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Une Ecole d’impérialisme mystique - Les plus récens théoriciens du pangermanisme

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Une Ecole d’impérialisme mystique - Les plus récens théoriciens du pangermanisme
Revue des Deux Mondes5e période, tome 50 (p. 196-228).
UNE
ÉCOLE D’IMPÉRIALISME MYSTIQUE

LES PLUS RÉCENS THÉORICIENS
DU PANGERMANISME

Les élections législatives de 1907, qui marquèrent pour le parti de la démocratie socialiste allemande un échec matériel sensible et plus encore un échec moral de portée considérable, ont été, nous l’avons lu partout, des élections « nationales. » A la voix de l’Empereur et de ses ministres, une partie du corps électoral est venue se rallier autour du drapeau de l’Empire. C’est là un événement dont les causes sont fort complexes sans doute, mais auquel certaines considérations, théoriques en apparence et assez pratiques en réalité, ne sont pas étrangères. Chez nos voisins d’outre-Rhin, le socialisme démocratique, c’est-à-dire l’impérialisme de classe, appuyé sur l’entraînant mysticisme romantique dont Marx lui a fourni les formules, rencontre la concurrence d’un impérialisme de race, le pangermanisme, qui n’est guère moins pourvu de doctrines et possède lui aussi ses prophètes enthousiastes et ses subtils théologiens. Nous avons étudié ici même, il y a cinq ans, l’un des plus éloquens parmi ces prophètes et l’un des plus avisés parmi ces théologiens, M. Houston Stewart Chamberlain[1]. Depuis cette époque le mouvement germaniste théorique, loin de se ralentir, s’est propagé, ramifié en tous sens : son influence se fait sentir aujourd’hui dans mainte direction, assez loin de son point de départ. Ce draconien projet de loi sur l’expropriation en Pologne que le prince de Bülow vient de soutenir devant le Landtag prussien est une manifestation de pangermanisme pratique qui ne laisse rien à désirer au point de vue de la franchise. Nous voudrions examiner les positions actuelles de cette doctrine conquérante, scruter les sentimens de l’opinion cultivée à l’égard de ses premiers artisans. Nous voudrions surtout signaler les nouveaux venus parmi ses apôtres, ceux qui se sont fait connaître depuis peu par quelque prédication retentissante au sein d’une église dont les fidèles se font chaque jour plus nombreux.


I

Le précurseur le plus notoire du pangermanisme théorique est un Français, le comte de Gobineau. M. Romain Rolland, esquissant hier dans son beau roman de Jean Christophe la silhouette d’un littérateur wagnérien, écrit de cet original : « Il va de soi que Wagner était pour lui le type du pur Aryen dont la race allemande est restée le refuge inviolable contre les influences corruptrices du sémitisme latin et spécialement français… Il ne reconnaissait qu’un seul grand homme en France, Je comte de Gobineau[2]. » Tel est bien l’état d’âme de maint pangermaniste fougueux. L’écrivain qui a le plus fait pour la réputation posthume de Gobineau au-delà du Rhin, le docteur Ludwig Schemann, vient de raconter dans une intéressante brochure[3]la fondation, par des mains allemandes, d’un sanctuaire voué aux mânes de notre compatriote. Oui, Gobineau a désormais son musée, son « Archiv, » chez nos voisins, aussi bien que Gœthe, Schiller, Wagner ou Nietzsche, et ce musée possède un caractère en quelque sorte officiel qui fait défaut à plus d’une institution du même ordre. La « collection Gobineau » remplit une salle entière dans la Bibliothèque de l’Université de Strasbourg, ce corps savant ayant acquis, pour un prix assez élevé, les reliques de l’écrivain français. On trouve réunis en ce lieu ses manuscrits, les documens qui se rapportent à son œuvre, et quelques pièces du mobilier oriental dont il aimait à parer les installations, presque toujours sommaires, qui marquèrent les étapes de sa vagabonde existence. Sur des gaines se dressent les œuvres plastiques de son âge mûr, statuettes et figures de marbre, auxquelles les critiques d’art d’outre-Rhin témoignent déjà quelque chose de cette complaisance insigne, dont les critiques littéraires se sont montrés tant de fois prodigues à l’égard des écrits du comte de Gobineau. Strasbourg a été choisi pour recevoir ce pieux dépôt parce que « l’Alsace a servi de lien entre les deux cultures française et allemande durant tout le cours de son histoire. »

Sans insister davantage sur un sujet fréquemment traité[4]depuis quelques années, nous dirons l’influence grandissante d’un autre artisan français du germanisme, qui, à en juger par son actuelle réputation chez nos voisins, aura quelque jour, lui aussi, son Verein et son musée en terre germanique. Est-il en effet une voie plus sûre vers l’apothéose ou vers la canonisation que d’avoir appuyé dans son effort l’impérialisme de quelque groupe humain, destiné à connaître, au moins pour un temps, le triomphe ? Servir les passions des hommes, fût-ce de façon inconsciente et involontaire, c’est encore le plus sûr moyen pour trouver le chemin de leurs cœurs !

Les idées de M. Georges Vacher de Lapouge ont été discutées jadis ici même par M. Alfred Fouillée, on sait avec quel talent et quelle autorité[5]. À cette époque, les deux ouvrages principaux de M. de Lapouge n’étaient pas publiés, mais les doctrines qui en font la base avaient été exprimées déjà par l’auteur dans ses cours libres à la Faculté de Montpellier, et résumées dans quelques revues savantes. Son livre sur Les Sélections sociales parut en 1896 ; son étude sur l’Aryen et son rôle social est de 1899. L’un et l’autre n’ont cessé depuis lors d’être le vade-mecum des germanistes les plus décidés d’outre-Rhin. Hier encore, à la veille de sa mort tragique, le docteur L. Woltmann, dont nous parlerons plus loin, dédiait à notre compatriote ses recherches sur l’influence de la race germanique dans le développement de la civilisation française, Die Germanen in Frankreich[6], et M. J.-L. Reimer, dont nous dirons également les vues intéressantes, écrivait de lui : « Ses œuvres sont d’une importance scientifique fondamentale pour l’étude du rôle historique et social du germanisme. On trouve chez lui l’affirmation la plus radicale de l’importance de la race germanique pour la culture européenne[7]. »

Avant d’exposer les raisons du succès de M. de Lapouge au-delà du Rhin, nous rendrons hommage à l’indépendance et à la parfaite sincérité de ses convictions. Il enseigne ce qu’il considère comme la vérité scientifique, sans arrière-pensée ni parti pris d’aucune sorte. Il n’a jamais exalté que l’Aryen ou l’Européen (Homo Europaeus), concept évidemment beaucoup plus large que celui de « Germain, » et il s’est parfois montré pour l’Allemagne moderne aussi dédaigneux qu’un Gobineau. Gardons-nous, écrit-il quelque part, de « nous laisser illusionner par la puissance apparente, mais éphémère, de petites nations comme l’Allemagne et la France[8] ! » Seulement, nos voisins ont vite oublié ses réserves, pour ne retenir de ses leçons que les traits propres à appuyer leur impérialisme mystique. Il y a cinquante ans, des philologues français tels que Renan protestaient déjà contre l’adjectif « indo-germanique » sans cesse employé au-delà du Rhin, là où la science française écrivait « indo-européen. » Par un empiétement analogue, les lecteurs teutons de M. de Lapouge se sont empressés de prononcer « Germains » partout où il écrivait lui-même Aryens ou Européens et d’identifier le plus possible ces Germains, favoris de la nature, avec les sujets actuels de l’empereur Guillaume II. De tout cela l’auteur des Sélections sociales ne saurait être rendu responsable : il mérite donc l’estime et la déférence de ceux-là mêmes que ses argumens n’ont pas convaincus.

Gobineau, sur la fin de sa vie, semblait considérer Darwin comme l’un de ses disciples[9]. M. de Lapouge se rattache ouvertement à Darwin et aux penseurs qui ont porté tout d’abord les doctrines darwiniennes dans la science sociale, à Mme Clémence Royer, à Galton, à Broca ; mais il s’est en outre appuyé sur des observations zoologiques et anthropologiques toutes personnelles[10]. Elles l’ont amené à la même conclusion que les premiers ouvriers inconsciens de la thèse germaniste au XVIe siècle, les Boulainvilliers et les Mably. Il y a, dit-il, deux races d’hommes dans tous les pays d’Europe : une race de conquérans et de maîtres par droit d’origine, les Aryens ou Européens (Homo Europaeus) ; une race de vaincus et d’esclaves-nés, les Celtes ou Alpins (Homo Alpinus)[11]. Ces deux races se distinguent non seulement par leur aspect physique sur lequel nous reviendrons tout à l’heure, mais tout autant par leur caractère moral. C’est en vertu d’un décret de nature que l’homme issu d’ancêtres aryens est fait pour commander partout où il se trouve : c’est une fatalité inéluctable de son tempérament qui réserve l’Alpin aux situations subalternes et aux besognes viles. Le « marchand de marrons du coin, » tel est le nom dédaigneux par lequel M. de Lapouge se laisse aller parfois à désigner cet être de second ordre.

L’Aryen, dit-il, ne reconnaît pas de limites à son audace. Toute terre est sienne et ses pères ont à bon droit porté le nom de raptores orbis. Son intelligence s’élève facilement jusqu’au génie : vouloir, pour lui, c’est exécuter sur-le-champ. Logique quand il convient, il ne se paye jamais de mots ; en religion, il est protestant ; le progrès est son besoin le plus intense, et cette disposition d’esprit prépare sa race aux plus hautes destinées[12]. Au contraire, le cette ou l’Alpin, rarement nul, atteint rarement au talent. Prudent, méfiant, mais facile à piper avec des mots, il est l’homme de la tradition et de ce qu’il appelle le bon sens. En religion, il est volontiers catholique. Il voit et favorise les intérêts de sa famille, mais l’étendue de sa patrie forme souvent pour la portée de sa vue un trop vaste horizon. S’il est intelligent, il accumule les idées plutôt qu’il n’en fabrique : laborieux, il a le travail peu intense ; s’il est économe, c’est qu’il ne sait pas regagner ce qu’il a perdu[13]. Tandis qu’on voit l’Aryen doué de cette solidarité agressive que montrent les chiens de meute au ferme du sanglier, « chacun poussant l’autre pour charger le premier et comptant sur ses compagnons pour l’aider s’il trouve trop de résistance, » l’Alpin ne connaît pour sa part que la solidarité du troupeau de moutons où chacun cherche à se cacher derrière le voisin.

Emporté par l’animosité qui se trahit déjà dans le portrait que nous venons de citer, M. de Lapouge va jusqu’à supposer que, vers l’âge de pierre, les Alpins vivaient dans les montagnes et dans les forêts à l’état presque simien, et furent tirés de leurs repaires pour servir de bêtes de somme aux Aryens. Ces derniers réalisèrent en quelque sorte le problème de la domestication du singe, et, pour résoudre à leur profit les questions sociales déjà posées vers ces temps lointains, ils bénéficièrent d’un élément qui nous manque, « un homme encore à l’état animal. » Or l’Alpin est resté, depuis ces humbles débuts dans l’histoire « le parfait esclave, le serf idéal, le sujet modèle, et, dans les républiques comme dans la nôtre, le sujet le mieux vu, puisqu’il tolère tous les abus de la force[14]. » Bien plus, « ces esclaves nés sont toujours à la recherche de maîtres quand ils ont perdu les leurs, instinct commun seulement dans la nature à l’Alpin brachycéphale et au chien ! » C’est sur ce ton passionné que l’admirateur des Aryens parle le plus souvent de leurs cohabitans sur le sol européen, de ces êtres « noirauds, courtauds, lourdauds » que leur médiocrité même protège. Et il a écrit quelque part, dans un élan de mépris indicible pour tout ce qui porte le caractère anthropologique du crâne large, marque distinctive à ses yeux de la race alpine : « I, ’Empire d’Orient finit plus mal encore (que l’empire romain d’Occident) ! Ses vainqueurs furent des brachycéphales ; les Turcs ! On ne cite point d’autre exemple d’une pareille chute[15]. »

M. de Lapouge et ses partisans ont été le plus souvent attaqués sur l’importance excessive qu’ils donnent à la craniométrie dans leur doctrine. Nous ne reprendrons pas pour notre part une discussion qui nous semble désormais assez stérile : on a tout dit en effet sur les embarras causés par leur marotte aux fervens de la mensuration des têtes, et c’est là une source de comique qui est dès longtemps épuisée. Aussi bien, l’originalité réelle de M. de Lapouge, la raison de son influence persistante n’est-elle pas dans les observations plus ou moins convaincantes qu’il apporte à l’appui de la notion des deux races : l’une, l’aryenne, dominatrice par droit divin ; l’autre, l’alpine, esclave par destination providentielle, — en un mot, dans son adhésion à l’impérialisme de race pour le passé. Cette originalité réside surtout dans sa conception des causes qui expliquent le déclin de la plus noble des deux races et dans les conseils qu’il apporte pour restaurer rapidement l’hégémonie aryenne, si longtemps favorable au progrès matériel et moral de l’humanité.

Car cette hégémonie est sérieusement menacée, et c’est même un spectacle assez inattendu que de voir l’Alpin, inférieur par hypothèse dans la lutte vitale, chasser partout devant lui durant les temps modernes l’Aryen si bien doué par la nature pour dominer le monde. Fait certain cependant, puisqu’on nous montre la proportion des crânes larges augmentant sans cesse en Europe depuis l’origine des temps historiques. — Comment expliquer cette énigme ? Gobineau l’expliquait, on le sait, par le mélange, par les alliances contractées entre maîtres et esclaves, et jugeait pour toujours irrémédiable l’antique erreur matrimoniale de la race aryenne. M. de Lapouge résout le problème par la sélection naturelle s’exerçant dans le cadre social, et il en apporte le remède avec la sélection sociale artificielle qu’il s’agit de mettre en œuvre désormais. Nous allons dire par quels moyens. Grâce à lui, l’aryanisme (en même temps que le germanisme son succédané), cette doctrine que Gobineau avait faite nécessairement pessimiste et tournée pour toujours vers le passé, en vêtemens de deuil, avec des lamentations éloquentes, put désormais regarder vers l’avenir avec un sourire d’espoir radieux[16] ! Ce sont là des services qui ne s’oublient pas. Les adeptes intéressés de cette religion conquérante ne sauraient témoigner assez de reconnaissance à l’homme qui en a de la sorte raffermi l’attitude présente et éclairé les perspectives d’avenir.


II

Rappelons en quelques mots l’ingénieuse doctrine de la sélection sociale naturelle. Les anthropologues de l’école aryaniste voient dans toutes les institutions sociales de l’Europe chrétienne des ennemies implacables de l’Aryen blond, des pieuvres monstrueuses qui ont aspiré son sang généreux, éclairci les rangs de ses familles et l’ont éliminé peu à peu des régions où il dominait jadis. Ainsi la sélection militaire a, depuis longtemps, supprimé avant l’âge les plus entreprenans et les plus courageux, parce qu’ils s’exposent davantage aux traits de l’ennemi. La sélection politique, c’est-à-dire la tyrannie des partis vainqueurs, les basses suggestions de l’envie ont fait périr les meilleurs citoyens, ceux-là mêmes que leurs vertus proposaient d’abord aux regards et aux coups. La sélection religieuse a jeté au cloître les âmes les plus nobles et les a privées de postérité par le règlement néfaste du célibat ecclésiastique. Enfin la sélection économique, qui donne la richesse aux plus doués, use leur descendance par le luxe et l’inaction délétère. Au total, si nous en croyons ces sélectionnistes imperturbables, toutes les institutions modernes, tous les prétendus progrès réalisés par la civilisation européenne ont tourné contre l’Aryen Germain, l’éliminant peu à peu par l’effet de sa valeur même et laissant par-là le champ libre aux Alpins médiocres et terre à terre. Ceux-ci ne triomphent donc nullement en vertu de leurs qualités personnelles, mais par un concours de circonstances indépendantes de leur volonté, par une sorte d’action toute mécanique de remplacement, comme le répètent leurs détracteurs avec insistance.

Tout cela est aussi convaincant que peuvent l’être des déductions statistiques, dont la base est encore fort étroite et le résultat très discuté. M. de Lapouge s’est fondé pourtant sur ces faits pour supposer dans le sein des nations européennes la très rapide substitution de la race alpine à la race aryenne, hier encore dominante. Là où Gobineau demandait de longs siècles pour expliquer la décadence d’une civilisation aryenne par l’effet délétère du mélange et des mésalliances matrimoniales, quelques générations suffisent à son continuateur, appuyé sur la sélection pour rendre compte de la même déchéance[17]. Un Walpole qui parcourrait aujourd’hui comme il y a cent cinquante ans les campagnes de France, en observateur avisé et sagace, reverrait souvent les mêmes bâtimens agricoles qu’au XVIIIe siècle : il retrouverait parfois les mêmes costumes, entendrait les mêmes locutions. Et pourtant, ce serait un autre peuple qui s’agiterait sous ses yeux, une race différente par sa structure physique et par ses tendances morales. On croirait lire un conte d’Hoffmann lorsqu’on voit affirmer cette rapide et entière substitution d’un peuple à un autre, dont il conserve le nom, le patrimoine, et même, pendant quelque temps, la réputation. Ainsi, à la faveur de la tourmente révolutionnaire, des serviteurs purent entrer dans la peau de leur maître, des hommes s’incarner dans un personnage féminin[18]et tenir durant de longues années la position sociale de gens disparus sans retour ! Une telle conviction prépare les esprits qui en sont pénétrés à l’acceptation du miracle !

C’est en effet un miracle en sens inverse, un prodige de restauration et de rajeunissement que M. de Lapouge entend demander à la sélection, trop longtemps coupable de désordre, et de perversion. Les péchés de la sélection sociale naturelle à l’égard de l’Aryen, ce favori du ciel, seront rachetés par les mérites de la sélection sociale artificielle, de la sélection systématique, et c’est celle-là que notre savant compatriote s’est employé à préconiser de son mieux. Nous trouvons en lui un état d’âme assez convenable au darwinien convaincu qu’il est de longue date : celui d’un éleveur expérimenté du bétail qui appliquerait à l’humanité des méthodes d’amélioration consacrées par une longue expérience. On sait que les études anatomiques préliminaires d’où sortit jadis ce livre illustre, l’Origine des espèces, furent grandement facilitées à l’auteur par la perfection de l’élevage anglais, par le soin avec lequel y est établie de longue date la généalogie des reproducteurs de bonne race. Darwin dut beaucoup à la collaboration anonyme de ses concitoyens, si habiles à mettre en valeur les produits de leurs fermes-modèles : il vint tirer en quelque sorte les conclusions philosophiques de leurs très pratiques efforts d’agronomes. Après lui, des continuateurs plus audacieux portèrent sans tarder dans leurs considérations sur l’humanité cette morale d’étable ou de basse-cour à laquelle nous devons les beaux animaux du Yorkshire ou du Durham, et M. de Lapouge assure qu’au temps de l’esclavage sud-américain, certains éleveurs de chair noire avaient organisé de véritables haras humains « d’où est sortie la superbe race nègre créole. »

Il rêve d’appliquer demain des procédés de ce genre à l’humanité dans son ensemble. Il estime, en principe, que toute race humaine pure peut être amenée, par la sélection, à tel degré de perfection que l’on désire : « D’un groupe d’Australiens de race pure ou de Boschimans ou d’Esquimaux, il est, en soi, possible de faire sortir une humanité parfaite tout comme d’un groupe de purs Aryens blonds[19]. » Les chances de ces derniers ne consistent que « dans une avance naturelle d’un certain nombre de générations. » Néanmoins, il est sage de profiter d’une telle avance dès qu’elle existe, et puisque les Aryens, leurs sous-races et leurs métis, paraissent fournir actuellement par privilège les esprits de constitution supérieure, le type intellectuel à se proposer comme terme de la sélection sociale artificielle devra se confondre autant que possible avec le type aryen blond. Suggestion qui n’a pas été perdue pour les lecteurs d’outre-Rhin, comme nous allons le voir !

La sélection humaine systématique exige un double effort ; elle doit se faire tout à la fois négative et positive : négative en tant qu’elle s’efforce d’écarter de son champ d’action les élémens défavorables à la réalisation de l’espèce rêvée ; positive lorsqu’elle favorise au contraire la reproduction des individus dont la postérité paraît devoir tendre vers le type souhaité. Dans la sélection négative, M. de Lapouge se montre impitoyable. Sparte est à ses yeux la cité « où l’Aryen a reçu son plein développement ; » il partage donc les vues de Lycurgue non seulement sur la morale matrimoniale et sur les méthodes d’éducation, mais encore sur les dangers de la charité et de la pitié mal entendues, sur la nécessité de supprimer les faibles. Il appliquerait sans pitié la peine capitale aux dégénérés criminels, car la loi se montre trop souvent indulgente, à son avis, pour des êtres gangrenés dont la présence dans les prisons ou les bagnes est un embarras bien inutile. « La question, dit-il, ne comporte qu’une solution sûre, économique, énergiquement sélective, la mort[20] ! » Pourtant, — et parce que tous les dégénérés ne sont pas des criminels qu’on puisse diriger vers l’échafaud, — notre sélectionniste a donné des détails fort précis sur les mesures physiologiques qui pourraient être décrétées par la loi en vue de supprimer tout espoir de postérité chez les citoyens scientifiquement reconnus comme dépositaires d’une dangereuse hérédité[21]. Nous n’insisterons pas sur ce sujet délicat et nous noterons plutôt les procédés de douceur que M. de Lapouge recommande parfois afin d’assurer la destruction « en quelque sorte amiable » des déchets sociaux, en leur facilitant l’alcoolisme, la vie oisive, la débauche : « Je crois volontiers, écrit-il, que s’il y avait en France une ville où l’alcool fût gratis, les alcooliques ne manqueraient pas de s’y concentrer comme les limaces d’un jardin sous la feuille de chou beurrée, piège succulent et fatal[22] ! »

Quant à la sélection positive, nous nous ferons une idée de ses méthodes en nous transportant une fois de plus par la pensée dans l’une de ces fermes modèles où grandissent les futurs vainqueurs des concours agricoles. On tiendra dans l’avenir un Manbook, un livre généalogique officiel de l’humanité de pur sang comme nous possédons dès aujourd’hui un Studbook, un Herdbook, pour l’écurie, l’étable ou le chenil[23]. M. de Lapouge professe un véritable culte pour l’« eugénique, » c’est-à-dire pour l’homme capable d’avoir des enfans remarquables. À ce privilégié s’impose la pratique sans réserve de la morale sélectionniste, et l’accomplissement de son « devoir envers l’espèce » ne doit comporter aucune faiblesse, aucun sacrifice aux préjugés de la société ni à l’esprit des lois actuelles. S’il est résolu à donner naissance au plus grand nombre d’enfans possible, un eugénique peut arriver, en dépit des obstacles de l’opinion et des codes, à laisser « une postérité incroyable ! » Mille e tre ! Don Juan sera donc le saint de la religion future. Mais en attendant que la société dispense, en pleine connaissance de cause, un diplôme si avantageux, ne verra-t-on pas quelques candidats indignes se décerner motu proprio une dignité pleine de promesses, et se conduire en conséquence, sans bénéfice bien appréciable pour l’espèce ?

Il semble permis d’attendre beaucoup de la sélection systématique. Par elle, « au bout d’un siècle ou deux, on coudoierait, les hommes de génie dans la rue et les équivalens de nos plus illustres savans seraient employés aux travaux de terrassemens[24]. » On pourrait fabriquer à volonté une humanité de musiciens, de gymnastes, de naturalistes. « Le triomphe de la politique serait enfin de fabriquer par la sélection une société d’optimistes qui seraient toujours contens de tout[25]. » Ici l’auteur semble s’amuser de son propre roman ; mais c’est plus sérieusement qu’il espère de sa panacée le triomphe des idées socialistes. Quelle est en effet l’objection le plus souvent présentée par le bon sens aux rêveries des réformateurs sociaux de notre temps ? C’est qu’ils font bon marché de notre égoïsme inné et de notre constitutionnelle volonté de puissance. Eh bien ! cette humanité prête à tous les renoncemens dont ils souhaitent la venue, la sélection peut la réaliser sans délai. L’altruisme régnera sans partage au sein de la race future, si vous en avez choisi les pères sur le modèle de saint Vincent de Paul. « Le socialisme sera sélectionniste ou il ne sera pas ! » Telle est la formule tranchante qui résume à la fois les exigences sévères de M. de Lapouge et ses vastes espérances. Le triomphe du collectivisme n’est possible qu’avec des hommes autrement faits que nous. Or, ces hommes-là, la sélection peut les faire !


III

Au point de vue germaniste comme au point de vue socialiste, les propositions de M. de Lapouge étaient vraiment un peu brutales pour être acceptées, telles qu’il les a formulées, par l’opinion publique. Il marchait trop en avant de son temps pour être tout d’abord accompagné d’un nombreux cortège. Mais un homme de grand talent est bientôt venu transposer ses avis dans un mode plus insinuant et emprunter du savant français son optimisme entraînant, tout en remplaçant les procédés purement physiologiques ou médicaux de sa sélection systématique par des méthodes principalement intellectuelles ou morales. « La question de la race, écrivait hier encore M. Houston Stewart Chamberlain[26], est plus complexe que ne l’a pensé l’école gobinienne, et je crois que sa solution psychologique (ideelle) est plus désirable que celles dont rêve un impossible empirisme. » Tel fut en effet le sens de son effort. Nous avons longuement étudié dans cette revue son œuvre capitale, les Assises du XIXe siècle[27] ; nous avons dit son noble mysticisme esthétique, son intermittente largeur de vue, sa conception hospitalière d’une race slavo-celto-germanique, qui serait douée, par un privilège exclusif, de la mission de civiliser le monde. Nous avons fait remarquer qu’il résumait le plus souvent ce dernier adjectif composé par le seul mot de germanique : et l’un de ses contradicteurs lui demandait récemment s’il l’eût volontiers remplacé de même par slave ou par celte tout court[28] ? Quoi qu’il en soit, ses lecteurs allemands n’ont guère retenu de ses leçons que les traits capables d’appuyer leur impérialisme de race. Ils exploitent d’ordinaire son enseignement non pas au profit d’un Aryen ou Européen qui formerait par hypothèse l’élite agissante et pensante au sein de toutes les nations civilisées du globe, mais au profit du Germain de l’ère chrétienne, et surtout de l’actuel citoyen de l’Empire allemand.

Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir les écrits de ses innombrables commentateurs ou continuateurs[29], et, par exemple, l’opuscule si caractéristique de M. Georg Fuchs, Der Kaiser, die Kultur und die Kunst[30], qui est une application des idées de M. H. S. Chamberlain à la politique allemande contemporaine : application qu’on croirait parfois sortie de sa propre plume, tant elle reproduit ses façons de penser et jusqu’à ses habitudes de style. L’empereur Guillaume II y apparaît comme une sorte de Messie de la religion germaniste nouvelle. Ce souverain, à l’esprit si ouvert et si actif, n’a-t-il pas marqué pendant quelque temps une sympathie visible[31], et même palpable[32], au penseur anglais, naturalisé allemand par la qualité de sa culture intellectuelle, qui avait si parfaitement traduit les aspirations élevées de l’impérialisme teutonique ? Depuis que nous avons eu occasion d’examiner sa doctrine, M. H. S. Chamberlain n’a pas beaucoup ajouté de sa propre main au monument dont il avait tracé le plan dans les Assises du XIXe siècle. Un gros volume sur Kant et ses précurseurs, où la question des races n’est nulle part abordée, où le mysticisme esthétique du romantisme trouve seul son expression n’a pas eu chez nos voisins le même retentissement que son aîné[33]. Mais celui-là du moins continue d’agir sur les esprits et de susciter autour de lui les polémiques ou les apologies : il a sa place marquée dans l’histoire de la pensée européenne.

À côté de M. H. S. Chamberlain, cet astre de première grandeur, une étoile de dimension plus modeste a, depuis notre étude de 1903, commencé de poindre au firmament du germanisme : elle y brilla quelques momens d’un assez vif éclat, fixa le regard des observateurs subtils, puis se détacha soudain de l’empyrée pour aller s’éteindre dans les flots[34] : c’est celle du docteur Ludwig Woltmann, dont nous dirons en quelques mots la courte et pourtant féconde carrière. Né à Solingen en 1871, devenu à la fois docteur en philosophie, afin de contenter ses goûts dominans, et docteur en médecine pour s’assurer le pain quotidien, Woltmann fut d’abord séduit par les doctrines marxistes, fit adhésion au credo démocrate-socialiste et se livra quelque temps à la propagande des principes de ce parti. Toutefois, son esprit, mûri dans l’atmosphère darwinienne des cliniques et des laboratoires, ne resta pas longtemps prisonnier de cet imprudent optimisme psychologique, héritage de Jean-Jacques Rousseau, qui inspire le Manifeste communiste et plus encore le Capital de Marx[35]. Ses écrits de ce temps[36]disent ses scrupules et ses sincères examens de conscience. Aux côtés de M. Edouard Bernstein, il prit part à ce curieux mouvement néo-kantien qui aboutit vers 1899 à une tentative de révision du programme socialiste, et il exposa courageusement ses idées de réforme au congrès ouvrier de Hanovre (1898), où il avait été délégué par ses coreligionnaires politiques. Puis, l’effort révisionniste ayant été paralysé dès ses premiers pas par les doctrinaires du marxisme, Woltmann se retira du parti.

Il était pourtant un mystique par tempérament, lui aussi, comme en témoignent les confidences de ses amis au sujet de son caractère[37], et sa première mésaventure intellectuelle ne devait pas le garder contre des illusions nouvelles, puisqu’il n’échappa au mysticisme de la classe, à la foi dans la bonté naturelle du prolétariat, que pour glisser vers le mysticisme de la race, vers la confiance entière dans la mission providentielle du Germain blond. C’est l’influence de Nietzsche qui semble avoir, à ce moment, pris le dessus dans son esprit. Par le prophète du surhomme, il fut conduit aux inspirateurs savans de la dernière période nietzschéenne, à Broca, à Virchow, à Gobineau, puis, par ces derniers, à leurs précurseurs ou continuateurs dans la sociologie impérialiste, Herder, Fallmerayer, Klemm, Gumplowicz, Wilser, Ratzel, Ratzenhofer, Ammon, Lapouge, Muffang, etc. Bientôt conquis par eux, il se donna tout entier à la propagande de ses convictions transformées. À cet effet, il fonda en 1902 la Revue d’anthropologie politique, recueil qui répondait réellement à l’un des besoins intellectuels de l’époque, car il rencontra dès le début le plus favorable accueil et a condensé depuis sept ans dans ses colonnes une incroyable quantité d’idées et de faits. Ce que furent jadis, aux différentes étapes de la théorie germaniste, la Zeitung fuer Eimiedler de la deuxième génération romantique, les Grenzboten de la troisième, les Bayreather Blaetter de la quatrième, la revue de Woltmann l’est devenue pour la cinquième génération de cette famille illustre, pour celle qui est actuellement à l’œuvre autour de nous, s’efforçant d’adapter à l’état présent de l’expérience et de la science humaine, un effort d’expansion et d’assimilation qui est aussi vieux que la vie. Ajoutons que Woltmann a payé sans cesse de sa personne à la tête de son bataillon de pionniers, et donné lui-même dans son périodique un nombre considérable d’études, dont aucune n’est dépourvue d’intérêt.

Au lendemain de ce succès de librairie qui assurait son existence matérielle, il renonça définitivement à la pratique médicale et mit la dernière main à une œuvre de longue haleine, dans laquelle il entendait présenter les conclusions philosophiques de sa jeunesse, le fruit de dix années remplies par la réflexion et par l’action. Frédéric Krupp avait proposé peu auparavant une somme importante aux vainqueurs d’un concours littéraire dont le sujet était déterminé de la sorte : Influence de la doctrine darwinienne de la descendance sur l’évolution politique et législative au cours des quarante dernières années. Woltmann descendit dans la lice et présenta au jury un volume intitulé Politische Anthropologie[38], qui est un clair, exact et complet exposé des conséquences du darwinisme appliqué aux questions sociales. Nulle part on n’y constate une grande originalité de vues, mais partout on goûte une exposition saine, droite, précise et utile. Dans les deux derniers chapitres principalement se montrent en pleine lumière les convictions germanistes exclusives qui avaient conquis la pensée de l’auteur et devaient In dominer sans partage pendant les brèves années qui lui restaient à vivre. Ces audaces théoriques, bien qu’elles ne fussent pas sa création propre et qu’il les appuyât d’autorités nombreuses, firent refuser le prix Krupp au docteur Woltmann, dont le mémoire ne fut classé par le jury que le troisième. Il semble que les travaux préférés au sien ne le valaient point, mais n’est-ce pas là le résultat presque inévitable d’un concours public où l’œuvre inégale et hardie succombe devant les travaux sages, réguliers et moyens ? Peu psychologue, Woltmann eut la naïveté de s’en étonner et la faiblesse de s’en fâcher. Bien qu’à peine à l’abri du besoin, il refusa la récompense pécuniaire, assez considérable encore, qui lui était attribuée, et ce premier geste était digne. Le second le fut un peu moins, car le candidat malheureux déchaîna dans la presse et surtout dans les pages de sa propre Revue un orage de récriminations passionnées. Son désappointement peu philosophique orienta même son activité intellectuelle pour tout le temps qui lui restait à vivre. Il se mit à l’œuvre afin de forcer l’adhésion scientifique de ses adversaires, afin d’établir par les méthodes de l’anthropologie scientifique que la race blonde a possédé, dans l’Europe moderne, le monopole du génie créateur.


IV

Inspiration regrettable à notre avis, car elle lui fit gaspiller presque en pure perte les courtes années que le destin lui réservait encore[39]. Tout ce qui était nécessaire à dire sur ce sujet l’avait été par M. H. S. Chamberlain, si tant est que ce penseur n’eût pas déjà largement dépassé la mesure. On lit dans les Assises du XIXe siècle[40] : « Une seule promenade au musée de Berlin, dans la galerie des bustes de la Renaissance, nous convaincra que le type des grands Italiens de ce temps est entièrement éteint de nos jours… C’est un naufrage complet qu’a subi, depuis le quattrocento, le Germanisme italien ! » Or, non content de visiter le musée de Berlin pour y maudire ses juges à loisir, le candidat malheureux du prix Krupp se prit à parcourir au pas de course les musées des pays latins, afin de démontrer péremptoirement à ses lecteurs le germanisme de tous les grands hommes issus des nations romanes. De ses voyages de conquête en pays welche, il catalogua le butin dans deux livres : les Germains et la Renaissance en Italie[41], et les Germains en France[42] ; nous en examinerons rapidement le contenu.

Woltmann ne pardonnait pas à Taine d’avoir écrit que le fond latin de la population italienne demeura toujours intact sous la croûte légère de l’alluvion barbare, que cette race ausonienne, si fine, eut le bonheur de n’être pas germanisée par ses maîtres d’une heure et de rester fidèle à ses traditions classiques ; en sorte que, vers le XVe siècle, elle put renouer la chaîne de ses destinées artistiques trop longtemps interrompues par la barbarie régnante. Erreur impardonnable, proteste ici le directeur de la Revue d’Anthropologie politique ! La Renaissance italienne ne fut ni grecque, ni romaine en sa source : il faut y voir « une étape intellectuelle de la race germanique soumise à certaines influences locales de milieu et de tradition. » On l’aura démontré si l’on établit clairement qu’au-delà des monts les hommes illustres de la Renaissance furent les fils authentiques des conquérans germains. Comment faire cette démonstration ? Par leur extraction quelquefois lorsqu’il est possible d’établir, au moyen de documens et de chartes, l’origine exacte de leur famille. Mais, bien plus souvent, par la seule inspection de leur nom : ainsi Donatello était un Bardi, dont les ancêtres allemands devaient sans doute porter le nom de Barth. Vittorino da Feltre, le restaurateur de l’humanisme, se rattachait à la maison noble des Ramboldini, dont le nom paraît lombard. Giotto, Alighieri, Bruno, Ghiberti, Vinci, Santi, Vecellio, Tasso, Buonarotti, c’est, en allemand Jotte, Aigler, Braun, Wilbert, Wincke, Sandt, Wetzell, Dasse, Bohnrodt : de même que Velasquez,, Murillo, Vaz (Gamoens) furent Velahisc, Moerl, Watz, noms wisigoths et qu’Arouet, Diderot, Gounod sonnèrent jadis Arwid, Tietroh, Gundiwald[43] !

Enfin les caractères anthropologiques fournissent naturellement à Woltmann ses argumens de prédilection. La taille haute, le cheveu blond, l’œil bleu, le nez hardi et le teint clair ou coloré de rouge, tels sont les traits physiques auxquels il se réfère afin d’arracher au latinisme ses plus précieux rejetons. Un seul de ces traits suffit pour établir sa conviction et ce serait vraiment jouer de malheur s’il ne rencontrait pas au moins l’un d’entre eux chez le grand homme qu’il désire annexer au germanisme. Voyez, parmi les Italiens, Cherubini qui se montre assez rebelle à cet enrôlement forcé parce qu’il eut des cheveux noirs et des yeux de charbon : mais en revanche, son teint était vraisemblablement clair. C’est assez ! une recrue nouvelle est racolée qui viendra grossir le bataillon imposant des grands Germains du passé. Car le teint clair ou facilement coloré par l’émotion est la suprême ressource du docteur Woltmann au cours de sa trop complaisance enquête ; et, pourtant, il reconnaît lui-même que c’est là un caractère universellement répandu parmi les habitans de l’Europe, caractère qui a donné naissance à la fausse et fallacieuse notion d’une race blanche homogène et supérieure dans son ensemble, où seraient confondus sans distinction légitime les Alpins médiocres avec les Aryens favoris du ciel.

Son livre sur le Germanisme en France est plus schématique que son étude sur l’Italie de la Renaissance. Il y donne d’abord un résumé des doctrines anthropologiques de MM. de Lapouge et Ammon sur le passé historique de notre pays et des provinces adjacentes : puis un récit de son voyage de découverte à travers les bibliothèques et les musées de la France. Il rend en passant pleine justice à l’accueil empressé qu’il a partout rencontré chez nos compatriotes et le compare au sans-gêne d’une autre nation latine qui laissa, dit-il, sans réponse tous les questionnaires dont il avait prié ses savans de remplir les feuillets blancs[44]. La France s’est donc montrée une fois de plus le pays des usages aimables et gracieux. A des hôtes si courtois, leur visiteur s’est efforcé de rendre leur politesse, au moins dans sa conclusion, car il estime que l’élément germanique de notre population, c’est-à-dire son aristocratie naturelle, se réfugie présentement dans les sphères intellectuelles, assurant pour longtemps à la nation française dans le domaine de l’esprit la situation privilégiée qu’elle a perdue sur le terrain politique et économique. Comment un homme de lettres français ne se sentirait-il pas secrètement touché par une si flatteuse affirmation ?

M. Woltmann s’était donné pour tâche de déterminer, au cours de son voyage en France, les caractères anthropologiques exacts des deux cents personnages les plus célèbres de notre histoire. Il en avait préalablement établi la liste, y marquant trois vivans seulement, Berthelot (depuis disparu à son tour), MM. Saint-Saens et Rodin, parce que ces noms sont dès à présent consacrés par l’admiration de l’Europe. L’étude des vivans et des disparus d’hier ne présentait pas grande difficulté et le savant allemand eut vite fait de trouver en eux la mèche, la pupille, la stature ou l’épiderme qui convenaient à sa théorie. Mais, quant aux illustrations d’un passé plus lointain, leur examen anthropologique fit surgir des difficultés de toutes sortes. Méditez par exemple cette description physique dont nul trait précis ne se dégage : « Racine était d’une taille moyenne, les traits de son visage étaient agréables, son regard ouvert, sa physionomie douce et vive. » Voilà qui n’offre aucun butin à un germaniste en campagne ! Quant à Lesueur, doué d’un extérieur plein de dignité et de grâce, qui trahissait une âme au-dessus du commun, il garda jusqu’à la fin de sa carrière une rare noblesse et une véritable beauté. Sans doute ce sont là des présomptions psychologiques de germanisme dont M. M. S. Chamberlain se contenterait peut-être : mais Woltmann voulait davantage, et il a inutilement feuilleté bien des biographies.

L’usage des perruques et de la poudre est un autre embarras pour un dévot des cheveux blonds. Mais la nécessité rend ingénieux : Woltmann eut vite fait de découvrir que les perruques étaient faites le plus souvent de la même nuance que les cheveux naturels du porteur, afin d’être mieux assorties à son teint ; et, quant à la poudre, l’usage voulait qu’elle fût plus légèrement épandue sur les boucles qui accompagnaient le visage que sur le sommet de la coiffure. C’en est assez pour que, dans les portraits consciencieux de jadis, elle laisse le plus souvent discerner le ton des cheveux qu’elle recouvre. — Ceci posé, le docteur Woltmann reconnut sans peine chez tous nos grands hommes quelques-uns des traits du Germain, ne fût-ce que le teint clair, son dernier recours. Encore se passe-t-il de ce caractère pour Jean-Jacques Rousseau qui avait la taille médiocre, les cheveux foncés dès sa plus tendre enfance, les yeux bruns, un teint brunâtre, mais s’animant dans le feu de la conversation. « Avec ce type, écrit notre savant, nous nous rapprochons de plus en plus des représentai de la race brune (alpine)[45]. » Que faut-il donc, grand Dieu, pour appartenir sans conteste et sans appel à cette race déshéritée ! Et dire que certains d’entre nous considèrent précisément Rousseau comme l’empirique qui pratiqua sur la pensée française une malsaine et inassimilable inoculation germanique ! Si elle n’opérait à coup sûr, en traitant du génie d’hier, mais non du génie de demain, l’anthropologie des génies risquerait vraiment de connaître les mécomptes qui ont de tout temps chagriné les graphologues et les chiromanciens.

En réalité, parce que, comme la race grande aux cheveux blonds du Nord et la race moyenne aux cheveux châtains des Alpes et des Cévennes, — si tant est qu’elles furent jamais nettement distinctes, — se sont presque partout mêlées et fondues depuis des siècles innombrables, chacun de nous porte dans son sang quelque chose du leur, et, dans son apparence physique quelque trait qui procède de chacune d’elles. Qu’on nous permette ici de recourir, afin de nous éclairer sur les méthodes de l’anthropologie germaniste, au procédé évangélique de la parabole. Imaginons un négociant en tissus qui voudrait choisir des étoffes dont les tons fussent échelonnés depuis le bleu jusqu’au rouge, en passant par toutes les nuances intermédiaires, parce que tel est le verdict de la mode pour la saison prochaine. Supposons encore que ces étoffes soient tissées de fils bleus et rouges très fins et que la proportion variable de ces fils produise le violet, le prune, le lilas, l’ « aubergine, » le lie-de-vin, l’ « orchidée » et autres tons raffinés. Or le fabricant de fils bleus, qui est le plus actif en affaires et fut formé dans quelque Real-Schule d’outre-Rhin, s’est seul rendu auprès du négociant acheteur, afin de le conseiller dans son choix :

— Voici un beau violet, dit le négociant.

— Vous avez raison, appuie notre fabricant enchanté, c’est qu’il contient beaucoup de fils bleus.

— Voici un « aubergine, » dont on m’a demandé l’an dernier l’analogue.

— Sans doute, sans doute, il n’est pas mal, quoiqu’un peu rouge à mon avis ; mais regardez à la loupe ces jolis fils bleus qui traversent si heureusement de tous côtés la trame.

— Je prends ce rose « orchidée. » La charmante comtesse de X… n’en voudra pas d’autre pour danser ce printemps eu demi-deuil, six mois après la mort de son beau-père.

— Croyez-vous vraiment que cela se vende bien ? dit le fabricant de fil bleu avec dédain. Cela tire beaucoup trop fort sur le rouge pour mon goût. Cependant, puisque la comtesse en achète, c’est que la teinte offre en effet, de l’agrément ; regardez serpenter çà et là ces minces filamens d’azur sous la trame rosée : ce sont eux qui font le charme et la valeur de l’étoffe !

Le négociant, c’est l’opinion publique européenne, et l’ami intéressé du bleu, c’est le germaniste adorateur du sang bleu des hommes du Nord. Mais le fabricant de fil ronge ne tiendrait-il pas le même langage à son profit s’il était présent ? S’il se tait aujourd’hui, il pourra trouver des avocats dans l’avenir. Car les amis des blonds traitent parfois les châtains de peuplade mongolique, venue de l’Asie centrale en Europe aux temps préhistoriques. Quelque jour le Chinois, réveillé de sa torpeur et converti à l’impérialisme conscient, ne voudra-t-il pas s’annexer, par l’intermédiaire de son cousin, l’Alpin brachycéphale, tout le génie de la vieille Europe ?

A la fin du mois de janvier de l’année dernière, le docteur Woltmann, retourné en Italie afin de recueillir de nouveaux documens pour une seconde édition de sa Renaissance, commit l’imprudence de prendre un bain de mer sur la plage de Sestri-Levanle (Riviera) malgré la rigueur de la saison. Depuis longtemps affecté d’une maladie de cœur, il fut frappé d’une congestion, se noya et son corps n’a pas été retrouvé. Il laisse une œuvre intéressante par la bonne foi qui a présidé à sa réalisa-lion, mais nous ne saurions toutefois, en stricte justice, lui reconnaître le mérite d’une inspiration originale. Son collaborateur, inspirateur et ami, le docteur Wilser, dont les travaux sur les Germains de l’époque barbare sont fort remarquables, a écrit[46] : « Woltmann ne peut être considéré comme un homme qui ouvrit des voies nouvelles et tenta des chemins non foulés avant lui. Son grand mérite est d’avoir reconnu celles des routes déjà tracées qui conduisent le plus sûrement à la vérité et d’y avoir marché droit devant lui avec une ténacité imperturbable. »


V

Le docteur Woltmann fut un germaniste au sens purement théorique et philosophique de ce mot, un Aryaniste, un prophète mystique des destinées de la race blonde épandue sur le globe entier, bien plutôt qu’un Pangermaniste au sens actuel et politique de ce terme. Il n’oublia jamais la période socialiste de sa pensée et ne put se réconcilier avec les méthodes gouvernementales usitées dans son pays. A un pangermaniste véritable, dont il nous reste à parler présentement, à M. J. -L. Reimer, il exprimait, peu avant sa mort, ses doutes sur la mission civilisatrice de la nation allemande. « Je crois contestable, disait-il, que la forme de l’esprit allemand et celle de la politique prussienne soit la plus caractéristique de l’âme germanique et la plus digne de la race blonde[47]. » Son germanisme était donc un idéal moral auquel rien encore ne lui semblait correspondre parfaitement autour de lui. L’homme qui recueillait cet aveu de sa bouche, a tenté hardiment d’appliquer les théories germanistes à la situation présente de l’Europe, aux destinées prochaines de l’Allemagne et d’en tirer un système politique complet, un pangermanisme aussi efficacement armé que possible pour satisfaire son appétit démesuré de conquête. D’origine autrichienne, M. Reimer n’a cependant pour ses souverains naturels, les Habsbourg, et leur conception de gouvernement que des paroles sévères, il a placé tout son espoir dans la monarchie des Hohenzollern et il a donné à son rêve d’une Allemagne pangermaniste[48], sous l’hégémonie de la Prusse, des contours si précis et un relief si audacieux qu’on trouvera grand profit à en parcourir un instant du regard les vertigineuses perspectives.

M. Reimer est sorti presque tout entier des quatre précurseurs dont nous venons de rappeler les enseignemens d’impérialisme mystique. Il aime dans Gobineau le poète épique des destinées de la race blonde[49]. Il suit volontiers les traces de M. H. S. Chamberlain quand il songe à la religion future de l’humanité germanique, bien qu’il juge ce penseur trop empressé à tenter une définition principalement psychologique du type dominateur. Il recourt pour sa part avec prédilection aux caractères physiques du Germain tels qu’ils furent fixés par les travaux de MM. de Lapouge et Ammon, et, de plus, il adopte la plupart des mesures sélectionnistes proposées par le premier de ces deux savans. Enfin Woltmann, par l’orientation de sa Politisch Anthropologische Revue, acheva de mûrir les convictions de M. Reimer et de lui fournir, au moins par la plume de ses collaborateurs, les élémens de ses propositions pratiques en vue d’un avenir prochain.

Gobineau et M. H. S. Chamberlain voient dans le sémitisme et dans la latinité, son héritière, des puissances autonomes et redoutables que le germanisme doit craindre et combattre. Après M. de Lapouge, après Woltmann, M. Reimer se montre au contraire convaincu que « le Germain seul est au Germain un ennemi redoutable » et que l’hégémonie du globe s’est disputée depuis quinze siècles entre puissances germaniques, plus ou moins conscientes de l’élément noble qui leur donnait la vigueur. L’Église romaine, la monarchie absolue de Louis XIV, la Révolution française, autant d’idées ou d’institutions qui ne furent fécondes que pour avoir été l’œuvre de Germains ignorans de leur propre race. Si les Habsbourg, héritiers du Saint-Empire, sont devenus indignes de réaliser l’idéal pangermanique de demain, c’est pour s’être attachés à l’idée désormais rétrograde d’une monarchie universelle, catholique, où prendraient place côte à côte des peuples d’extraction inégalement noble. Cette famille souveraine, traînant après elle sa clientèle de petites nations slaves, a vu Sadowa, après Austerlitz, sonner le glas de ses ambitions rétrogrades. — Une autre nation parut un instant destinée à faire triompher l’idée germanique dans le monde. C’est la France, ne nous en déplaise ! Et il faut admirer ici quel chemin ont fait dans les cerveaux bien préparés les enseignemens de ces deux Français, Gobineau et Lapouge, qui étaient si loin de soupçonner les conséquences prochaines de leur sincère effort intellectuel. M. Reimer parle couramment de l’Empire germanique universel de nation française que les deux Napoléons ont tenté de créer par les armes au cours du XIXe siècle. Il entend par-là que l’élément germanique, seul actif et créateur au sein de notre nation, fut par deux fois très près de s’élever, sous une étiquette française, à l’hégémonie du monde civilisé. Toutefois Sedan, après Waterloo, a montré que la France n’était pas plus que l’Autriche prédestinée à l’accomplissement d’une tâche si haute et qu’en ce peuple aussi l’énergie de la race souveraine était trop affaiblie désormais.

La Prusse, la plus germanique des nations continentales, ayant triomphé en 1866 et 1870 de ses rivales séculaires, reste seule désignée maintenant pour réaliser, sous le sceptre des Hohenzollern, l’union germaniste de l’Europe centrale. M. Reimer ne cache pas qu’une guerre prochaine contre la France lui semble nécessaire afin de désarmer entièrement un pays dont la faillite morale est définitive à ses yeux, et d’assurer le flanc de la Prusse impériale, bientôt absorbée par des soucis plus essentiels à sa mission. Cette voix s’ajoute à d’autres mieux autorisées pour nous avertir de redoubler de prudence en vue des éventualités de demain. Caveant Consules !

Ses voisins du Sud et de l’Ouest une fois écartés de son chemin, la Prusse, messie du Pangermanisme, doit compter encore avec une force redoutable issue de son propre sein, avec la Démocratie socialiste, et les écrits de M. Reimer (tous antérieurs aux élections de l’hiver 1907) sont plutôt disposés à exagérer qu’à atténuer l’importance de cette force morale. Il est bien curieux d’observer à ce propos l’évolution qui s’est accomplie depuis peu dans les sentimens de l’impérialisme de race à l’égard de son concurrent moderne, l’impérialisme de classe. Gobineau, légitimiste et catholique d’origine, de tout temps aristocrate et presque féodal par ses goûts, n’éprouva jamais que répulsion aveugle à l’égard de la démocratie de son temps, et M. Houston Stewart Chamberlain s’est le plus souvent associé sur ce point aux sentimens de son précurseur ; car le socialisme, sous sa forme actuelle, lui paraît issu du judaïsme ou des convulsions anarchiques de la latinité dégénérée. M. de Lapouge est parfois d’une tout autre opinion. Il a reconnu la force de l’idée démocratique, il a montré à l’occasion une véritable complaisance aux conceptions sociales les plus avancées de notre temps. N’a-t-il pas écrit ces lignes significatives[50] : « Beaucoup de socialistes estiment aujourd’hui que le mouvement de concentration des richesses entre les mains des Juifs doit être favorisé par tous les moyens. C’est le procédé le plus sûr et le plus doux pour parvenir à la Nationalisation des moyens de production. Il suffira de frapper une classe peu nombreuse, étrangère. Au sein du parti ouvrier, j’ai moi-même propagé cette idée. »

Mais les conseils bénévoles du savant auteur de l’Aryen n’ont pas rencontré auprès des travailleurs l’accueil qu’il espérait de ces libres esprits. C’est pourquoi, en d’autres circonstances, il donna le socialisme pour une forme insidieuse du cléricalisme, il eut des paroles sévères pour les chefs du mouvement ouvrier et prophétisa leur chute dans le catholicisme final : « Leur psychologie, écrit-il alors, est celle des hommes qui, jadis, se prosternaient dans les églises, » et il ajoute avec une belle impassibilité d’homme de science : « Ne nous étonnons point, ils en descendent[51] ! » En réalité, ils descendent de créatures humaines, toujours emportées volontiers sur les ailes de quelque mysticisme vers la réalisation rapide de leurs désirs de pouvoir ; et, certes, le mysticisme romantique, qui trop souvent pénètre les doctrines collectivistes ou anarchiques de notre âge, n’est pas sans analogies avec le mysticisme chrétien le plus excessif ! C’est pourquoi M. de Lapouge rejette à son tour les socialistes dans la compagnie peu honorable à ses yeux des Alpins brachycéphales, cerveaux façonnés d’avance à toutes les servitudes. Il les voit sous peu de temps vaincus et réduits à merci par les « darwinistes, » c’est-à-dire par des démocrates convertis à un impérialisme plus rationnel, et revenus enfin des illusions que le romantisme a propagée » sur la nature humaine : « Déjà, écrit-il en une sorte d’hymne guerrier, à la dernière page de son dernier grand ouvrage, déjà libéraux, socialistes, anarchistes traitent les darwinistes de barbares. Soit ! voici les barbares qui viennent : les assiégeans de la forteresse sociale deviennent assiégés à leur tour et leur dernier espoir de résistance est de s’enfermer eux-mêmes dans la citadelle qu’ils attaquaient hier. L’avenir prochain montrera à nos fils ce curieux spectacle : les théoriciens de la fausse démocratie moderne contraints de se renfermer dans la citadelle du cléricalisme… En face des dogmes nouveaux, l’alliance des hommes de l’Eglise et de ceux de la Révolution sera le fait de demain ! »

Woltmann qui fut un socialiste militant et resta jusqu’à un certain point fidèle aux convictions démocratiques de sa jeunesse, a été beaucoup plus conséquent dans ses appréciations ; il a toujours réservé aux dirigeans du parti avancé une place d’honneur dans le Panthéon germaniste. « Le mouvement ouvrier actuel, écrit-il, considéré au point de vue anthropologique, n’est que l’effort d’ascension de la couche supérieure et germanique au sein de la classe ouvrière vers le pouvoir et vers la liberté[52]. » Il estime aussi que Sieyès, Robespierre et Saint-Just étaient « tout autre chose que des brachycéphales mongoloïdes, » car ceux-ci seraient fort incapables de faire une révolution qui fût dans le sens du progrès historique universel ; or, tel est, à son avis, le cas de la Révolution française[53].

M. Reimer s’associe sans réserves à cette façon de juger. Du prolétariat socialiste, il approuve l’effort pour prendre une juste part à la vie supérieure de l’esprit[54], pour assurer la dignité de son existence : toutes propensions qu’il salue comme éminemment germaniques. C’est pourquoi, soucieux d’associer entre elles pour une commune action ces deux grandes forces morales de même origine à ses yeux, — impérialisme allemand de race, impérialisme prolétarien de classe, — il demande instamment aux ouvriers allemands de renoncer à l’internationalisme sans restriction, tel qu’ils le comprennent en ce moment.

Cet internationalisme égalitaire n’est à son avis qu’un « malsain universalisme, » héritage dangereux de l’idéal catholique qui fut vainement poursuivi par le moyen âge. Il faut que le prolétariat allemand se rallie à un internationalisme germaniste c’est-à-dire à ce principe que la communauté de race doit former la condition première de la véritable démocratie. Notre sympathie humanitaire ne peut aller qu’à cette humanité dont nous entendons l’écho dans notre poitrine et un Germain ne sent nullement battre son cœur en présence d’un brachycéphale. En un mot, le cri de guerre du parti ouvrier allemand ne sera plus désormais : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » mais bien plutôt : « Prolétaires germaniques de tous pays, unissez-vous ! »

Il est bien certain que l’union des prolétaires de tous pays autour d’un commun drapeau réclame un certain degré d’égalité préalable entre eux. Quelques germanistes avisés ont dès longtemps remarqué que là où l’ouvrier de race blanche se heurte à la concurrence du noir ou du jaune, il a vite fait d’oublier ses convictions humanitaires pour exiger de la loi du pays qu’elle tienne préalablement à distance un frère trop modéré dans ses besoins, un compagnon qui gâte véritablement le métier. Le congrès socialiste international d’Amsterdam (1904), placé devant une motion de ce genre et tiraillé entre les principes théoriques du parti et les intérêts présens de sa propagande, s’est tiré d’affaire par une échappatoire : il a renvoyé la question à son bureau en vue d’une étude plus approfondie, formule parlementaire qui équivaut le plus souvent, on le sait, à un ajournement indéfini[55]. Aux prolétaires africains ou asiatiques, le travailleur blanc ne s’unit donc qu’en principe et pour un avenir encore lointain. Or les germanistes tels que ceux dont nous venons de rappeler les doctrines sont fort disposés à considérer comme des êtres de race inférieure, comme des jaunes ou des nègres dissimulés sous un fard trompeur, les Européens qu’ils ne voient pas marqués des signes anthropologiques de leur choix. Quoi donc de plus naturel que leur effort pour amener leurs compatriotes de race pure à ne pas se solidariser plus longtemps avec des parias brachycéphales, indignes de toute alliance noble ?


VI

Ainsi, anéantissement définitif de la concurrence autrichienne et française, alliance avec le socialisme allemand mieux éclairé sur ses intérêts prochains, telles sont les conditions préliminaires d’existence pour une Allemagne pangermaniste en Europe. Puisque le seul internationalisme que ratifie la science naturelle du temps présent c’est, dit M. Reimer, l’association plus ou moins volontaire entre nations sous l’hégémonie de la race privilégiée qui forme leur élément commun de civilisation, voyons à quelles propositions pratiques il s’arrête afin de préparer un internationalisme de cette sorte, un internationalisme germaniste, pour la réalisation duquel il donnerait volontiers la main aux démocrates socialistes, préalablement convertis à l’évangile de la race. Il estime d’abord que l’Allemagne actuelle, dépouillée chaque année par l’émigration de la fleur de sa jeunesse, a besoin d’étendre son territoire aux dépens de peuples moins prolifiques et moins doués. Mehr Land, un plus vaste domaine ! C’est là le premier mot d’ordre de la campagne pangermaniste. Ce territoire doit être demandé non seulement à la colonisation lointaine, mais aux nations voisines de l’Allemagne qui sont moins germaniques qu’elle-même, à l’Autriche, à l’Italie, à la France. Ces pays seront donc conquis, et les petites nations germaniques du Nord, Pays-Bas et Scandinavie, seront incorporées à l’Empire par la persuasion, — s’il est possible.

Afin de paralyser sur ce territoire, étendu par les armes et par la diplomatie, un retour offensif des puissances antigermaines, afin de préparer à l’humanité germanique un avenir digne de ses mérites, M. Reimer propose d’appliquer hardiment les conseils sélectifs de M. de Lapouge. Une sélection négative très décidée écartera sans retard de la surface d’une plus vaste Allemagne les races inférieures, indignes de contempler en ce lieu la lumière du jour. A cet effet une caste supérieure sera créée dont les membres seuls pourront reprendre à leur compte l’affirmation hautaine des conquérans romains et prononcer à leur tour : « Civis sum germanus. Je suis citoyen germain. » La Civitas germanica, le droit de cité sans restriction, la capacité politique entière n’appartiendra qu’aux individus de race pure, car les cheveux blonds, les yeux bleus, le teint clair, la haute stature, le crâne allongé serviront de renseignemens à une commission composée de médecins, d’anthropologues, d’éleveurs et d’artistes qui décernera à bon escient le diplôme civique. — Au-dessous de ce groupe privilégié, on pourra peut-être former une autre caste de demi-Germains, dépourvus du droit de s’allier aux Germains complets dont ils risqueraient de gâter la progéniture, mais dotés en revanche d’une certaine influence sur l’administration de la chose publique. — Enfin, les non-Germains bien caractérisés, les brachycéphales sans excuse, seront poussés à la stérilité par tous les moyens connus, mais d’ailleurs indemnisés par de larges salaires, dotés de pensions sur leurs vieux jours et traités sans cruauté ni mépris[56].

Considérons quel serait en particulier le sort de la France sous ce régime qui semble renouvelé de l’Inde ancienne et rappelle l’antique constitution de Manou. La France renferme encore, par bonheur, dix millions de citoyens fortement influencés de germanisme, — réserve inestimable de force qui achèverait bientôt de disparaître si notre pays était abandonné à ses propres inspirations, ainsi que l’a surabondamment prouvé M. de Lapouge. Ces Germains, inconsciens de leur privilège natif, seront sauvés par l’organisation pangermaniste et par les procédés sélectifs dont nous venons de donner une idée. L’Artois, la Picardie et la Normandie, en raison de leur passé Scandinave, pourraient vraisemblablement recevoir au bout de quelques années le privilège de la Civitas germanica. — Quant aux vingt millions d’Alpins peu germanisés qui peuplent le centre de notre patrie, ils garderaient, sous le protectorat allemand, leur langue, leur administration et même la forme républicaine du gouvernement, s’ils le désirent : mais tout cela, sous la condition de tendre rapidement vers l’extinction définitive, exception faite pour l’élément germanique qu’ils peuvent renfermer encore et qu’on devra soutirer prudemment de leur sein, afin de grossir les rangs de la caste supérieure. — Enfin les non-Germains que l’on rencontre chez nous vers le Sud-Est et vers le Sud seront très rapidement déracinés par une colonisation germanique conduite avec persévérance et méthode ! — Rien de tout cela ne semble impraticable à M. Reimer ! Ô Français, mes frères, si tel doit être demain le sort de nos descendans, hâtons-nous d’épouser des blondes ; elles feront bientôt prime sur le marché matrimonial !

Afin d’assurer la sélection positive, celle qui doit favoriser la pullulation du Germain de race pure, M. Reimer se rallie, une fois de plus, aux propositions de M. de Lapouge. Il donnerait volontiers les mêmes conseils d’activité aux « eugéniques, » car il accepte les idées de son compatriote, le professeur von Ehrenfels, qui a ouvert depuis quelque temps et poursuivi avec ardeur dans les colonnes de la Revue d’anthropologie politique une campagne contre la monogamie masculine. L’homme, assure ce savant, est polygame de par le vœu de la nature, tandis que la femme est monogame, et cette circonstance paraît très favorable à la rapide production d’une humanité germanique. Des suggestions de ce genre ont tout au moins le mérite de la franchise et de la hardiesse. Pourquoi faut-il que, poussé par un sentiment de patriotisme respectable, et peut-être par le souci de n’inquiéter aucun de ses lecteurs allemands sur leurs droits civiques de demain, M. Reimer propose d’accorder, sans examen, le droit de cité germanique à tous les sujets actuels de l’empereur Guillaume[57] ! Or on doit compter, de son propre aveu, dans l’Empire allemand actuel, un bon quart de non-Germains parfaitement caractérisés ! C’est là ce qui s’appelle en français introduire le loup dans la bergerie. Que de roturiers dans la caste noble ! Et quels ravages la postérité de ces millions d’intrus ne va-t-elle pas préparer au sein d’une Allemagne pangermaniste si péniblement cimentée ! M. de Lapouge prédirait sans doute le jeu rapide de la sélection naturelle, négative et positive, en faveur de ces brebis galeuses, en sorte que le rude travail de la Prusse conquérante et de ses commissions techniques serait bientôt à reprendre par la base.

Persuadé de l’influence du moral sur le physique, M. Reimer se préoccupe aussi d’assurer une saine croyance religieuse à ses citoyens germains. Probablement élève de quelque collège religieux dont il n’a pas gardé bon souvenir, il se montre adversaire déclaré du catholicisme romain. Cette confession, interdite à tout civis germanicus, sera tolérée chez les non-Germains à la condition d’être entièrement sous l’influence du gouvernement allemand et de servir pour sa part à réaliser l’idéal pangermaniste. A cet effet, le catholicisme devra pousser plus que jamais ses fidèles vers l’ascétisme, la chasteté, en un mot vers le défaut de postérité. Car M. Reimer, disciple de M. de Lapouge, trouve fort juste que Rome, après avoir privé le germanisme d’une expansion légitime par la loi du célibat ecclésiastique qui stérilisa tant de Germains remarquables, soit désormais contrainte de tourner sa puissance de sélection négative contre ces non-Germains dont elle a trop longtemps favorisé le progrès. Quant à la religion des vrais Germains, empruntée en partie à M. H. S. Chamberlain, ce sera une sorte de panthéisme optimiste et affirmateur de la vie, fort différent en conséquence de ces panthéismes pessimistes et déprimans que nous ont légués les Aryens dégénérés de l’Inde, les védantistes et les bouddhistes. La métempsycose y fournira la sanction de l’au-delà. — Il se trouve justement qu’un savant distingué, M. Guidov. Lists, vient de reconnaître un panthéisme de cette nuance dans les mythes Scandinaves de l’Edda. L’avenir religieux se présente donc sous les meilleurs auspices, puisque le Germain n’aura qu’à revenir aux premières inspirations métaphysiques de sa race pour professer une doctrine très propre à soutenir son élan de conquête.

Tout cela est fort effrayant, il faut l’avouer ! Quiconque ne se sent pas Germain jusqu’aux moelles dirait volontiers, à la lecture de pareils documens : « On ne parle là dedans que de ma mort ! « Par bonheur, à l’exemple de M. H. S. Chamberlain dont nous venons de rappeler l’influence sur sa pensée, M. Reimer ne se montre pas sans cesse implacable dans ses exclusions sélectionnistes. Il connaît, lui aussi, ces heureuses indulgences dont nous avons salué jadis l’expression dans les Assises du XIXe siècle, ces inconséquences généreuses qui tout à la fois nous inclinent à la sympathie envers leurs auteurs et nous retirent quelque confiance dans les affirmations tranchantes avec lesquelles on les voit alterner sans transition.

Comment, après avoir fait appel à une commission médicale pour choisir les citoyens germains, serait-on fondé à écrire de sang-froid, ainsi que le fait M. Reimer : « Un métis, de quelque degré qu’il soit, peut-il être reconnu comme nôtre par son idéal et par ses vœux d’avenir, il n’a pas dès lors à considérer la théorie germaniste comme une ennemie[58] ! » N’est-ce pas là reprendre ce critérium purement psychologique et moral de la race qui a été si vivement reproché à M. H. S. Chamberlain ? En ce cas, le commissaire de police du quartier ou le pasteur de la paroisse et non plus le médecin ou l’artiste devraient décerner des diplômes de germanisme, comme ils délivrent des certificats de bonne vie et mœurs. « Je connais, écrit encore M. Reimer, certaines gens qui, au point de vue physique, montrent tous les caractères du type noble et qui, cependant, ont hérité de je ne sais quel ancêtre brachycéphale une âme de laquais, nettement antigermanique ; je connais aussi des exemples du contraire. » S’il en est ainsi, combien de fois la commission électorale ci-dessus invoquée ne risque-t-elle pas de se tromper dans ses décisions souveraines et de breveter des âmes de laquais brachycéphales dans des corps d’aristocrates aux cheveux blonds ?

Nous nous garderons d’affaiblir par un commentaire superflu la saveur des doctrines que nous venons de résumer. La sagesse conseille, dit-on, de ne rien prendre au tragique, mais de tout prendre au sérieux. Il faut donc nous contraindre à cette dernière attitude, quand même nous trouverions quelque difficulté à réprimer, dans le cas présent, notre sourire. Protons un instant l’oreille à la prédication convaincue et frémissante du germanisme théorique. Elle apporte à tout le moins un enseignement précieux : elle nous éclaire une fois de plus sur la véritable nature de l’homme, et sur le ressort éternel de l’activité des êtres.


ERNEST SEILLIERE.

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 décembre 1903 et du 1er janvier 1904.
  2. Page 129 de la IVe partie.
  3. Die Gobineau-Sammlung der Kais. Universitates und Landesbibliothek zu Strassburg, Strassburg, Truebner, 1907.
  4. Signalons pourtant les Studien ueber Gobineau du Dr Fritz Friedrich Leipzig, 1906), œuvre consciencieuse qui marque chez nos voisins un véritable progrès du sens critique à l’égard de notre compatriote. L’auteur, après avoir tout d’abord rendu à notre livre sur Gobineau (Paris, Plon, 1903) une justice presque surabondante, nous reproche une altitude d’animosité qui ne fut jamais la nôtre et entre sans cesse en polémique avec nous ; mais il adopte le plus souvent nos propres conclusions. On voit de la sorte s’opérer un insensible rapprochement entre le jugement de l’Allemagne et celui de la France sur un homme qui fut trop exalté après avoir été injustement négligé. — Le Dr F. Friedrich a également publié des Morceaux choisis de Gobineau dans une collection intitulée : Livres de sagesse et de beauté où l’écrivain français voisine avec Platon, Dante et Darwin. Citons enfin, pour la France, l’excellent travail de vulgarisation de M. Dufréchou (Gobineau, Bloud, 1907) où nous avons retrouvé avec plaisir nos considérations sur l’impérialisme collectif et individuel.
  5. Voyez la Revue des 15 mars et 15 octobre 1895.
  6. Iéna, Diederichs, 1907.
  7. Grundzuege deutscher Wiedergeburt, 1906.
  8. Les Sélections sociales, p. 482.
  9. Voyez l’avant-propos de la 2e édition de l’Essai sur l’inégalité des races.
  10. Ancien magistrat, M. de Lapouge est venu sur le tard aux sciences naturelles, où il débuta par un travail sur la philogénie des arthropodes qui l’occupent encore aujourd’hui (Polit. Anthr. Revue, VI, 2, 126). Gobineau n’est pas parmi ses premiers maîtres, mais a dû exercer quelque influence sur l’évolution de ses idées après 1894. Voyez dans les Sélections sociales (p. 66-68) le passage très chaleureux qui est consacré à ce précurseur de l’Anthroposociologie.
  11. Une troisième race, qu’on a baptisée Méditerranéenne, ne joue qu’un faible rôle dans les considérations européennes de l’anthropologie sociologique et le sort du monde civilisé paraît se débattre entre les deux premières.
  12. Les Sélections sociales, p. 13-14.
  13. L’Aryen, p. 398 et les Sélections sociales, p. 11-18.
  14. L’Aryen, p. 233.
  15. Les Sélections sociales, p. 74.
  16. Peut-être même est-ce l’intervention de M. de Lapouge qui a rendu Gobineau tout à fait agréable à nos voisins, par le correctif de l’idée sélectionniste. Car la fondation de la Gobineau-Vereinigung est de 1894, et si les Sélections sociales sont de 1896 nous avons dit que les notions essentielles de ce livre étaient connues avant ta publication.
  17. M. Ammon, de Carlsruhe, a montré par des calculs très précis combien rapidement un groupe humain, égal en nombre à un autre groupe au début d’une période historique donnée, peut se substituer à ce dernier si une cause quelconque, — natalité plus forte ou mortalité plus faible, — lui assure une légère supériorité d’accroissement. Soit, par exemple, quatre enfans par ménage d’un côté et trois seulement de l’autre ou trois victimes de la guerre d’une part et quatre d’autre part ; au bout de trois cents ans le groupe favorisé représentera déjà 93 p. 100 de l’ensemble humain. (Die natuerliche Auslese beim Menschen, Iéna, 1893, p. 3. ) M. Ammon a marché dans la même voie que M. de Lapouge et apporté plus d’une contribution intéressante à l’anthropologie politique. Toutefois, beaucoup moins décidé et tranchant que le savant français dans ses conclusions aryanistes pour l’Europe, il a été bien moins écouté et suivi au-delà du Rhin. (Voyez son livre Die Gesellschaflsordnung traduit en français sous le titre d’Ordre social, Fontemoing, 1900. )
  18. Voyez la très curieuse étude de M. G. Lenôtre sur la prétendue demoiselle Savalette de Lange. (Vieilles maisons, vieux papiers.)
  19. Les Elections sociales, p. 476.
  20. Les Sélections sociales, p. 324.
  21. L’Aryen, p. 505. On assure que l’Amérique anglo-saxonne est entrée dans cette voie. M. de Lapouge donne d’intéressans détails sur les lois sélectives dès à présent appliquées dans les États de Connecticut, Pensylvanie, Maryland, Texas, Ohio. (L’Aryen, p. 504 et suiv.) « Le Conseil de révision matrimonial fonctionne dans sept États de l’Union, » écrit triomphalement M. Muffang, l’excellent traducteur de M. Amraon, dans la préface de l’Ordre social, Paris, Fontemoing, 1900.
  22. Les Sélections sociales, p. 486.
  23. Les Sélections sociales, p. 415.
  24. Ibid., p. 111.
  25. Ibid., p. 473.
  26. Politisch-Antropologische Revue, VI, I, p. 71.
  27. Die Grundlagen des XIXe Jahrhunderis, Munich, 1890.
  28. Voyez la polémique qui s’est déroulée dans la Beilage zur Allgemeinen Zeitung de Munich entre M. H. S. Chamberlain et le Dr M. Kemmerich, 1907, no 64, 86 et 88.
  29. Citons entre autres le Volkstum und Wettmacht de A. Wirlh, Munich, 1004. — Das Germanentum und sein Verfall de Engelmann, Stuttgart, 1903, les plus récentes éditions du Reines Deutschtum de F. Lange, etc.
  30. Munich, 1904. Étudié par nous dans le Journal des Débats du 17 août 1904.
  31. Nous avons cité jadis les discours de l’Empereur qui reflétaient, les doctrines des Assises du XIXe siècle.
  32. Une somme de 10 000 marks a été consacrée par Guillaume II à la diffusion du livre de M. H. S. Chamberlain.
  33. Ce dernier ouvrage de M. H. S. Chamberlain est intitulé Immanuel Kant, 1905.
  34. Le Dr Woltmann a péri noyé dans la Méditerranée au début de l’année 1907, à l’âge de trente-cinq ans.
  35. Voyez l’édition allemande du IIIe volume de notre Philosophie de l’Impérialisme : Der demokralische Imperialismus, Berlin, Barsdorff, 1907.
  36. System des moralischen Bewusstseins (1898), Die darwinische Theorie und der Socialismus (1808), Der hislorische Materialismus (1900).
  37. Voyez le numéro d’avril 1907 de la Politisch-anthropologische Revue, tout entier consacré à la mémoire de Woltmann.
  38. Eisenach et Leipzig, 1903.
  39. Ses travaux sur l’histoire de la sociologie impérialiste, semés çà et là dans sa Revue, sont bien autrement intéressans, à notre avis, que ses recherches sur l’origine des hommes de génie.
  40. 1re édition, p. 697.
  41. Die Germanen und die Renaissance in Italien, Leipzig, 1905.
  42. Die Germanen in Frankreich, Iéna, 1907.
  43. Ibid., p. 65.
  44. Page 89.
  45. Pages 99 et 106. — Par une sorte d’ironie du destin, Woltmann ne rencontre qu’un Français célèbre qui fut dépourvu de tout trait germanique. C’est La Rochefoucauld, le seul peut-être de nos grands hommes qui aurait quelque chance d’établir sa filiation, en ligne masculine, depuis les Francs de la conquête, p. 99.
  46. Politisch-anthropologische Revue, VI, I, p. 42.
  47. Politisch-anthropologische Revue, VI, I, p. 87.
  48. Ein pangermanisches Deustchland, Berlin, 1905. M. Reimer a publié de plus quelques études dans la Revue du Dr Woltmann et une curieuse brochure intitulée : Grundzuege deutscher Wiedergeburt, Leipzig, 1906.
  49. C’est une appréciation qu’il emprunte à notre ouvrage sur Gobineau (voyez son livre Ein pangermanisches Deutschland, p. 46).
  50. L’Aryen, p. 469.
  51. Ibid., p. 513-514.
  52. Politische Anthropologie, p. 294.
  53. Die Germanen in Frankreich, p. 114.
  54. Ein pangermanisches Deutschland, p. 296. Il est assez frappant que Lorenz Stein, dont les écrits enseignèrent à Marx les premiers élémens de la doctrine socialiste, ait déjà considéré comme germaniques en leur origine les revendications prolétariennes de notre temps. (Voyez Der Socialismus und Communismus des heutigen Frankreichs, Leipzig, 1842, p. 13 et suiv.)
  55. Voyez F. Lange, Reines Deutschtum, 4e édit., p. 231 et suiv.
  56. M. Reimer les réserverait volontiers à l’exercice des industries malsaines ainsi qu’il arrive dès à présent, dit-il, en Amérique, par simple sélection naturelle. Les travaux des mines ne sont guère exécutés au-delà de l’Atlantique que par des Slaves et des Latins immigrés.
  57. Ein pangermanisches Deutschland, p. 155.
  58. Grundzueye deutscher Wiedergeburt, p. 3.