Wikisource:Extraits/2013/52

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Jules Jamin, Les Générations spontanées dans Revue des Deux Mondes, tome 54 1864





LES

GÉNÉRATIONS SPONTANÉES



À côté des animaux et des végétaux de grande taille, qui nous sont bien connus, se cache un monde entier de créatures exiguës qui nous est demeuré fermé jusqu’au moment où le microscope a été découvert et qui se révèle peu à peu à mesure que cet instrument gagne en puissance. Ces êtres sont classés les uns parmi les champignons, dont ils ont tous les caractères, les autres parmi les animaux à cause de leurs mouvemens et de leur mode de nutrition : on les nomme infusoires parce qu’ils habitent les infusions. Il y en a enfin qui offrent des propriétés communes aux animaux et aux végétaux et se tiennent à la limite des deux règnes entre lesquels ils établissent une sorte de continuité.

On a cru d’abord qu’ils étaient organisés très simplement ; mais en les observant avec de plus forts grossissemens, on a reconnu qu’ils possèdent des viscères compliqués. En les nourrissant avec des substances colorées, on a rendu visibles leurs estomacs, qui sont nombreux, et suivi le mouvement des alimens tout le long du canal intestinal. Les plus gros ont des organes de reproduction très volumineux et très féconds, d’autres, qui sont à la limite entre le visible et l’invisible, en paraissent dépourvus, et l’on ne sait comment ils se reproduisent ; mais, quand l’observation devient impossible, l’imagination cherche à la remplacer. En découvrant des êtres complets venus sans cause apparente, sans qu’on ait suivi leur généalogie ou assisté à leur naissance, on a cru qu’ils n’avaient ni père ni mère, et qu’ils étaient spontanément éclos au milieu de la pourriture des matières organiques. Telle est l’origine de cette hypothèse fameuse des générations spontanées, imaginée comme toutes les autres hypothèses pour combler une lacune dans notre savoir, vieille comme le monde, reculant toujours, mais renaissant sans cesse, car aussitôt que l’observation reconnaît la fécondation sexuelle chez des espèces qu’on en croyait privées, elle découvre en même temps d’autres créatures plus petites avec lesquelles il faut recommencer. Quand les adversaires ont épuisé leurs argumens, la question sommeille, mais c’est toujours pour se réveiller avec passion lorsque de nouveaux faits raniment l’antique querelle. Nous assistons depuis 1860 à l’une de ces recrudescences dont je vais faire ici l’histoire, sans parler de celles qui l’ont précédée. Mon rôle, va se réduire à classer et à présenter les pièces du procès aux lecteurs de la Revue, qui, bien informés, jugeront suivant leurs impressions.


I

Tous les êtres supérieurs, sans exception, reçoivent la vie de parens auxquels ils sont semblables, et ils n’ont aucun autre mode de génération. Les infusoires les plus petits ou les végétaux les plus rudimentaires sont