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Traité élémentaire de la peinture/110

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Traduction par Roland Fréart de Chambray.
Texte établi par Jean-François DetervilleDeterville, Libraire (p. 97-98).


CHAPITRE CX.

Pourquoi on ne peut distinguer la couleur et la figure des corps qui sont dans un lieu qui paroît n’être point éclairé, quoiqu’il le soit.

Il y a plusieurs endroits éclairés qui paroissent cependant remplis de ténèbres, et où les choses qui s’y rencontrent demeurent privées entièrement et de couleur et de forme : la cause de cet effet se doit rapporter à la lumière de l’air venant d’un grand jour, laquelle fait comme un obstacle entre l’œil et son objet ; ce qui se remarque sensiblement aux fenêtres qui sont loin de l’œil, au-dedans desquelles on ne peut rien discerner qu’une grande obscurité égale et uniforme ; mais si vous entrez dans ces lieux, vous les verrez fort éclairés, et vous pourrez distinguer jusques aux moindres choses qu’ils contiennent. Ces deux impressions si différentes se font par la disposition naturelle de l’œil, dont la foiblesse ne pouvant supporter le trop grand éclat de la lumière de l’air, la prunelle se resserre, devient fort petite, et par-là perd beaucoup de sa force ; mais au contraire, dans les lieux sombres, la même prunelle s’élargit, et acquiert de la force à proportion de son étendue : ce qui fait qu’elle reçoit beaucoup de lumière, et qu’on peut voir des objets qu’on ne pouvoit distinguer auparavant lorsqu’elle étoit resserrée.