Français, reprenez le pouvoir !/Partie 3/Chapitre 12

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Avec une véritable école de la République, un État régalien (aminci mais musclé) et une politique d’aménagement du territoire vigoureuse, on contribuera à retisser les liens entre les Français. En privilégiant toujours ce qui rassemble par rapport à ce qui différencie, on pourra faire renaître ce « vouloir vivre ensemble » sans lequel il n’est pas de nation française épanouie ni dynamique.

Faut-il rappeler la définition toute française de la nation par Ernest Renan: ni communauté de sang, de langue ou de religion mais adhésion à « deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis. » La nation, c’est le rassemblement des Français d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Par conséquent, défendre l’intérêt national, ce n’est pas simplement défendre les intérêts, souvent à court terme et égoïstes, du seul peuple présent. Cela implique aussi de prendre en compte l’héritage des générations passées (ce qu’elles ont voulu faire et pour quoi, souvent, elles se sont battues) et des générations à venir. Cette exigence nous préserve des excès du présent, en termes aussi bien économique et social qu’environnemental. C’est, en définitive, un garde-fou précieux qui oblige à reconsidérer les impératifs actuels au regard de ceux d’hier et de demain.

Ne nous berçons pas d’illusions; pour faire revivre ce « principe spirituel », historiquement généreux dans notre pays, et assurer les conditions d’un avenir décent aux générations futures, il faudra clairement aborder de front le grand tabou de notre époque: l’immigration. Il ne s’agit pas bien sûr de nier les bienfaits de la diversité ni des échanges avec le monde. C’est l’honneur et l’intelligence de notre pays d’aligner une équipe de football qui reflète sa richesse et ses différences humaines. Quand la cohésion nationale est solide et le demeure, la diversité est un atout. À défaut, elle peut se révéler explosive. Or, nous avons dépassé ce seuil depuis longtemps.

Les réformes de la justice, de l’école, de l’aménagement du territoire et de la politique urbaine, ne réussiront que si nous avons enfin le courage de prendre à bras-le-corps la fracture non plus sociale mais ethnique qui fait souffrir désormais le pays.

Il a fallu les émeutes de novembre 2005 pour que la vérité éclate aux yeux de tous. La représentation idéalisée de la France « black, blanc, beur » s’est effondrée pour laisser place à la réalité crue et moins souriante des ghettos. Beaucoup de nouveaux immigrants se rassemblent par affinités religieuses ou ethniques. La ségrégation s’installe. Deux sociétés cohabitent sans jamais se voir. Il suffit de se promener un soir à Saint-Germain-des-Prés et d’aller le lendemain arpenter un marché du « 9-3 ».

On a pu lire dans Le Monde le témoignage émouvant de Christine C., quarante-sept ans, cinq enfants, vingt-huit ans de Courneuve: « Maintenant, je me sens carrément isolée, je suis une toute petite minorité. C’est difficile de devenir une minorité chez soi, vous savez […]. Ce qui est nouveau, c’est que les Français d’origine étrangère se replient sur leur origine, ne se sentent plus français. Et moi, Française, je me sens mal […]. Même mes fils sont d’une autre culture que moi. Pour eux, être français, ça ne veut rien dire. Ils n’ont plus de nationalité, ils s’identifient de manière vague à une religion, celle qui est majoritaire. Ils observent les gestes de l’islam, une façon musulmane d’être et de parler, ils sont fiers d’appartenir à la majorité. Ils ne veulent pas être français, ils ne veulent pas s’intégrer dans la société, ils voudraient être blacks et beurs comme tout le monde, mais ils ne se comportent pas comme des musulmans. Tant de choses incohérentes.»

Les belles paroles sur l’intégration à la française sont malheureusement dépassées et les communautés se dressent les unes face aux autres. Or, comme dans toute guerre civile, même larvée, la question n’est plus de savoir qui a raison, qui a tort, mais de tenter de désamorcer l’enchaînement des ressentiments et des haines. Je me souviens très précisément de l’avertissement que m’avait adressé, il y a presque dix ans, un jeune médecin nouvellement français dont la famille algérienne était arrivée dans les années 1960 en France. « À force de céder au chantage, à l’intimidation des voyous, sous prétexte qu’ils sont originaires du Maghreb, et oubliant ceux qui comme nous font l’effort de s’intégrer, les petits frères seront incités à suivre la voie de la facilité et, en fin de compte c’est nous, autant qu’eux, qui subirons le racisme de tous les jours de Français de souche, ulcérés de leur comportement! »

Les chansons des rappeurs qui insultent la France ne sont pas anecdotiques. La naissance de la « tribu Ka », antisémite et provocatrice, la formation du mouvement dit « Les indigènes de la République » expriment chacune à sa manière la montée en puissance d’une violence identitaire que nous risquons de payer très cher par naïveté.