir de toutes les parties de la masse attirante et agir sur toutes les parties de la masse attirée, il s’ensuit que la valeur absolue de la force d’attraction entre deux corps doit être proportionnelle au produit de leurs masses.

16. Dans ces équations, les coordonnées sont regardées comme des fonctions du temps Pour avoir les équations mêmes de la courbe décrite par le corps, il faudra éliminer le temps et réduire les coordonnées et à de simples fonctions de Voici l’esprit et le fondement de cette réduction.

En regardant les quantités comme fonctions de lorsque devient ces quantités deviennent

par les principes établis dans la première Partie sur le développement des fonctions.

En regardant, d’un autre côté, et comme fonctions de lorsque devient ces mêmes quantités deviennent

Je renferme ici les quantités entre des parenthèses, pour les distinguer des mêmes quantités relatives à la première hypothèse.

Donc, si l’on fait

il faudra que l’on ait, quel que soit l’équation

et de même

Substituant la valeur de et comparant les termes affectés de la même

puissance de la première équation donnera

et ainsi de suite ; d’où l’on tire

et ainsi de suite ; et l’on aura, par la seconde équation, des formules semblables pour en changeant seulement la lettre en

Ces formules s’accordent avec celles que nous avons trouvées, d’une autre manière, dans la première Partie (no 50), car on voit que

L’analyse précédente est plus directe et résulte des premiers principes de la chose mais celle de l’endroit cité a l’avantage de faire voir la loi de la progression, car elle donne immédiatement

et ainsi de suite, en désignant par un trait appliqué aux parenthèses carrées la fonction prime de la quantité renfermée entre les parenthèses.

Par le moyen de ces formules, on pourra transformer les équations qui contiennent les fonctions dérivées relativement à en d’autres équations où il n’y ait que les fonctions dérivées relativement à


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