Fables canadiennes/01/Les deux lampes

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C. Darveau (p. 28-29).

FABLE IX

LES DEUX LAMPES

Une servante vint, ainsi que de coutume,
 À l’approche du soir,
Pour allumer les lampes du boudoir.
 Or, la première qu’elle allume
 Brille d’une vive clarté
 Au fond de son tuyau de verre ;
La seconde, prenant une allure sévère,
Refuse obstinément, même avec dureté,
De se laisser couvrir, comme sa sœur aînée,
 D’une fragile cheminée :

— Pourquoi mettre à mon front cet absurde bandeau ?
 Voulez-vous cacher ma lumière ?
Je me suffis, je pense ; ôtez-moi ce fardeau,
Ou je le brûle au point de le mettre en poussière.

La servante obéit ; et la lampe, aussitôt,
Se mit à dégager, comme dans un tripot,
Au lieu d’une clarté pure et toute animée,
Une pâle lueur et beaucoup de fumée.


Si tu ne revêts point la douce humilité
Tu seras sans éclat comme sans pureté.