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Français, reprenez le pouvoir !/Partie 3/Chapitre 11

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Pour faire aboutir une politique d’aménagement du territoire cohérente, l’État devra également et avant tout remettre de l’ordre dans les services publics. Là plus qu’ailleurs, mettons fin d’urgence à la politique de gribouille. Que serait, en effet, le territoire français sans EDF, La Poste, la SNCF, France Télécom, le service public de l’eau? Le malaise rural français est aussi le fruit de la politique d’abandon menée depuis dix ans en matière de services publics.

Le rôle de l’État est, ici aussi, de veiller au bon équilibre entre les territoires. Or, en laissant ces structures de statut différent n’en faire qu’à leur tête, à l’exception peut-être de La Poste où le pouvoir politique a réagi à temps, quels dégâts!

Le prix de l’électricité a augmenté de 80 % pour les entreprises ayant abandonné le tarif régulé, les plongeant ainsi dans de vraies difficultés; les tarifs de branchement de gaz ont augmenté de 30 % et, à la SNCF, des zones rurales ou urbaines dites non rentables sont délaissées…

L’enjeu est pourtant simple: il s’agit de réformer ces entreprises pour leur permettre de fonctionner plus efficacement, tout en conservant leur caractère de service public. Leur objectif ne peut pas être, en tout cas, la création de profits gigantesques dont bénéficient leurs seuls actionnaires, privés ou publics. Dans la République telle que je la conçois, je le répète, l’effort de tous doit se faire au profit de tous. Les services publics, répondant par nature de manière exemplaire à cette exigence, je les défendrai toujours avec ténacité, bien conscient toutefois des efforts auxquels eux-mêmes doivent consentir pour mieux servir la collectivité.

En un mot, oui aux efforts de productivité pour permettre l’autofinancement des entreprises publiques et leur meilleure gestion. Non au démantèlement qui en fin de compte revient beaucoup plus cher au pays. C’est pourquoi, je me suis toujours opposé à la privatisation d’EDF-GDF. Au lieu de fusionner définitivement ces deux structures, on s’ingénie à les séparer et à les affaiblir.

L’expérience prouve qu’aujourd’hui, même dans les pays les plus libéraux, l’électricité, ce bien non stockable et qui exige des investissements à cinquante ans, ne peut sans danger être privatisée.

Aujourd’hui, la France doit avoir le courage d’être elle-même, d’assumer ses services publics. Je propose de rompre, en ce sens, avec les directives sur le marché unique de l’électricité, pour conserver le fruit de notre investissement dans le nucléaire. En effet, l’Europe, au nom d’une conception dévoyée de la concurrence intrinsèquement hostile à la pérennité de tout service public, est en train d’obliger la France à renoncer à l’avantage comparatif tout à fait loyal que constitue son industrie électronucléaire. Ceci afin de permettre la mise sur pied d’un marché intégré de l’énergie, où l’électricité beaucoup plus chère de nos concurrents européens aura une chance de se vendre. Nous ne pouvons laisser mettre en pièces cet élément clé de notre compétitivité et de notre bien-être sans réagir.

D’une manière générale, il ne faudra pas hésiter à rétablir, à maintenir ou à étendre les monopoles partout où l’intérêt général le justifiera. Celui-ci seul doit primer, et tant pis si cette conception du bien commun, peut-être typiquement française, empêche quelques consortiums privés de maximiser leurs profits! L’ambition républicaine est d’abord d’établir un État de droit, le premier caractère du droit étant de bénéficier également à tous. À défaut d’une telle attitude, ce sera à l’État d’imposer des contraintes de service public telles que les entreprises privées seront obligées de revoir à la baisse les dividendes qu’elles prélèvent sur le dos des usagers.

Pourquoi laisser l’oligopole de la distribution d’eau potable s’enrichir plus longtemps, au détriment des collectivités publiques et des particuliers?

Pourquoi hésiter à imposer des contraintes de service public à toutes les compagnies aériennes qui réalisent un certain montant de leur chiffre d’affaires sur notre sol? En quoi cela serait-il choquant par exemple de leur imposer, pour mieux relier la métropole et l’outre-mer, des vols à tarif réduit au profit de chaque citoyen français?

N’est-il pas temps, aussi, de remettre à plat les obligations des banques qui opèrent dans notre pays, aussi bien vis-à-vis des particuliers que des PME?

Enfin, concernant les services de proximité (hôpitaux, perceptions, écoles, bureaux de poste…), notamment en milieu rural, il est également urgent d’inverser les priorités, avec la mise en place d’une grille nationale de réflexion et d’évaluation qui assure le plus possible l’égalité d’accès de tous les citoyens, quelle que soit leur localisation sur le territoire. Ce critère doit l’emporter sur la logique comptable et mettre enfin un terme au serpent de mer de la fermeture anarchique de tel ou tel établissement. Seuls des critères scientifiquement indiscutables permettront de résoudre les querelles et de mettre en place les services publics de proximité indispensables et souhaitables, qu’il faudra ensuite apprendre à gérer au mieux.