Aller au contenu

Traité élémentaire de la peinture/054

La bibliothèque libre.
Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 39-40).


CHAPITRE LIV.

Qu’il faut éviter de peindre divers tableaux d’histoire l’une sur l’autre dans une même façade.

Ce que je blâme ici est un abus universel et une faute que tous les Peintres font quand ils peignent des façades de chapelles : car, après avoir peint sur un plan une histoire, avec son paysage et des bâtimens, ils en peignent plusieurs autres au-dessus et à côté de la première sur autant de plans différens, en changeant chaque fois de point perspectif, de sorte que la même façade se trouve peinte avec plusieurs points de vue différens, ce qui est une grande bévue pour des Peintres, d’ailleurs habiles, puisque le point de vue d’un tableau représente l’œil de celui qui le regarde. Et si vous me demandez comment on pourra donc peindre sur une même façade la vie d’un saint, divisée en plusieurs sujets d’histoire ; à cela je vous réponds qu’il faut placer votre premier plan avec son point perspectif à une hauteur de vue convenable à ceux qui verront votre tableau, et sur ce premier plan représenter votre principale histoire en grand, et puis aller diminuant les figures et les bâtimens de la suite de votre sujet, selon les diverses situations des lieux. Et dans le reste de la façade, vers le haut, vous y pourrez faire du paysage avec des arbres d’une grandeur proportionnée aux figures, ou des anges, si le sujet de l’histoire le demande, ou bien des oiseaux, ou simplement un ciel avec des nuages, et semblables choses ; autrement, n’entreprenez point de peindre ces sortes de tableaux, car tout votre ouvrage seroit faux, et contre les règles de l’optique.