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Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament/Tome I/Chapitre 2

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CHAPITRE DEUXIÈME.
de l’excellence ou de l’autorité de l’écriture sainte.

On peut considérer l’Ecriture sainte indépendamment de son inspiration divine, comme, par exemple, sous le rapport purement historique, philosophique, littéraire et religieux, ou bien en tant que livre sacré, c’est-à-dire divinement inspiré à ses auteurs par l’Esprit saint.


ARTICLE I.
De l’autorité de l’Écriture sainte considérée indépendamment de son inspiration divine.

L’Ecriture sainte, lors même qu’on fait abstraction de son inspiration divine, offre encore à notre respect et à notre admiration des titres et des droits d’autant plus incontestables qu’ils lui assurent une supériorité bien marquée sur tous les autres livres connus. L’exposé suivant, mais surtout les détails que nous donnerons dans l’Introduction particulière, en sont la preuve la plus irrécusable.

1. C’est un monument que sa haute antiquité recommande à la vénération. « Les livres de l’Ancien Testament, dit Bossuet, sont les livres les plus anciens qui soient au monde[1]. » La vérité de cette assertion, par rapport au Pentateuque en particulier, ne saurait être légitimement contestée que dans le cas où il existerait des monuments fidèles et sûrs d’une aussi haute antiquité en faveur des livres de tout autre peuple que le peuple hébreu. Or la chronologie et l’histoire, seuls témoins admissibles en cette matière, ou manquent absolument aux nations idolâtres, ou parlent en faveur du Pentateuque.

Personne n’ignore les tentatives sans nombre faites dans le siècle dernier pour reporter au delà des temps mosaïques l’existence des Kings livres sacrés des Chinois ; celle du Zend-Avesta, code religieux des Perses, et celle des Védas, consacrés dans l’Inde. Or aucun monument chronologique ou historique, parmi ceux du moins que la critique avoue, n’a justifié cette prétention ; nous ajouterons même qu’elle se trouve entièrement détruite par les nombreux témoignages des juges les plus compétents.

De Guignes dit que l’ancienne histoire chinoise n’est ni certaine ni authentique ; qu’elle ne renferme aucune remarque de géographie ni de chronologie et qu’elle est sans suite et sans liaison. Fréret avoue que la partie qui comprend l’histoire des temps antérieurs à la dynastie de Han (206 avant Jésus-Christ) n’a été ni écrite sur les mémoires contemporains, ni publiée après un examen authentique, et que c’est une histoire restituée après coup[2]. Le P. Ko, missionnaire chinois, dit en donnant des preuves irrécusables de son assertion : « Il n’y a pas de lettrés à la Chine qui ne sachent qu’il y aurait de la démence à ne pas voir que notre chronologie ne remonte d’une manière je ne dis pas certaine et indubitable, mais probable et satisfaisante, que jusqu’à l’an 841 avant Jésus-Christ. Sied-il bien à des poètes, philosophistes et chroniqueurs, de contester sur un point regardé comme décidé depuis bien des siècles par les plus savants hommes de la Chine[3] ? » Le témoignage de ce missionnaire est d’un poids d’autant plus grande que sa qualité de Chinois le mettait en état de discuter au milieu des lettrés de sa patrie tout ce qui en concerne l’histoire[4]. Joignons à ces preuves l’autorité d’un écrivain dont le jugement ne peut pas être suspecté ici : « Szü-ma-zian, dit J. Klaproth, commença son histoire par l’année 2637 avant Jésus-Christ sous le titre de Zü-ki, et il la continua jusqu’au commencement de la dynastie de Tschang. Quoiqu’il eût à sa disposition beaucoup de documents l’histoire de la Chine antérieure au ixe siècle avant Jésus-Christ n’en demeure pas moins incomplète et incohérente ; car les sources où il puisa n’étaient pas toujours d’accord. Ce n’est même que cent ans plus tard que disparaissent les divergences de la chronologie[5] ». L’origine des Kings nous est par là même tout à fait inconnue ; quant à leur rédaction dans la forme actuelle, elle est enveloppée de ténèbres non moins épaisses. Ce qui ressort évidemment de tout ceci, c’est qu’on serait bien mal avisé, si on voulait encore les comparer au Pentateuque.

Nous nous étendrons peu sur le Zend-Avesta : en admettant qu’il fût l’œuvre de Zoroastre, son antiquité n’approcherait pas de celle du Pentateuque. Anquetil suppose que Zoroastre est né 589 ans avant Jésus-Christ [6]. Selon Beausobre, ce législateur des Perses était contemporain de Pythagore qui mourut la troisième année de la LXXe olympiade c’est-à-dire l’an 495 avant Jésus-Christ[7]. Thomas Hyde dit qu’il vivait sur la fin de la monarchie des Mèdes, sous le règne de Guschtâsp, que les Grecs ont traduit Υ̓̀στάσπης, Hystaspe, et les Arabes Wischtâsph ; et il le prouve par un grand nombre de passages extraits d’auteurs persans et arabes[8].

Quant aux Védas, il faudrait pour établir solidement leur antiquité, qu’elle reposât également sur quelques monuments certains. Or, W. Jones ne laisse aucun espoir qu’on puisse jamais former un système d’histoire chez les Hindous, parce qu’un sujet si obscur par lui-même le devient encore davantage par les nuages de fictions dont l’ont entouré les Brahmanes, qui par orgueil ont voulu se donner à dessein une antiquité mensongère ; de sorte qu’on doit se trouver heureux quand on peut s’appuyer sur de simples probabilités[9]. Wilson avoue que dans le système de géographie, de chronologie et d’histoire de ce peuple, il n’y a qu’une absurdité monstrueuse[10]. Suivant Bentley, auquel, il faut l’avouer pourtant, beaucoup d’indianistes n’accordent pas une grande autorité, suivant Bentley, disons-nous, il n’est pas un seul point d’histoire ou de chronologie antérieur à Jésus-Christ que l’on puisse fixer, ne fût-ce même qu’avec une sorte de vraisemblance[11]. Il est vrai que Henri Thomas Colebrooke semble faire remonter l’origine des Védas jusqu’au xive siècle avant l’ère chrétienne ; mais ce savant ne fonde son opinion que sur des calculs astronomiques fort incertains, et encore ne la donne-t-il lui-même que comme une conjecture tout à fait vague et qui par conséquent ne mérite pas beaucoup de confiance[12]. « Les tables astronomiques des Hindous, auxquelles on avait attribué une antiquité prodigieuse, dit Klaproth, ont été construites dans le VIIe siècle de l’ère vulgaire, et ont été postérieurement reportées par des calculs à une époque antérieure [13]. » Terminons cette preuve par l’autorité la plus imposante peut-être en cette matière : « Les tables indiennes, dit de Laplace, supposent une astronomie assez avancée ; mais tout porte à croire qu’elles ne sont pas d’une haute antiquité… L’ensemble de ces tables, et surtout l’impossibilité de la conjonction générale qu’elles supposent, prouvent qu’elles ont été construites ou du moins rectifiées dans des temps modernes[14] »

2. Ces livres sont les plus authentiques de tous les livres. Et d’abord ils réunissent tous les caractères internes d’authenticité, puisque la critique la plus sévère et la plus minutieuse, loin d’y avoir rien trouvé d’important qui pût mériter son blâme, a été forcée de confesser que tout y était parfaitement assorti aux circonstances, soit des temps, soit des lieux, soit des personnes. De plus, ils possèdent encore tous les caractères externes d’authenticité, puisqu’ils ont en leur faveur le témoignage de tous les livres subséquents, qui les citent ou les supposent existants, la foi commune et universelle de tout le peuple juif, qui les a toujours reconnus pour authentiques, l’appui d’une multitude de monuments tels que des lois, des fêtes, des solennités, et autres usages, qui ne peuvent s’expliquer qu’en supposant leur authenticité, enfin l’impossibilité même de supposer ces livres, car, comme ils sont la source de la religion, de la législation, du droit public de toute une nation, ils n’auraient pu être faussement attribués à son législateur ou à ses prophètes sans causer les réclamations les plus vives, et ils n’auraient pu obtenir l’assentiment unanime de toute une nation[15]

3. Ces livres et surtout ceux de Moïse ont été le plus soigneusement conservés. Bossuet venant de parler des miracles étonnants que les anciens Hébreux ont vus de leurs yeux, ajoute : « Dieu qui les a faits pour rendre témoignage à son unité et à sa toute-puissance, que pouvait-il faire de plus authentique pour en conserver la mémoire, que de laisser entre les mains de tout un grand peuple les actes qui les attestent rédigés par l’ordre des temps ? C’est ce que nous avons encore dans les livres de l’Ancien Testament, c’est-à-dire… dans les livres que le peuple juif a toujours si religieusement gardés[16]… Les Juifs ont été les seuls dont les convictions sacrées ont été d’autant plus en vénération qu’elles ont été plus connues. De tous les peuples anciens, ils sont le seul qui ait conservé les monuments primitifs de sa religion, quoiqu’ils fussent pleins de témoignages de leur infidélité et de celle de leurs ancêtres[17]. » Ces livres en effet ont été dès leur origine un monument, puisque dès leur origine ils ont été un livre public que tout le monde devait lire et méditer ; c’était le code authentique de la religion, de la jurisprudence, de la médecine et du gouvernement. Une tribu tout entière avait la charge de veiller à leur conservation : une suite non interrompue de prophètes avait l’œil à ce qu’on n’y fît aucune altération. Les Juifs schismatiques des dix tribus, et après eux les Samaritains, qui adoptèrent leur religion, avaient le Pentateuque entre leurs mains, et veillaient à leur tour à ce qu’on n’y fît aucun changement. Après la captivité, les Juifs hellénistes qui se servaient de la version des Septante, les Juifs schismatiques d’Héliopolis, les trois sectes qui se formèrent à Jérusalem, c’est-à-dire, les pharisiens, les sadducéens et les esséniens, n’auraient pu s’accorder ensemble pour y faire quelque interpolation, et n’auraient pas manqué de réclamer, si l’une d’entre elles avait osé changer les Ecritures dans quelque point essentiel. Enfin l’expérience a prouvé que ces livres ont été conservés sans altérations substantielles, puisque tous les manuscrits aussi bien que toutes les versions s’accordent parfaitement pour le fond, et que la plupart des fautes qui s’y sont glissées par accident peuvent se corriger par les règles d’une sage critique.

4. Ces livres renferment l’histoire la plus convenable à la nature des choses et aux monuments les plus certains. Le monde et l’homme lui-même n’étant pas éternels, ont dù être créés, et voilà ce que nous apprend Moïse dès la première page de la Genèse : toutes les nations en conséquence ont dû avoir une origine commune ; or, c’est encore ce que nous apprend Moïse dans le chapitre x de la Genèse, lequel, au jugement de Bochart, est une démonstration de la vérité de sa narration. Les traditions de tous les peuples, l’organisation du globe terrestre, la nouveauté de nos continents, supposent un grand cataclysme qui a noyé la terre ; et n’est-ce point ce déluge que Moïse nous a tracé dans les plus grands détails ? Enfin toutes les familles de la terre étant sorties d’une même souche, ont dû partir d’un point central. Or, a-t-on pu jusqu’ici donner un démenti fondé aux savants laborieux qui, après avoir étudié, avec tous les moyens et toutes les ressources possibles à l’homme, l’origine et l’histoire de tous les peuples du monde ont affirmé que ce point central ne pouvait être que le point assigné par Moïse, et que tout autre point ne saurait rendre compte de la dissémination des différentes branches de la famille primitive ? Mais cette histoire est encore la plus suivie et la mieux enchaînée. Tous les événements se tiennent et se demandent les uns les autres. « Que dirai-je, s’écrie de nouveau Bossuet, que dirai-je du consentement des livres de l’Écriture et du témoignage admirable que tous les temps du peuple de Dieu se donnent les uns aux autres ? Les temps du second temple supposent ceux du premier, et nous ramènent à Salomon. La paix n’est venue que par les combats : et les conquêtes du peuple de Dieu nous font remonter jusqu’aux Juges, jusqu’à Josué, jusqu’à la sortie d’Égypte. En regardant tout un peuple sortir d’un royaume où il était étranger, on se souvient comment il y était entré. Les douze patriarches paraissent aussitôt, et un peuple qui ne s’était jamais regardé que comme une seule famille, nous conduit naturellement à Abraham, qui en est la tige[18]. » Or, l’histoire d’Abraham nous conduit à Sem dont il descend, et remonte au déluge et jusqu’à Noé. L’histoire de Noé nous ramène aux patriarches antédiluviens et jusqu’à Adam, le père de tous les hommes. Que sont maintenant toutes les histoires ou plutôt les fables des autres peuples, auprès de l’histoire de nos livres saints, histoire qui fixe le commencement des choses, les origines, les noms, les habitations des peuples divers ; qui appuie la narration sur des monuments incontestables, qui suit le peuple dès son commencement, et qui est si étroitement enchaînée, qu’on ne peut en détruire un article sans renverser tout le reste ?

5. La doctrine contenue dans ces livres est des plus pure et des plus élevée. Rien de plus exact que ce qu’ils nous apprennent de Dieu et du culte qui lui est dû, de l’homme et de sa fin ; toute la morale n’en est pas moins pure, et se trouve d’accord avec la raison. Aimer Dieu de tout son cœur et son prochain comme soi-même, voilà la loi et les prophètes. La législation de Moïse est si parfaite, que pendant trois mille ans on n’a eu besoin ni de la changer ni de la modifier. Qu’on lise l’abbé Guénée, BuUet, le Droit mosaïque par Michaëlis[19], et la Politique sacrée par Bossuet, et on aura une nouvelle preuve de la perfection de ce code de lois. Le but en effet de cette législation est le plus grand et le plus noble qu’un législateur puisse se proposer, celui de conserver la foi d’un Dieu créateur de tout l’univers, et de préparer les voies au grand libérateur du genre humain. Ce dernier but est comme le plan général de toute l’Ecriture ; les Livres sacrés, quoique composés par divers auteurs et à de grands intervalles de temps, conspirent néanmoins tous à cette unité de dessein. Or, ce plan admirable commence à paraître dès la chute de l’homme : le Messie est la semence qui doit écraser la tête du serpent. Ce Messie est encore rappelé à Abraham, à Isaac et à Jacob, lorsque Dieu leur dit, qu’en cette semence doivent être bénies toutes les nations de la terre. Il est plus développé par les prophètes, et surtout par Isaïe, qui semble être évangéliste plutôt que prophète ; et il se trouve accompli en Jésus-Christ, qui vient sauver le genre humain, et répandre dans tout le monde la connaissance du vrai Dieu.

6. Le style des écrivains sacrés est surtout remarquable par sa sublimité. La manière élevée et pleine d’enthousiasme dont ils parlent de Dieu, ou le font parler lui-même, leur est propre et ne se trouve nulle part ailleurs. Homère, Virgile, Horace, sont froids à côté de Moïse, de Job, d’Isaïe, de David et des autres prophètes. Les poètes orientaux eux-mêmes, que la langue, l’imagination et le climat rapprochent davantage des poètes hébreux, en sont à une distance incommensurable pour l’enthousiasme et la sublimité. Aussi Ravius a-t-il voulu prouver la divinité de la poésie hébraïque par son excellence et les littérateurs et les poètes les plus distingués de tous les temps et de tous les pays se sont-ils tous efforcés de montrer la sublimité des poètes hébreux ; nous citerons seulement, comme pouvant plus facilement être consultés, Bossuet, Fénelon, Rollin, Le Batteux, et Fleury en France, R. Lowth en Angleterre, Ancillon, Herder, Eichhorn en Allemagne.

7. Ce qui est propre à ces divins Livres, c’est qu’ils rapportent de vrais miracles et de véritables prophéties, dont le but est d’autoriser et de justifier la doctrine qu’ils contiennent. Et d’abord de vrais miracles : car, puisqu’il est démontré que Moïse est l’auteur du Pentateuque, il a donc pris les Juifs de son temps à témoin des plaies d’Égypte, du passage de la mer Rouge, de la manne tombée du ciel, et des autres prodiges du désert, comme ayant été opérés sous leurs yeux, et qui plus est, il a obtenu créance de leur part. Or, comment supposer qu’un homme de bon sens comme était certainement Moïse, ait pris à témoin plusieurs millions de personnes d’événements publics, notoires et tout à fait extraordinaires, qui n’auraient cependant jamais existé ? Comment, par des mensonges aussi palpables et dont les hommes les plus ignorants eussent pu facilement découvrir l’imposture, aurait-il pu acquérir assez d’autorité pour les gouverner, pour les châtier malgré leurs murmures, et pour leur imposer des lois extrêmement onéreuses ? Ainsi il faut que ces événements miraculeux soient réellement arrivés. Il doit en être de même des autres prodiges rapportés dans nos Livres saints. C’étaient des faits publics et importants qui ont obtenu créance, quoique écrits dans le temps même où une multitude de témoins pouvaient facilement les contredire. Quant aux prophéties, ne pouvant les parcourir toutes, nous nous bornerons à en rapporter quelques-unes qui sont claires et incontestables. C’est une chose évidemment prédite dans l’Ancien Testament, que la connaissance d’un Dieu unique serait communiquée aux Gentils par le moyen des Juifs. Les premières prédictions de ce grand événement ont eu lieu vingt-deux siècles avant Jésus-Christ y c’est-à-dire dans un temps où l’idolâtrie, remplissant toute la terre, rendait la prophétie tout à fait invraisemblable. Or, cependant ce grand événement a eu lieu, et nous envoyons nous-mêmes l’accomplissement. La captivité de Babylone a été prédite avec son retour par Moïse et les autres prophètes ; or cette prédiction a eu encore son parfait accomplissement. La ruine et la destruction entière de Babylone, prophétisées par Isaïe et Jérémie, ont eu lieu. Enfin ne faut-il pas fermer volontairement les yeux à la lumière pour ne point voir que tout ce que les prophètes ont annoncé touchant leur Messie a été littéralement accompli en Jésus de Nazareth ?

8. Enfin ces Livres ont été goûtés et admirés par les hommes les plus savants de l’antiquité ecclésiastique, Origène, saint Jérôme, saint Augustin, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Chrysostome, etc., par Bossuet, Fénelon, Fleury, et une multitude d’autres beaux génies des temps modernes. Ils ont été examinés par les plus habiles et les plus rigoureux critiques, Grotius, Bochart, R. Simon, et mille autres, et ils n’ont reçu de leur part que les témoignages d’une grande admiration. Attaqués par Voltaire, Bolingbrocke et toute la nuée des incrédules qui les ont suivis, ils sont restés pleinement victorieux de leurs attaques. « Les anciens agresseurs de notre religion, dit Bullet, ne trouvaient dans les auteurs sacrés que les objections qu’une première lecture pouvait offrir. Il n’en est pas de même de ceux qui s’élèvent contre elle aujourd’hui : ils ont, pour ainsi parler, mis ces saints livres au creuset, ils ont employé les conjectures de là critique, les obscurités de la chronologie, les fables des anciens peuples, les écrits des écrivains profanes, les inscriptions des médailles, les incertitudes de la géographie des premiers temps, les sophismes de la logique, les découvertes de l’histoire naturelle, les expériences de la physique, les observations de la médecine, les subtilités de la métaphysique, les recherches de la philologie, les profondeurs de l’érudition, la connaissance des langues, les relations des voyageurs, les calculs de la géométrie, les figures de la rhétorique, les règles de la grammaire, les procédés de tous les arts : en un mot, ils ont tout mis en usage pour trouver nos divines Écritures en défaut[20]. » Mais tous ces efforts ont été sans succès, et ces assauts si violents n’ont servi qu’à en affermir la divine autorité. Bien plus, un autre triomphe non moins glorieux leur était réservé, celui de voir les hommes qui, dans ces derniers temps, se sont immortalisés par la sublimité de leur génie et leur profond savoir, venir leur payer à l’envi le tribut de leur admiration. Qui en effet professa jamais pour la Bible un respect plus grand que ne le fit Descartes ? Pascal en faisait ses délices et la savait presque par cœur. Newton avouait que c’était le plus authentique de tous les livres, et il n’a pas cru perdre son temps en commentant l’Apocalypse. Leibnitz trouvait l’origine des peuples conforme à la narration de Moïse, et cette conformité le frappait d’admiration. Quant à Bacon, il suffit de lire son chapitre intitulé De la dignité de la science prouvée par l’Ecriture, pour comprendre le cas qu’il en faisait : il n’a pas craint d’avouer que le moyen sûr d’arriver à une véritable connaissance de l’origine du monde, était de bien comprendre l’œuvre des six jours. Euler lisait tous les jours un chapitre de la Bible. Fréret, si connu par son érudition et la hardiesse de sa critique, disait que la lecture de l’Ecriture sainte était nécessaire pour former un véritable savant. Terminons par un témoignage qui résume tous les autres, celui d’un savant Anglais à la fois géomètre, jurisconsulte, profondément versé dans la littérature des peuples orientaux, dont il connaissait parfaitement les langues, et qui avait étudié à fond toutes les traditions et toutes les histoires des nations de la terre, en un mot, de W. Jones, qui déclare franchement, que s’il eût trouvé l’histoire de l’Ecriture sainte en défaut, il l’eût abandonnée sans balancer, mais qu’après un examen approfondi, il était obligé d’avouer que les principaux points de la narration de Moïse étaient confirmés par les histoires des peuples anciens et par les fictions de leur mythologie ; qu’il y avait plus de philosophie et de vérité, plus d’éloquence et de poésie dans la collection de nos livres sacrés que dans tous les autres livres dont il possédait les langues.


ARTICLE II.
De l’autorité de l’Écriture sainte considérée comme divinement inspirée.

C’est surtout l’inspiration divine qui distingue l’Ecriture sainte de tous les autres livres, puisqu’elle seule, en lui imprimant le sceau de l’autorité divine, la place au-dessus d’eux à une distance infinie. Les questions que nous examinerons dans cet article, sont : 1° si l’Ecriture a été réellement composée par inspiration divine ; 2° si l’inspiration s’étend à toutes les parties de l’Ecriture, même à celles qui ne concernent ni la foi ni les mœurs ; 3° enfin si la simple assistance n’a pas suffi aux écrivains sacrés dans certaines parties de leurs ouvrages, et si l’inspiration doit s’étendre jusqu’aux mots dont ils se sont servis.

QUESTION PREMIÈRE.
L’Ecriture sainte a-t-elle été composée par inspiration divine ?.

Si l’on veut bien comprendre tout ce que nous avons à dire ici, il faut se faire une idée nette et précise du vrai sens qu’on doit attacher au mot inspiration, et connaître les erreurs auxquelles a donné lieu cette importante question.

1. On distingue quatre secours différents qui ont pu aider les écrivains sacrés dans la composition de leurs ouvrages, savoir : la révélation, l’inspiration proprement dite, l’assistance du Saint-Esprit et le mouvement pieux.

La révélation est la manifestation surnaturelle d’une vérité jusque-là inconnue à celui à qui elle est manifestée. Ainsi c’est par la révélation que Dieu fit connaître à Noé le temps du déluge, et qu’il a manifesté aux prophètes tout ce qu’ils nous ont appris touchant le Messie, et tout ce qu’ils ont écrit d’ailleurs sur des événements qu’il leur était impossible de connaître par des voies naturelles.

L’inspiration proprement dite est ce secours surnaturel qui, influant sur la volonté de l’écrivain sacré, l’excite et le détermine à écrire, en éclairant son entendement de manière à lui suggérer au moins le fond de ce qu’il doit dire[21]. C’est là le sens que nous attachons aux propositions dans lesquelles nous allons établir que l’Écriture sainte a été divinement inspirée aux écrivains sacrés.

L’assistance du Saint-Esprit est ce secours par lequel l’Esprit saint dirige l’entendement de l’écrivain sacré dans l’usage de ses facultés, de telle sorte qu’il ne commette aucune erreur. C’est ce secours que Jésus-Christ a promis à son Église et qui la rend infaillible dans ses décisions.

Le mouvement pieux enfin est un secours ordinaire par lequel Dieu porte un auteur à écrire avec une intention pure, en secondant les efforts qu’il fait pour ne s’écarter en rien de la vérité, mais sans lui donner aucune assurance d’infaillibilité. On peut citer par exemple, comme ayant été favorisé de ce secours, l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ.

2. Les anoméens, anciens hérétiques, sont les premiers qui aient nié l’inspiration de l’Ecriture sainte. Plus tard, Grotius et Spinosa ont soutenu que les livres historiques n’ont point été inspirés[22].

Jean Le Clerc, dans l’ouvrage qui a pour titre Sentiments de quelques théologiens de Hollande, enseigne, entre autres erreurs, que les prophètes, quoique inspirés quand Dieu leur a révélé les choses futures, les ont cependant écrites d’une manière humaine.

Bahdt soutient que les écrivains sacrés n’ont reçu aucun secours surnaturel, et qu’ils n’ont pas même été assistés par le Saint-Esprit, de manière à les préserver d’erreur[23].

Cependant ces ennemis de l’inspiration eurent peu de partisans jusque vers le milieu du dix-huitième siècle, la plupart des anciens protestants s’en tenant toujours à l’inspiration la plus stricte. Mais dès que Toelner, en 1772 eut publié son ouvrage sur l’inspiration et Semler en 1771-1773 son Examen du Canon, l’ancienne doctrine de l’inspiration fut attaquée de mille manières, surtout en Allemagne, où les critiques semblent s’être fait une gloire de l’acharnement qu’ils ont mis à la combattre[24].

Parmi le petit nombre de protestants allemands qui soutiennent aujourd’hui l’inspiration des livres saints, il en est plusieurs qui leur accordent une autorité divine en ce sens seulement qu’ils contiennent des vérités révélées ; mais que ces vérités aient été insérées ou non dans ces livres par l’ordre et par l’inspiration de Dieu, c’est ce dont ils ne s’occupent nullement.

Maintenant donc que nous avons fait connaître quelle était l’idée qu’on devait attacher au mot inspiration, et que nous avons exposé les erreurs qui ont été commises au sujet de ce dogme si important pour la religion chrétienne, nous allons établir les deux propositions suivantes, qui sont de foi, en remarquant avant tout que, l’inspiration étant un fait surnaturel qui n’est connu que de Dieu et de celui qui est inspiré, l’inspiration des livres saints ne saurait être prouvée d’une manière incontestable que par un témoignage divin : or, pour un tel témoignage il suffit qu’un envoyé de Dieu, après avoir prouvé sa mission par des prophéties

et des miracles, certifie que ces livres sont marqués au sceau divin, ou bien qu’il les adopte, ou les consacre comme tels.
PREMIÈRE PROPOSITION.
Touts les livres de l’Ancien Testament sont divinement inspirés.

La tradition de l’Eglise judaïque, le témoignage le plus positif de la part de Jésus-Christ et de ses apôtres, et enfin la tradition de l’Eglise chrétienne, et la définition de l’Eglise catholique, voilà les preuves sur lesquelles repose cette inspiration divine.

1. Au temps de Jésus-Christ et des apôtres, toute l’Église judaïque admettait cette inspiration. Joseph et Philon, tous deux Juifs, et leurs contemporains, ne nous permettent aucun doute à cet égard. Il est vrai que quelques critiques modernes ont prétendu que les anciens Hébreux n’avaient pas une idée bien nette et bien arrêtée sur l’inspiration des auteurs sacrés, et qu’ils ne considéraient leurs livres que comme des documents nationaux ou patriotiques[25], et par conséquent purement profanes ; mais cette opinion, outre qu’elle est en opposition manifeste avec l’histoire, toute l’antiquité ayant généralement cru qu’il y avait dans chaque peuple des hommes favorisés des révélations extraordinaires de la Divinité[26], tombe encore d’elle-même quand on examine les raisons sur lesquelles les Juifs ont fondé leur foi touchant ce dogme sacré de leur religion. « Il n’était pas permis indistinctement à tout le monde d’écrire, dit Joseph en parlant des Hébreux[27], aussi n’y a-t-il point de désaccord entre leurs livres ; mais les prophètes seuls connaissaient les événements les plus anciens par inspiration divine (κατὰ τὴν ἐπίποιαν ἀπὸτοῦ Θεοῦ), et écrivaient l’histoire de leur temps avec une exactitude rigoureuse [28]. De là vient que nous n’avons pas une infinité de livres qui se contredisent et se combattent ; nous en possédons seulement vingt-deux qui embrassent l’histoire de tout leur temps et que nous croyons justement être divins[29]… C’est par les faits que l’on peut juger de la foi que nous avons en nos Écritures ; malgré qu’un si long intervalle de temps se soit écoulé, jamais personne n’a été assez osé pour y ajouter, en retrancher, ou y changer la moindre chose ; car c’est un sentiment gravé dans le cœur des Juifs, dès la première enfance, qu’elles doivent être regardées comme des enseignements divins (θεοῦ δόγματα), qu’il faut suivre constamment, et pour lesquels il faudrait même donner sa vie, si ce sacrifice devenait nécessaire. »

Philon n’est pas moins clair et moins positif. Il est impossible de lire une page quelconque de ses ouvrages sans y voir Moïse désigné sous le nom de prophète, homme envoyé de Dieu (θεσπέσισος ἀνὴρ), hiérophante etc., et le Pentateuque sous ceux des écritures sacrées, livres sacrés, discours sacrés, discours prophétique, parole de Dieu, oracle divin, qualification que Philon donne également aux autres écrivains sacrés, aussi bien qu’à leurs ouvrages. Or, le même écrivain nous explique clairement ce que lui et sa nation entendaient parle mot prophète : « Les prophètes de Dieu, dit-il, sont des interprètes par les organes desquels il fait connaître ses volontés[30]. » Le texte est plus formel encore : il porte à la lettre « que Dieu se sert de leurs organes comme d’un instrument (καταχρωμένου τοῑς ἐκείνων ὀργάνοις) ; » et ailleurs : « Un prophète ne produit rien de lui-même, il est seulement l’interprète d’un autre qui lui suggère (ὑποβάλλοντος) tout ce qu’il dit. Tant qu’il est sous l’empire de l’inspiration divine (ἐνθουσιᾷ γεγονὼς), il reste étranger à toute autre chose, parce que sa raison s’est retirée pour faire place à l’esprit de Dieu (τοῦ θείου πνεύματος), qui est venu s’emparer de son âme, mettre en mouvement tous les organes de la voix, et les rendre propres à exprimer clairement et distinctement ce qu’il doit prophétiser[31]. » Il dit encore dans un autre endroit : « Le prophète n’est que l’interprète de Dieu, qui lui dicte intérieurement ses oracles[32]. » Pour abréger, nous nous bornons à ces passages, qui prouvent suffisamment que les Juifs croyaient tous leurs livres divinement inspirés, c’est-à-dire écrits avec le concours positif et réel de la Divinité.

Il est encore des témoins irrécusables de cette croyance des Juifs à l’inspiration de leurs livres. Nous lisons dans le second des Machabées^ que la loi est sainte, et qu’elle a Dieu pour auteur[33], que les livres

recueillis par Esdras sont également marqués du sceau divin[34] ; dans le livre de la Sagesse, que Moïse est un saint prophète, et que la souveraine sagesse a instruit les amis de Dieu et les prophètes[35] dans Baruch, que les livres des Juifs sont des préceptes divins [36].

Enfin les deux Talmuds et tous les rabbins nous enseignent que telle a été la doctrine des anciens Juifs. De sorte que non-seulement les Juifs de Palestine croyaient à l’nspiration divine de leurs livres, mais encore les hellénistes, les schismatiques d’Héliopolis, les Samaritains et les trois sectes qui existaient au temps de Jésus-Christ, c’est-à-dire les pharisiens, les sadducéens et les esséniens[37].

Un accord aussi unanime, aussi universel et aussi constant de la part des Juifs de tous les lieux et de tous les temps, devait avoir un fondement solide et des motifs bien puissants, et il les a en effet ; car 1o quelques-uns des auteurs de ces livres, comme Moïse, avaient prouvé la divinité de leur mission par des miracles ; 2o la plupart de ces auteurs étaient des prophètes ; 3o parmi ces livres, les uns étaient notoirement l’œuvre des prophètes, les autres passaient pour avoir été écrits ou approuvés par des prophètes ; 4o c’était de Dieu même que plusieurs auteurs sacrés avaient reçu l’ordre d’écrire ; ainsi, on lit, Exode, xvi, 14 : « Ecris ceci dans le livre. » (Voyez aussi Exode, xxiv, 4, 7.) Isaïe, VIII, 1 : « Prends un grand livre ; et écris-y. » Jérémie, xxx, 2 : « Ecris dans un livre toutes les paroles que je t’ai dictées. » Ezéchiel, xxxiv, 2 : « Fils de l’homme, écris, etc. » Habacuc, ii, 2 : » Ecris une vision, etc, » D’où il suit qu’une autorité divine assurait les Juifs de l’inspiration de leurs livres, et que par conséquent une autorité divine nous assure nous-mêmes, qui avons reçu ces livres dans toute leur intégrité, de l’inspiration de l’Ancien Testament.

2. Au temps de Jésus-Christ, l’inspiration divine de l’Ancien Testament était pour le peuple juif un dogme de foi, comme nous venons de le démontrer. Or, si cette croyance eût été fausse, Jésus-Christ, qui venait pour épurer la religion des Juifs des fausses traditions qui la défiguraient, n’aurait-il pas dû s’élever contre une erreur aussi fondamentale ? N’était-ce pas au moins un devoir sacré pour lui d’éviter avec soin de la confirmer par son propre témoignage ? Eh bien Jésus-Christ n’a jamais dit un mot pour improuver cette croyance. Il combat avec force les fausses traditions des Juifs et les gloses arbitraires que leurs docteurs ajoutaient à la loi ; mais jamais il ne s’élève contre l’inspiration des livres de l’Ancien Testament. Au contraire, toutes les fois qu’il en parle, c’est toujours avec le plus grand respect ; bien plus, il les appelle expressément loi divine, écriture divine, oracles de l’Esprit saint ; il s’en sert même pour prouver sa divinité et sa mission divine[38]. Ainsi lorsque Jésus-Christ, envoyé de Dieu, et Dieu lui-même, après avoir prouvé sa mission par des miracles, cite comme inspirés et divins les livres de l’Ancien Testament, leur inspiration devient par là même un fait indubitable.

3. Les apôtres, formés à l’école de Jésus-Christ, qui leur expliqua en particulier tout le secret de sa doctrine, ont dû connaître ses véritables sentiments sur l’inspiration de l’Écriture, et par conséquent nous pouvons nous en rapporter avec confiance à leur témoignage : or il est certain que, loin de contredire la doctrine commune des Juifs sur ce point, ils l’ont, au contraire, toujours supposée en disputant contre les Juifs et les gentils ; et, à l’exemple de Jésus-Christ, ils donnent aux Écritures le titre de saintes et d’oracles divins[39]. Saint Pierre en particulier ne cesse d’argumenter dans ses discours d’après l’autorité divine de l’Écriture[40]. Saint Paul cherche à convertir les Juifs à la religion de Jésus-Christ en établissant sa mission divine par des citations de la loi de Moïse et des prophètes : il dit même à cette occasion, que l’Esprit saint a parlé par la bouche du prophète Isaïe[41]. Mais saint Pierre nous fournit un passage qui, tout en démontrant la divinité des Écritures, nous fait connaître le caractère dominant de l’inspiration : « Ce n’a pas été par la volonté des hommes, dit-il, que les prophéties nous ont été anciennement apportées, mais ç’a été par le mouvement et l’incitation du Saint-Esprit (ὑπὸ Πνεύματος ἁγίου φερὀμεοι) que les saints hommes de Dieu ont parlé[42]. » Il est vrai que Jean Le Clerc, dans l’ouvrage intitulé Sentiments de quelques théologiens de Hollande, a prétendu que c( saint Pierre ne parle proprement que des livres prophétiques, et non pas des histoires ; » mais il n’y a rien dans le discours de l’apôtre qui exige qu’on restreigne ces mots aux seuls livres prophétiques ; son raisonnement devient même plus fort et plus concluant, s’il parle en général de tous les écrivains sacrés, qui, selon l’opinion des Juifs, étaient tous des prophètes. « Je sais, dit Richard Simon, qu’on explique ordinairement ce passage plutôt des livres prophétiques que de toute l’Ecriture en général ; mais si l’on veut un tant soit peu s’appliquer à toute la suite du discours de saint Pierre, on trouvera qu’il parle de l’Ecriture sans restriction, et que le mot prophétie ne doit pas être pris en cet endroit-là pour ce que nous appelons proprement prophétie, mais pour tout le corps de l’Ecriture, qu’on nommait aussi en ces temps-là prophétie, comme les Juifs appellent encore prophéties la plupart des livres historiques de la Bible. Joseph met au nombre de ces prophéties tous les livres de l’Ecriture, parce qu’ils ont été écrits par des prophètes ou personnes inspirées de Dieu. Les Juifs caraïtes comprennent aussi sous le nom de הבּבאה (hanneboua), prophétie, les vingt-quatre livres du Vieux Testament. Et je ne doute point qu’on ne doive prendre en ce même sens dans l’Epître de saint Pierre, ces mots : toute prophétie de l’Ecriture, c’est-à-dire, toute l’Ecriture qui est prophétique ou inspirée. Car les Juifs de ce temps-là croyaient aussi bien qu’aujourd’hui que toute l’Écriture était inspirée : et c’est ce que saint Pierre a voulu marquer dans sa seconde Épître, ou il parle généralement des écrivains sacrés, et non pas des prophètes en particulier, parce que les prédictions touchant le Messie ne sont pas renfermées dans les seuls prophètes[43]. » Saint Paul écrivant à son disciple Timothée, lui dit : « Quant à vous, demeurez ferme dans les choses que vous avez apprises et qui vous ont été confiées, sachant de qui vous les avez apprises, et considérant que vous avez été nourri dès votre enfance dans les lettres sacrées, qui peuvent vous instruire pour le salut, par la foi qui est en Jésus-Christ : car toute l’Ecriture étant inspirée de Dieu, est utile pour s’instruire, pour reprendre, pour corriger, et pour conduire à la justice, afin que l’homme de Dieu soit parfait et disposé à toutes sortes de bonnes œuvres [44]. » Enfin saint Jacques et saint Jude, en citant l’Ancien Testament, supposent partout qu’il a une autorité divine[45].

4. La tradition de l’Église chrétienne prouve encore d’une manière incontestable que l’Ancien Testament est divinement inspiré ; mais comme ce moyen de preuves s’applique aussi aux livres du Nouveau Testament, et qu’il est même le seul qui puisse démontrer complètement l’inspiration, nous en renvoyons le développement à la proposition suivante.


DEUXIÈME PROPOSITION.
Tous les livres du Nouveau Testament sont divinement inspirés.

Nous avons pour garants de la vérité de cette proposition, la tradition de l’Eglise primitive, le témoignage constant de l’Eglise dans tous les temps, enfin le consentement des hérétiques eux-mêmes ; et les difficultés qu’on a élevées contre cette vérité n’affaiblissent en rien la force et l’autorité de ces divers témoignages.

1. La tradition de l’Eglise primitive en faveur de la divinité des livres du Nouveau Testament devient une preuve invincible de leur inspiration, s’il peut être démontré que telle a été sa doctrine, et que c’est des apôtres mêmes qu’elle tenait cet article du symbole de sa foi. Or, il est impossible de conserver le plus léger doute sur la foi de l’Eglise primitive par rapport à l’inspiration du Nouveau Testament, quand on a lu l’Apologie d’Athénagore, la deuxième Apologie de saint Justin, le chapitre x du premier livre de saint Irénée contre les Hérésies, et la préface d’Origène sur son Traité des Principes. Il est également impossible de supposer qu’une doctrine sur laquelle repose tout l’édifice de la religion chrétienne ne soit trouvée dès les premiers temps répandue dans toutes les églises fondées et instruites par les apôtres, sans avoir tiré d’eux seuls sa source et son origine. Mais ce qui paraît incontestable, c’est que les livres du Nouveau Testament, que les premières Eglises ont reçus comme divinement inspirés, leur ont été donnés comme tels par les apôtres eux-mêmes et par leurs disciples. « Lisez, dit saint Clément, l’un des disciples des apôtres, lisez les Ecritures saintes, qui sont les oracles du Saint-Esprit, et soyez bien persuadés qu’elles ne contiennent rien d’injuste, de faux ou de fabuleux[46]. » Saint Irénée voulant prouver, contre les hérétiques, que les quatre Evangiles sont les seuls véritables, donne pour motif qu’ils sont reconnus dans l’Eglise répandue par toute la terre[47]. De même Tertullien voulant établir l’autorité de l’Evangile de saint Luc allègue le consentement unanime de toutes les églises fondées par les apôtres, et des autres églises qui tiraient leur origine de ces dernières[48]. Ces textes démontrent jusqu’à l’évidence que dans l’Eglise chrétienne on n’admettait comme doctrine pure et véritable que celle qui remontait jusqu’aux temps apostoliques ; et la conséquence Immédiate de ce principe, c’est que l’Eglise primitive tenait des apôtres mêmes le dogme de l’inspiration divine du Nouveau Testament.

2. Cette doctrine se retrouve à toutes les époques de l’Eglise chrétienne. Ecoutons les saints Pères, qui sont des témoins irrécusables de la foi de leur temps. Nous avons déjà vu saint Clément, disciple des apôtres, appeler les Ecritures « les oracles du Saint-Esprit. »

Saint Justin, qui vivait au IIe siècle, dit dans sa Seconde Apologie : « qu’il ne faut pas attribuer aux prophètes inspirés ce qu’ils disent, mais qu’il faut le rapporter au Verbe de Dieu qui les inspire ; » et dans son Dialogue contre Tryphon : « qu’il n’y a point de contradiction dans l’Ecriture sainte, et que s’il paraît y’en avoir, c’est que nous ne les entendons pas. » Enfin, dans la Première Exhortation aux gentils il enseigne que les écrivains sacrés n’ont pas eu besoin d’art pour composer, et qu’ils n’ont point écrit dans un esprit de dissension et d’animosité, parce qu’ils n’ont eu qu’à se purifier pour recevoir l’opération du Saint-Esprit, qui, descendant du ciel comme un archet tout divin, s’est servi des hommes qu’il avait choisis pour cela comme d’un instrument de musique, afin de nous révéler la connaissance des choses célestes et divines. »

Saint Irénée, au commencement du iiie siècle, soutient que « nous sommes obligés de croire à l’Ecriture sainte, parce qu’elle est parfaite, étant dictée par le Verbe de Dieu et par son Esprit[49]. » Il dit ailleurs que « dans les livres de Moïse, c’est Moïse qui écrit, mais que c’est Jésus-Christ qui parle : Mosis litteræ, verba sunt Christi[50]. »

Athénagore, apologiste célèbre du même siècle, après avoir dit dans sa Légation adressée aux empereurs Marc-Aurèle, Antonin et Aurèle-Commode, que les prêtres et les sages du paganisme se sont trompés en parlant de Dieu, de la matière et du monde, ajoute : « Mais quant à nous, nous avons pour témoins de nos sentiments et de notre foi les prophètes, qui, étant conduits et éclairés par le Saint-Esprit, ont parlé de Dieu et des choses divines… Est-il juste et digne de la raison dont l’homme a été doué de vouloir décider par des raisons tout humaines d’une foi et d’une religion appuyées sur l’autorité de l’Esprit divin, qui a conduit et donné le mouvement aux prophètes, en se servant de leurs bouches comme on se sert des instruments[51] ? »

On peut citer encore parmi les Pères du IIIe siècle, saint Clément d’Alexandrie qui dit que « c’est la bouche du Seigneur et le Saint-Esprit qui ont prononcé ce qui est dans l’Ecriture[52]. » Tertullien soutient, en plusieurs endroits de ses ouvrages, que les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament sont écrits par l’inspiration du Saint-Esprit. Origène prouve expressément cette vérité dans son Traité des Principes[53] et il remarque, dans son ouvrage contre Celse[54], que « les Juifs et les chrétiens conviennent de cette vérité, que les livres de l’Ecriture sont écrits par l’inspiration du Saint-Esprit. » Saint Cyprien dit en deux mots que c’est le Saint-Esprit qui parle dans les Ecritures : Loquitur in Scripturis divinis Spiritus sanctus[55]. Enfin un ancien auteur qui a écrit contre l’hérésie d’Artémon, et qui est cité par Eusèbe[56], dit formellement que « ceux qui ne croient pas que les livres de l’Ecriture aient été dictés par le Saint-Esprit sont des infidèles. »

Les Pères des siècles suivants ne sont ni moins formels ni moins explicites. « Les oracles des Hébreux, dit Eusèbe, qui vivait au ive siècle, contiennent des prédictions et des réponses divines, et ont une force toute divine, ce qui leur donne une supériorité infinie sur les livres des hommes, et fait connaître que Dieu en est l’auteur[57]. » Vers le même temps saint Athanase, dans le livre de l’Interprétation des Psaumes , adressé à Marcellin, dit : « Toute l’Ecriture de l’Ancien et du Nouveau Testament a été composée par l’inspiration du Saint-Esprit. » La même doctrine a été enseignée par saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint Hilaire, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Epiphane, saint Jean Chrysostome, saint Augustin. Ce dernier Père, en particulier, dit que « le Médiateur a parlé d’abord par les prophètes ; ensuite par lui-même, et enfin par les apôtres… qu’il a aussi composé une Ecriture à laquelle nous ajoutons foi, » etc.[58].

Théodoret, dans sa Préface sur les Psaumes, affirme que « le propre des prophètes est que leur langage soit l’organe du Saint-Esprit, selon qu’il est écrit dans les Psaumes : Ma langue est comme la plume d’un écrivain qui sait écrire très-vite [59]. » Il faut remarquer que Théodoret prend le nom de prophètes dans le sens général d’auteurs inspirés ; il en avertit lui-même.

Saint Grégoire le Grand, qui vivait au VIIe siècle, après avoir rapporté les différents sentiments par rapport à l’auteur du livre de Job, décide ainsi la question : « Il est inutile de rechercher qui a composé ce livre, puisque les fidèles ne doutent pas que le Saint-Esprit n’en soit l’auteur. C’est donc véritablement l’Esprit de Dieu qui l’a écrit, puisqu’il en a inspiré les pensées à l’auteur qui l’a composé, et qu’il s’est servi de ses paroles pour faire passer jusqu’à nous des actions de vertu que nous puissions imiter. Nous passerions sans doute pour ridicules, si, lisant des lettres que nous aurions reçues de quelque grand personnage, nous négligions à la fois, et la personne de l’auteur et le sens de ses paroles, pour nous amuser à rechercher inutilement avec quelle sorte de plume il les aurait écrites. Ainsi, lorsque après avoir su que le Saint-Esprit est l’auteur de cet ouvrage, si nous nous arrêtons à examiner trop curieusement qui est celui qui l’a écrit, que faisons-nous autre chose sinon de disputer de la plume, lorsque nous pouvons profiter utilement des lettres que nous lisons[60] ? » Nous parcourrions le cours des siècles suivants, et toujours nous trouverions les saints docteurs, les écrivains ecclésiastiques, et les théologiens professant la même foi sur l’inspiration du Nouveau Testament.

3. L’accord unanime des hérétiques ajoute une nouvelle force aux différentes preuves que nous venons de donner. Parmi cette foule innombrable de sectes anciennes et modernes, qui se sont séparées de l’Église fondée par Jésus-Christ, et qui toutes se sont plus ou moins acharnées contre elle, pas une seule ne lui a jamais reproché d’avoir introduit de son chef le dogme de l’inspiration divine, et de s’être écartée en cela des institutions de son divin fondateur. Seulement au ive siècle, les anoméens, pressés par la force des témoignages de saint Paul, qu’on leur opposait, ont prétendu que l’Apôtre avait quelquefois parlé comme homme sans être éclairé par l’Esprit divin. Mais cette misérable défaite, inventée par ces hérétiques en désespoir de cause, a eu le sort qu’elle méritait ; elle a été rejetée comme une nouveauté impie et blasphématoire, et bientôt étouffée sous les anathèmes de toutes les églises chrétiennes[61]. Enfin, toutes les fois qu’il s’est élevé des critiques assez hardis pour combattre cette croyance, ils se sont toujours trouvés en opposition avec le sentiment général. Ainsi Spinosa, aussi bien que Toelner et Semler, ont eu contre eux non-seulement tous les catholiques, mais encore toutes les églises protestantes, tous les Grecs schismatiques et toutes les sectes hérétiques de l’Église orientale ; en un mot, ils se sont mis en opposition avec une tradition la plus unanime, la plus constante, la plus universelle et la plus ancienne, puisque aucune origine autre que celle des temps apostoliques ne saurait lui être assignée. Aussi, pour donner la plus légère apparence de vérité à leur erreur, ils s’efforcent de décliner ce tribunal dont ils sentent l’accablante autorité, en recourant à des subterfuges qui ne peuvent en aucune manière contrebalancer le poids de cette autorité, comme on va le voir.


Difficultés proposées contre l’inspiration de l’Ecriture sainte, et Réponses à ces difficultés.

Obj. 1o La tradition, suivant J. D. Michaëlis, se réduit en dernière analyse au témoignage de l’Église primitive : or cette Église n’a aucun moyen d’attester le fait de l’inspiration, qui, étant par sa nature secret et caché aux sens, ne peut être l’objet d’aucun témoignage[62].

Rép. L’inspiration, il est vrai, s’est passée dans l’esprit des écrivains sacrés ; mais, toute secrète qu’elle est, cette inspiration peut avoir été connue des écrivains sacrés eux-mêmes, et manifestée par eux à l’Église : or la preuve évidente qu’ils l’ont réellement manifestée à l’Église primitive, c’est que l’Église a reconnu, dès les premiers temps, les livres du Canon pour inspirés. Car, comme nous l’avons déjà dit, une persuasion aussi unanime, aussi universelle, aussi constante et aussi ancienne, doit avoir nécessairement une cause ; et d’un autre côté, il est manifeste que cette cause ne peut être que la déclaration publique qu’ont faite les apôtres et les autres écrivains sacrés, que leurs écrits étaient divinement inspirés. Ainsi, le témoignage de l’Église primitive n’a pas pour objet immédiat le fait secret de l’inspiration, mais la déclaration publique et solennelle que les apôtres lui ont faite de l’inspiration de leurs écrits. Cependant le fait public de cette déclaration devient lui-même une preuve irrécusable du fait secret de l’inspiration.

Obj. 2o Les écrivains sacrés, disent quelques critiques, avouent eux-mêmes que ce n’est pas sans peine et sans beaucoup de travail qu’ils ont écrit. C’est ainsi que l’auteur du deuxième livre des Machabées dit qu’il n’a pas entrepris un ouvrage qui soit aisé, mais un travail qui demande une grande application et beaucoup de peine (chap. II, vers. 27) ; il va même jusqu’à dire (xv, 39) que si sa narration est bien et telle que l’histoire la demande, c’est ce qu’il souhaite lui-même ; que si au contraire elle est écrite d’une manière moins digne de son sujet, c’est sur lui qu’il faut en rejeter la faute[63]. Rép. L’inspiration telle que nous l’avons définie ({{pag.|14) n’exclut ni le travail ni l’industrie des écrivains sacrés, puisqu’elle ne fait que déterminer leur volonté à écrire, en éclairant leur entendement de manière à les préserver de toute erreur ; ce qui suffit pour donner à leurs écrits le sceau de l’autorité divine. Et si l’auteur du deuxième livre des Machabées sollicite l’indulgence de ses lecteurs, c’est qu’il suppose uni- quement qu’il a pu ne pas toujours observer en composant son ouvrage les règles du genre historique, ou que son style peut bien n’être pas assez élégant, mais nullement qu’il ait pu commettre des erreurs de fait dans ce qu’il rapporte.

Obj. 3o Plusieurs rationalistes allemands prétendent que Jésus-Christ et les apôtres étant Juifs, ont appelé les Ecritures de l’Ancien Testament divines non point dans le sens d’inspirées, mais dans l’acception que ce mot avait chez le peuple juif, celle de livres contenant une doctrine excellente et qui venait de Dieu.

Rép. Mais nous ne pouvons mieux juger du sentiment des Juifs qui vivaient du temps de Jésus-Christ et des apôtres que par les témoignages de Joseph et de Philon, auteurs contemporains : or il est impossible, quand on a lu leurs textes tels que nous les avons rapportés, de ne point reconnaître que les Juifs entendaient par l’autorité divine de leurs livres, l’inspiration proprement dite, et qu’ils n’attachaient nullement à cette expression le sens large que les rationalistes voudraient lui attribuer. Et d’ailleurs si, contre toute évidence, on voulait trouver encore quelque obscurité dans le sentiment de ces deux auteurs, les témoignages clairs et nombreux que nous fournissent les Talmuds et les anciens rabbins suffiraient pour la dissiper entièrement.

Obj. 4o Le témoignage de Jésus-Christ et des apôtres, disent d’autres rationalistes, ne prouve rien en faveur de l’inspiration ; les arguments que Jésus-Christ et les apôtres tiraient de l’inspiration des Ecritures n’étaient que des arguments dits ad hominem ; car, puisque, selon l’opinion assez commune, les apôtres ont pu argumenter d’après certains sens que les Juifs donnaient aux prophéties de l’Ancien Testament, sans

néanmoins les approuver, pourquoi n’auraient-ils pas pu argumenter également d’après l’inspiration de l’Ecriture, sans toutefois l’admettre ?

Rép. Avant de répondre directement à cette objection, nous ferons observer que ce n’est que très-rarement qu’on recourt à ce genre d’argumentation, et que Jésus-Christ et les apôtres citant continuellement l’Ecriture dans tous leurs discours, il faudrait supposer qu’ils étaient toujours en opposition aux lois ordinaires du langage, supposition aussi gratuite que ridicule. Disons maintenant 1o que quand on emploie les arguments ad hominem, on doit faire connaître par la suite des choses, ou par un avertissement exprès, que c’est de cette manière que l’on argumente, surtout quand le principe que l'on suppose est une erreur fondamentale qu’on est obligé de combattre ; 2o qu’on ne doit point se servir d’une fausse doctrine vis-à-vis de ceux qui ne l’admettent pas ; 3o que quand on établit des points de doctrine, ou des préceptes de morale, ce ne doit jamais être sur une erreur fondamentale. Ce sont là autant de lois sacrées, que la raison et l’équité naturelles prescrivent à tout moraliste. Voilà pourtant les lois que Jésus-Christ et les apôtres auraient violées, si l’opinion que nous combattons avait quelque fondement ; car 1o ils ne nous ont donné aucun signe pour distinguer leur véritable sentiment, quoique la doctrine qu’ils supposaient fût une erreur fondamentale, qu’ils devaient expressément rejeter ; 2o saint Paul a supposé l’inspiration de l’Ecriture en disputant contre les gentils, qui ne l’admettaient pas, et la tradition nous apprend que les apôtres ont enseigné aux églises à s’en servir indistinctement contre tous les ennemis de la religion chrétienne, soit Juifs, soit païens ; 3o enfin, saint Paul exhortant Timothée, son disciple, à la lecture de l’Ecriture sainte, lui donne pour motif principal l’inspiration de cette même Ecriture[64], inspiration que nos adversaires regardent comme une erreur capitale, qui jusqu’à eux a empêché les hommes d’entrer dans le sens des livres sacrés.

Obj. 5o On objecte encore qu’il est impossible de regarder comme divinement inspiré un ouvrage qui contient des faussetés et des contradictions.

Rép. Mais a-t-on démontré jusqu’ici, de manière à satisfaire un esprit raisonnable, l’existence d’une seule de ces prétendues faussetés ? Quant aux contradictions, elles ne sont qu’apparentes. Les rationalistes d’Allemagne se vantent d’en avoir fait disparaître eux-mêmes un grand nombre ; et il faut en convenir, malgré les erreurs capitales où les ont entrainés leurs faux principes d’exégèse et d’herméneutique, leur érudition profonde dans les langues et les sciences orientales leur a fait expliquer d’une manière satisfaisante beaucoup de passages qui, par leur obscurité, déconcertaient la critique la plus consciencieuse. Or, ces premiers résultats prouvent que de nouveaux efforts et des recherches plus approfondies diminueront encore le nombre de ces prétendues difficultés, et que nous devrons attribuer uniquement à notre ignorance de ne pouvoir expliquer les autres.

Obj. 6o Tous les peuples ont des livres qu’ils regardent comme divins et sacrés : ainsi les Perses veulent trouver une révélation divine dans leur Zend-Avesta, les Indiens dans leur Véda et leur Ezour-Véda, les Chinois dans leurs cinq Kings, les Mahométans dans leur Coran, les Rabbanites dans le Talmud. Or, il est évident que ces livres n’ont rien de divin. Comment donc se persuader que les livres sacrés des chrétiens aient, sous ce rapport, le privilège exclusif qu’on prétend leur accorder ?

Rép. « La stupidité de ces peuples, dit J. H. Janssens[65], qui ont souffert que d’habiles charlatans répandissent parmi eux tous les livres dont nous venons de parler, est cause qu’ils passent dans leur esprit pour sacrés et pour divins. Rien ne prouve qu’ils aient été inspirés ; ensuite la doctrine qu’ils contiennent, tantôt ridicule, tantôt superstitieuse, tantôt évidemment erronée, puisqu’elle enseigne le polythéisme, démontre clairement que ces livres sont l’œuvre des imposteurs qui les ont répandus. Ce qui achève de les discréditer, c’est qu’aucun personnage célèbre par des miracles ou par des prophéties n’a regardé ces livres comme divins.

« Le débauché Mahomet avait coutume de répondre aux habitants de la Mecque, aux Juifs et à d’autres qui le pressaient de confirmer sa mission par des miracles, qu’on n’avait pas toujours cru aux miracles, ou qu’il n’était pas envoyé pour faire des prodiges, mais pour prêcher ; à moins toutefois qu’on ne veuille prendre pour des miracles, comme l’ont fait quelques auteurs, l’histoire de cette colombe qui s’approchait. de Mahomet et lui parlait à l’oreille, jonglerie qui ne demandait pas un grand art, ou celle du chameau qui s’entretenait avec lui pendant la nuit, et ne parlait qu’à lui seul, sans doute après qu’il avait pris la sage précaution d’écarter tout témoin ; à moins enfin qu’on ne vienne aussi nous opposer ce fameux tour de force, par lequel il cacha dans sa manche une portion considérable de la lune, qu’il voulut bien ensuite restituer à cette planète, pour réparer la brèche qu’il lui avait faite ; absurdités qui se réfutent d’elles-mêmes.

» Voyez maintenant dans quelles vues Mahomet compose le Coran ! « Pour plaire aux Juifs, dit Léonard Fræreisen[66], il rejette la Trinité des chrétiens, se rendant ainsi agréable aux ariens, et il garde leur circoncision. Pour se faire bien venir des philosophes, il préfère le polythéisme, ou plutôt le stoïcisme, au déisme. Pour se donner un air de sainteté, il prohibe l’usage du vin. Pour gagner les cœurs par le prestige de l’espérance, il promet aux hommes les Champs-Elysées après la mort. Afin d’être en état de fournir aux besoins de ses partisans ou de ses complices, il ramasse de toutes parts, sous couleur d’aumône, des sommes immenses. De peur d’offenses les chrétiens, il décerne les noms les plus pompeux à Jésus-Christ et à ses apôtres, il leur prodigue les éloges, il établit enfin tous ses préceptes sur le profit qu’il peut en retirer pour le succès de ses desseins ambitieux, » etc.

» Mais si les chrétiens, continue Janssens, regardent leurs livres saints comme divinement inspirés, c’est qu’ils les ont reçus comme tels de Jésus et des apôtres, qui ont appuyé leur mission divine par de vrais miracles et d’authentiques prophéties. »


QUESTION DEUXIÈME.
L’inspiration s’étend-elle à toutes les parties de l’Ecriture, même à celles qui ne concernent ni la foi, ni les mœurs ?

Quelques auteurs, même parmi les catholiques, n’ont pas fait difficulté de soutenir que l’Esprit saint n’a ni inspiré, ni même favorisé de son assistance spéciale les écrivains sacrés dans les choses qui n’ont point de rapport à la religion. Henri Holden, entre autres, dit, dans son Analyse de la foi chrétienne, ouvrage d’ailleurs fort estimable : « La quatrième chose est que le secours spécial accordé à l’auteur de chaque livre reçu dans l’Eglise pour la parole de Dieu, ne s’étend qu’aux choses qui sont purement doctrinales ou qui ont un rapport prochain et nécessaire avec la doctrine ; mais dans les choses qui ne sont point du dessein de l’auteur et qui se rapportent ailleurs, nous croyons que Dieu ne les a assistés que comme il assiste les autres écrivains qui ont beaucoup de piété[67]. »

PROPOSITION.
L’inspiration s’étend à toutes les parties de l’’Ecriture, même à celles qui ne concernent ni la foi ni les mœurs.

Quoiqu’il ne soit point de foi que tout absolument dans l’Ecriture ait été divinement inspiré, on peut dire qu’il y a de la témérité et trop de hardiesse à soutenir le contraire.

1. Les faits, même ceux qui au premier abord paraissent n’avoir qu’un rapport éloigné avec la doctrine, forment la partie la plus considérable de l’Ecriture sainte.

2. Lorsque Jésus-Christ et les apôtres ont attribué aux livres saints une autorité divine, ils l’ont fait sans aucune restriction. Bien plus, saint Paul rapporte à la doctrine tout ce qui est contenu dans l’Ecriture sainte : « Tout ce qui est écrit, dit ce grand apôtre, a été écrit pour notre instruction[68]. »

3. L’opinion qui restreint ainsi l’inspiration divine a été tout à fait inconnue dans la primitive Eglise.

4. Dans combien de circonstances ne serait-on pas exposé à prendre le change, en regardant comme étrangers à la doctrine des faits qui s’y rattacheraient pourtant, même d’une manière directe ?

5. Le concile de Trente, en supposant qu’il ne tranche pas entièrement la question, favorise singulièrement notre sentiment. Voici ses propres paroles. « Que si quelqu’un ne reçoit pas pour sacrés et canoniques tous ces livres entiers avec tout ce qu’ils contiennent, et tels qu’ils sont dans l’ancienne édition vulgate latine… qu’il soit anathème[69]. » Ainsi on peut tenir pour certain que tout ce qui est contenu dans l’Ecriture a été divinement inspiré.


Difficultés qu’on oppose à ce sentiment, et Réponses à ces difficultés.

Obj. 1o L’Ecriture n’ayant d’autre fin que de nous instruire de la religion, et non, point des vérités humaines, qu’il n’est pas nécessaire de savoir, il n’y a nulle apparence que Dieu soit intervenu dans les choses purement humaines.

2o Les apôtres n’étaient pas infaillibles dans tout ce qu’ils disaient, mais seulement dans ce qu’ils prêchaient touchant la doctrine et les mœurs ; pourquoi ne pas faire la même distinction par rapport à leurs écrits ?

3o N’est-il pas indigne du Saint-Esprit d’accorder son secours divin pour des choses triviales ? Peut-on dire, par exemple, que c’est par son inspiration que saint Paul écrit à Timothée de lui apporter le manteau qu’il avait laissé à Troade chez Carpus, et lui mande qu’il n’y avait que saint Luc qui fût pour lors avec lui ? Fallait-il également être divinement inspiré pour l’informer qu’il avait laissé Trophime malade à Milet ?

4o On remarque souvent dans les livres saints que les auteurs ne sont pas certains au juste de ce qu’ils avancent : de là cette expression d’hésitation et de doute dont ils font usage, environ, à peu près. Mais si l’Esprit leur avait dicté les choses qu’ils écrivaient, les aurait-il laissés dans l’incertitude ?

5o On y remarque encore des opinions fausses ou dont il est permis de douter, comme celles-ci, que le soleil s’arrêta, que les cieux sont solides, etc.

6o Il y a des fautes de mémoire dans les citations de l’Ecriture sainte. Ainsi il arrive quelquefois aux apôtres et aux évangélistes de rapporter les prophéties dans d’autres termes, ou de citer un prophète pour un autre ; ce qui ne peut se concilier avec l’inspiration.

7o Les apôtres reconnaissent qu’ils parlent quelquefois non par l’inspiration du Saint-Esprit, mais d’eux-mêmes. Ainsi saint Paul, dans sa première Epître aux Corinthiens, ch. x, vers. 10, 12, oppose ce que le Seigneur commande, à son propre conseil : « Quant à ceux qui sont maris, ce n’est pas moi, mais le Seigneur qui leur fait ce commande- ment : Que la femme ne se sépare point de son mari. Pour ce qui est des autres ce n’est pas le Seigneur, mais c’est moi qui leur dis. » On peut ajouter que saint Paul se repent, dans sa seconde Epitre, de ce qu’il avait écrit dans sa première, et qu’il avoue qu’il parle comme un insensé en rapportant ses révélations.

8o Les apôtres ont été sujets à erreur, même depuis la descente du Saint-Esprit ; car saint Pierre s’est trompé en voulant soumettre les gentils à des observations judaïques. Pour décider la question de l’observation de la loi, il fallut une assemblée ; donc chacun des apôtres, pris séparément, n’était pas suffisamment inspiré pour la décider ? De plus, l’Eglise même entière, de l’aveu de tout le monde, peut errer sur les faits et dans les matières qui n’appartiennent pas à la religion. Enfin, il n’y a que Jésus-Christ, la vérité même, qui ne soit point sujet à lerreur dans aucun cas.

Rép. Ces objections, quelque spécieuses qu’elles soient au premier abord, ne peuvent pourtant pas l’emporter sur le témoignage formel de Jésus-Christ en faveur de l’inspiration de tout ce qui est contenu dans les livres saints, ni sur celui de Saint Paul, qui n’est pas moins précis à comme nous venons de le voir, ni enfin sur l’autorité des Pères, qui, d’un consentement unanime, ont enseigné que l’Ecriture sainte, sans restriction ni exception aucune, est la parole de Dieu. Mais examinons cependant ces objections, et voyons si elles sont bien fondées.

1o La première porte sur un raisonnement tout à fait faux. Il est vrai que le but principal de l’Ecriture est de nous instruire des vérités de la religion ; mais s’ensuit-il que les écrivains sacrés n’aient pas été portés par le mouvement et l’impulsion du Saint-Esprit à composer les autres parties de leurs ouvrages ? S’ensuit-il encore qu’il puisse y avoir des faussetés mêlées avec les vérités de la religion ? Au contraire, c’est parce qu’elle nous instruit des vérités de la religion, qu’il faut nécessairement qu’il n’y ait pas d’erreurs mêlées parmi les choses véritables ; autrement le faux serait un préjugé contre le vrai, l’erreur pourrait faire douter de la vérité, et alors toute l’autorité des livres saints se réduirait à rien, et tomberait en ruines.

2o La seconde objection suppose qu’il en est des écrits des apôtres comme de leurs discours ; cependant il y a une grande différence. Pour que les apôtres eussent été infaillibles dans toutes leurs conversations. il aurait fallu que le Saint-Esprit les inspirât perpétuellement et les dirigeât dans leurs pensées, dans leurs paroles et dans leurs actions. Dans ce cas, ils eussent été impeccables ; cependant ils ne l’étaient pas, et il n’était pas nécessaire qu’ils le fussent, parce que leurs prédications étant assez distinguées de leurs conversations familières, on ne pouvait s’y tromper, et les fautes ou les erreurs qu’ils pouvaient commettre dans le commerce de la vie n’avaient rien de commun avec leur doctrine. Il n’en est pas de même de leurs écrits ; ils ont été composés pour l’instruction de l’Eglise, ils devaient servir de règle pour la foi des chrétiens, et être considérés dans l’Eglise comme des livres divins.

3o La troisième a déjà été proposée au temps de saint Jérôme ; ce grand docteur en fait l’exposition dans sa Préface sur l’Epître de saint Paul à Philémon, et sa réponse, qui est sans réplique, sera aussi la nôtre. Nous dirons donc avec lui qu’il n’est nullement indigne de l’Esprit saint de diriger esprit des hommes de manière à ce qu’ils ne commettent point d’erreurs même dans les moindres choses. Tout n’est pas également important, sans doute, dans les saintes Ecritures ; mais il n’y a rien qui soit d’une inutilité absolue ; les traits les moins importants en apparence tiennent ou à l’intégrité et à la simplicité du récit, ou à la liaison des choses.

4o La quatrième n’offre aucune difficulté sérieuse. Ces expressions dubitatives environ, à peu près, ne prouvent nullement que les auteurs qui s’en sont servis n’étaient point inspirés. Ce sont des manières de parler reçues dans le langage ordinaire des hommes. Le Saint-Esprit savait bien le nombre au juste, mais il n’a pas voulu le révéler aux écrivains ; il a jugé qu’il était plus naturel de les laisser parler comme on parle communément, et comme ils auraient parlé d’eux-mêmes.

5o La cinquième se résout aisément par cette simple réflexion, que l’Ecriture sainte n’ayant point pour but de nous apprendre les vérités philosophiques, a parlé de ces choses à la manière dont les hommes en parlent ordinairement. C’est la remarque de saint Augustin, qui sur cette question s’exprime en ces termes : « Pour le dire en un mot, nos auteurs ont su touchant la figure du ciel ce qui est véritable ; mais l’Esprit de Dieu, qui parlait par eux, n’a pas voulu enseigner ces choses aux hommes, parce qu’elles leur étaient inutiles pour leur salut[70]. » Ainsi l’Esprit saint ayant laissé les écrivains sacrés parler sur ces objets comme on en parle ordinairement, on n’est pas plus en droit de les accuser de fausseté, qu’on ne le serait d’accuser d’erreur ou de mensonge les coperniciens et les cartésiens, qui, dans leurs discours ordinaires, parlent du mouvement de la terre et de âme des bêtes comme les autres philosophes, quoiqu’ils pensent tout autrement.

6o La sixième objection renferme deux parties distinctes : la première, que les apôtres et les évangélistes n’ont pas toujours rapporté les prophéties dans leurs propres termes ; la seconde, qu’ils citent quelquefois un prophète pour un autre. Nous répondons, premièrement : qu’il est vrai que les apôtres et les évangélistes n’ont pas toujours cité les propres paroles des prophètes ; ils en ont même changé l’ordre, mais ils en ont retenu le sens ; cela suffisait à leur dessein. Il n’y a là ni faute de mémoire ni erreur véritable. Nous répondons en second lieu que les raisons qu’on allègue pour montrer que les écrivains du Nouveau Testament se sont trompés en citant un prophète pour un autre, n’ont aucun fondement : c’est le sentiment de saint Jérôme et de saint Augustin.

7o La septième n’est fondée que sur une équivoque de mots : quoique le Saint-Esprit inspirât les apôtres dans tout ce qu’ils écrivaient, il y a cependant des choses qu’ils ordonnaient de la part de Dieu, et d’autres qu’ils établissaient ou conseillaient d’eux-mêmes. Les premières sont des commandements de droit divin, les autres sont des préceptes humains ou des conseils, mais ces préceptes et ces conseils donnés par les apôtres étaient également inspirés de Dieu. Ainsi, pour bien comprendre le sens des paroles de saint Paul, il faut remarquer que ce saint apôtre appelle précepte ou commandement du Seigneur, ce que Jésus-Christ a ordonné ou prescrit dans l’Evangile, et il reconnaît ensuite qu’outre ces préceptes, les apôtres peuvent donner des conseils qui ne sont pas dans l’Evangile, c’est-à-dire dans les instructions que Notre-Seigneur donnait à ceux qui avaient le bonheur de l’entendre. Mais ces conseils donnés par saint Paul ou par les autres apôtres venaient aussi du Saint-Esprit, et étaient inspirés, surtout lorsqu’ils les donnaient dans des lettres écrites par inspiration : et c’est ce que saint Paul marque assez lorsque après avoir conseillé aux femmes de ne point se remarier, parce qu’en suivant ce conseil elles seront plus heureuses, il ajoute : « Et je crois que j’ai aussi en moi l’Esprit de Dieu[71]. » C’était par une inspiration particulière que l’Apôtre donnait des conseils si sages, et lorsqu’il les mettait par écrit dans ses lettres adressées aux fidèles, ils devenaient partie des Ecritures divines. Or toute Ecriture sacrée est divinement inspirée et utile pour enseigner et instruire.

Quant aux deux passages de la deuxième Epître aux Corinthiens, il n’est pas difficile d’y répondre. D’abord saint Paul ne se repent point, à proprement parler, d’avoir repris les Corinthiens, puisque la correction et la réprimande qu’il leur avait faites étaient devenues si utiles ; mais il veut dire qu’il s’en était attristé, en prenant part à la tristesse qu’ils en avaient ressentie ; semblable à un père qui, voyant la tristesse dont son fils est accablé lorsqu’il a été repris et corrigé, ressent lui-même, en quelque manière par contre-coup, la tristesse de son fils ; mais il a de la joie de voir que ce fils étant touché, se trouve dans l’heureuse disposition de changer de conduite.

En second lieu, lorsqu’il semble reconnaître qu’il agit et qu’il parle en insensé, il veut seulement faire entendre que, quoique en général ce soit une espèce de folie de se glorifier, il est néanmoins obligé de relever la dignité de son ministère et ses travaux apostoliques ; ce qui est une chose utile pour l’édification des fidèles, lorsqu’on se voit obligé d’en venir là, et ce qui serait une espèce de folie, si l’on n’était point contraint de le faire.

8o Enfin nous répondons à la huitième objection, que nous ne prétendons pas que les apôtres aient été infaillibles en toutes choses. En avouant même que saint Pierre a pu se tromper, quoique, comme Tertullien l’a remarqué, ce qu’on lui reproche soit plutôt une faute de conduite qu’une erreur de doctrine : Conversationis vitium fuit, non prœdicationis ; en reconnaissant que dans les difficultés qui se présentaient les apôtres pouvaient se confirmer et s’éclairer mutuellement, il n’y a là rien qui empêche qu’ils n’aient été inspirés chacun dans ses propres écrits. Il faut bien remarquer que le Saint-Esprit, qui a agi en eux, n’a pas voulu leur révéler certaines choses immédiatement et sans les secours ordinaires : au contraire, il a voulu qu’ils s’en servissent, et c’est par cette voie qu’il les a conduits à la vérité. Or, un de ces moyens naturels les plus efficaces était de conférer entre eux sur les contestations qui pouvaient s’élever, et de décider ensuite la chose d’un commun accord : c’est aussi celui que les apôtres employèrent ; mais ils ne se crurent pas par là privés du secours de l’Esprit saint : ils déclarèrent, au contraire, qu’ils ne décidaient la question qui était en litige que par la divine inspiration : Visum est Spiritui sancto et nobis.

Il est vrai que l’Eglise peut errer sur les faits et dans les matières qui n’appartiennent pas à la religion ; car elle n’est que la dépositaire de la doctrine qu’elle a reçue de Jésus-Christ et de ses apôtres : elle n’a plus de nouvelle révélation authentique et publique ; mais il n’en est pas de même de l’Ecriture sainte, qui, comme nous l’avons déjà observé, a été écrite par l’inspiration de Dieu, pour être une règle infaillible de la vérité et de la foi des chrétiens.

Enfin, il est vrai que Jésus-Christ, la vérité même, est seul infaillible par lui-même ; mais les hommes peuvent recevoir le don de l’infaillibilité par grâce, par inspiration, et par l’assistance spéciale et la direction du Saint-Esprit. Or c’est le cas des apôtres et de tous les autres écrivains sacrés, comme nous l’avons démontré par des preuves dont ces objections ne diminuent en rien ni la force ni la solidité.


QUESTION TROISIÈME.
La simple assistance n’a-t-elle pas suffi aux écrivains sacrés dans certaines parties de leurs ouvrages, et l’inspiration doit-elle s’étendre jusqu’aux mots dont ils se sont servis ?

On s’était borné jusqu’au IXe siècle à soutenir que l’Ecriture sainte était divinement inspirée ; mais Agobard, archevêque de Lyon, qui vivait à cette époque, ayant examiné de plus près la question de l’inspiration, soutint, dans une lettre écrite à un certain Frédégise, que l’Esprit saint n’avait point dicté aux prophètes et aux apôtres les termes et les expressions dont ils s’étaient servis.

En 1586, les pères jésuites Lessius et Hamelius défendirent, dans des thèses soutenues à Louvain, les propositions suivantes :

I. Ut aliquid sit Scriptura sacra, non est necessarium singula ejus verba inspirata esse à Spiritu sancto.

II. Non est necessarium ut singulæ veritates et sententiæ sint imme- diatè à Spiritu sancto ipsi scriptori inspiratæ.

III. Liber aliquis, qualis fortassè est secundus Machabæorum, humanâ industriâ sine assistentià Spiritûs sancti scriptus, si Spiritus sanctus posteà testetur ibi nihil esse falsum, efficitur Scriptura sacra.

Dès l’année suivante et en 1588, les facultés de théologie de Louvain et de Douai censurèrent ces propositions. Les docteurs de Louvain les condamnèrent in globo sur le motif qu’elles semblaient approcher de l’ancienne hérésie des anoméens, qui prétendaient que les prophètes et les apôtres avaient souvent parlé comme des hommes ordinaires : Tres illæ assertiones accedere videntur ad damnatam olim anomæorum opinionem, qui prophetas et apostolos in multis volebant ut homines fuisse locutos ; mais ceux de Douai appliquèrent une censure à chaque proposition en particulier. Ces condamnations n’empêchèrent pas Lessius, Hamelius et plusieurs autres pères jésuites de soutenir cette opinion ; et Corneille Lapierre, en particulier, a enseigné depuis que l’inspiration n’a pas été nécessaire aux écrivains sacrés pour écrire les histoires ou les exhortations qu’ils avaient apprises, soit en les voyant, soit en les entendant, soit par la lecture ou la méditation, et que la simple assistance leur avait suffi dans ces circonstances. R. Simon s’est déclaré le défenseur de ces opinions[72]. Pour nous, qui ne les admettons pas toutes indistinctement, nous croyons devoir établir, comme plus probables, les propositions suivantes.


PREMIÈRE PROPOSITION.
La simple assistance n’a suffi aux auteurs sacrés dans aucune partie de leurs ouvrages.

1. Quand les écrivains sacrés et les pères de l’Eglise ont parlé du secours surnaturel qui a aidé les auteurs de l’Ecriture dans la composition de leurs ouvrages, ils ont appliqué ce secours à l’Ecriture en général, sans faire la moindre restriction, sans excepter la plus légère partie. Ainsi, quand Jésus-Christ et les apôtres ont appelé l’Ancien Testament Loi divine, Ecriture divine, oracles de l’Esprit saint ; quand tous les docteurs de la religion chrétienne, en parlant de l’Ancien et du Nouveau Testament, n’ont cessé de répéter que les Ecritures étaient les instruments, les organes du Saint-Esprit, des plumes de l’Esprit divin, des cordes mues par un divin archet, ils n’ont établi aucune distinction, ni entre les différents livres dont se compose le corps sacré des Ecritures, ni dans aucune partie quelconque de ces livres. Enfin, quand saint Paul a déclaré lui-même que toute l’Ecriture est divinement inspirée ; quand la tradition, fidèle interprète des sentiments du grand Apôtre, n’a jamais donné lieu à restreindre l’inspiration à certaines portions plus ou moins considérables de l’Ecriture, il y a, ce nous semble, bien de la hardiesse et de la témérité à vouloir se contenter dans quelques parties de la simple assistance de l’Esprit saint. Cela ne serait permis qu’autant que la simple assistance remplirait les conditions de l’inspiration proprement dite ; car évidemment nous n’avons aucun droit d’admettre une espèce de secours qui ne remplirait point la force et l’énergie des termes employés par les écrivains sacrés, et qui ne répondrait nullement aux sentiments et aux expressions des pères. Or, la simple assistance, sous quelque rapport qu’on l’envisage, est inférieure à l’inspiration, puisqu’elle a pour but unique de diriger l’entendement de l’écrivain sacré dans l’usage de ses facultés, de telle sorte qu’il ne commette aucune erreur, tandis que l’inspiration influant de plus sur sa volonté, le pousse et le détermine à écrire. Ainsi, dans la simple assistance, c’est l’écrivain qui s’est déterminé à écrire librement et indépendamment de tout secours surnaturel, tandis que dans l’inspi- ration, c’est Esprit saint lui-même qui est l’auteur de sa détermination. Voici une autre différence non moins frappante. Dans l’inspiration, Dieu dicte ou suggère à l’écrivain sacré qu’il anime de son souffle divin (c’est l’expression dont s’est servi saint Paul, θεόπνευστος) au moins le fond de ce qu’il doit dire, et le conduit de telle manière que non-seulement il ne peut tomber dans la moindre erreur ou la plus légère surprise, mais que tout ce qu’il écrit est la pure parole de Dieu, et a Dieu pour auteur ; mais dans la simple assistance, l’Esprit saint ne dicte rien, ne suggère rien : il empêche seulement que l’écrivain qui en est favorisé ne fasse un mauvais usage de ses lumières. Ainsi c’est moins une illumination de l’entendement qu’un secours externe de providence qui veille à ce que l’écrivain ne tombe dans aucune erreur ; de sorte qu’avec ce seul secours, tout ce qu’il dit reste sa propre parole ; parole infaillible, il est vrai, mais qui n’a que l’homme pour auteur.

2. S’il y avait dans l’Ecriture des endroits composés sous la simple assistance, il y aurait donc des parties qui seraient inspirées et d’autres qui ne le seraient pas, et qui par conséquent ne pourraient pas être dites la parole de Dieu, et seraient tout simplement des paroles humaines : or ce mélange de paroles de Dieu et de paroles humaines, loin de trouver le moindre fondement dans les auteurs sacrés et dans la tradition, se trouve en opposition formelle avec ces deux autorités, qui affirment expressément que toute l’Ecriture a été divinement inspirée, et que toute entière elle est la parole de Dieu.

3. Si dans la composition de leurs ouvrages les écrivains sacrés n’avaient eu pour tout secours que la simple assistance, quelle différence mettrait-on entre leurs écrits et les décisions des conciles œcuméniques ? Cependant la tradition et l’Eglise elle-même en reconnaissent une immense. Les Ecritures sont à leurs yeux la parole de Dieu même, tandis qu’elles ne regardent les décrets de ces conciles que comme l’explication purement humaine, quoique infaillible, de cette divine parole.

4. Si la simple assistance ne suffit pas pour qu’un ouvrage soit réputé Ecriture sainte, il ne peut, à plus forte raison, devenir la parole de Dieu, quand il a été composé sans ce secours et par une industrie toute humaine. L’Eglise, assistée elle-même par le Saint-Esprit, ne peut déclarer par ses décisions que ce qui a été fait ; et il n’est pas en son pouvoir de changer la nature d’un livre ; elle le fait connaître pour ce qu’il est ; mais, en l’approuvant, elle ne peut pas faire qu’il ait été composé par l’Esprit saint, s’il ne l’a pas été réellement. Or, on a toujours et généralement entendu par Ecriture sainte un ouvrage composé par l’Esprit saint. Ainsi l’Eglise ne pourra jamais faire qu’un écrivain qui, en composant son livre, n’a été mu que par son seul et propre esprit, ait été cependant mu par l’Esprit saint ; ce qui signifie, en d’autres termes, qu’un ouvrage qui n’a été composé que par une industrie purement humaine ne saurait jamais être la parole de Dieu dans le sens que Jésus-Christ, les apôtres, les pères, et l’Eglise elle-même, ont toujours attaché à cette expression, quand ils l’ont appliquée à l’Ecriture sainte.


DEUXIÈME PROPOSITION.
L’inspiration ne s’étend pas jusqu’aux mots dont les écrivains sacrés se sont servis dans la composition de leurs ouvrages..

Les autorités si nombreuses et si imposantes que nous avons citées dans les deux questions précédentes en faveur de l’inspiration des écrivains de l’Ancien et du Nouveau Testament, ne sont pas assez claires et assez précises sur l’étendue de cette inspiration, pour qu’on puisse prononcer avec certitude qu’elle s’étend ou ne s’étend pas jusqu’aux expressions dont se sont servis les écrivains sacrés. De là les théologiens et les interprètes, divisés comme en deux camps, se sont déclarés les uns pour, les autres contre l’inspiration verbale. Pour nous, quoique fort éloignés de condamner l’opinion contraire, nous regardons comme plus probable que l’inspiration ne s’étend pas jusqu’aux mots, et voici les raisons sur lesquelles nous fondons notre sentiment.

1. On ne serait fondé à admettre l’inspiration verbale qu’autant qu’elle serait nécessaire pour établir la vérité et l’infaillibilité de l’Ecri- ture, et pour prouver qu’elle est la parole de Dieu. Or, l’Ecriture peu avoir ces deux caractères indépendamment de l’inspiration verbale. Il suffit en effet que toutes les pensées en soient inspirées, et que l’Esprit saint ait veillé par un secours spécial à ce que l’écrivain sacré employât les termes convenables pour exprimer exactement les vérités qui lui étaient suggérées. Si toutefois on veut exiger de plus le secours de l’inspiration verbale, il faudra nécessairement dire que les différentes Eglises du monde chrétien n’ont pas la parole de Dieu, puisqu’elles ne possèdent que des versions écrites dans des langues diverses, et par conséquent dans des termes tout autres que ceux qui sont sortis de la plume des auteurs sacrés.

2. La grande différence de style qu’on trouve soit dans les oracles des prophètes, soit dans les écrits des apôtres et des évangélistes, est encore une preuve assez forte contre l’inspiration verbale. Chacun d’eux écrit selon son génie, son éducation et le siècle où il vit. Isaïe, comme le remarque saint Jérôme, d’une naissance distinguée, élevé à la cour des rois, a un style poli, noble, majestueux, digne en un mot de son éducation ; Amos, au contraire, né dans l’humble chaumière des bergers, et qui a grandi parmi les troupeaux, ne retrace dans ses tableaux et ses comparaisons que les images de la vie champêtre[73]. Saint Luc, habile dans la langue grecque, écrit assez purement, tandis que saint Paul, élevé, comme il le dit lui-même, aux pieds du juif Gamaliel, parle un grec dur et presque barbare. Enfin, saint Jean est diffus et tombe parfois dans la tautologie, tandis que saint Pierre se fait remarquer par un style concis et serré. Or n’est-il pas plus naturel d’attribuer cette différence dans la manière d’écrire aux talents divers des écrivains, que de recourir gratuitement au miracle, en voulant que l’Esprit saint se soit ainsi joué à produire de lui-même, et à l’insu des écrivains sacrés, une diversité de langage si conforme à leur caractère et si bien assortie à leurs divers talents ?

3. Enfin la manière différente dont les évangélistes rapportent souvent les paroles de Jésus-Christ semble nous autoriser à rejeter la nécessité de l’inspiration verbale. Car, en admettant, ce qui est incon- testable, que les évangélistes ont rapporté fidèlement ce que l’Esprit saint leur dictait, comment justifier cette diversité d’expressions ? Dira-t-on qu’elle est l’œuvre de l’Esprit saint lui-même ? Mais alors nous n’avons plus les paroles de Jésus-Christ dans les passages de l’Evangile où elles sont diversement rapportées ; car ces divines paroles n’étant plus celles de Jésus-Christ que quant au sens, et ce sens ne suffisant pas, selon les partisans de l’inspiration verbale, il en résulte nécessairement que ces passages de l’Evangile ne renferment plus les propres paroles de Jésus-Christ, ce qui est formellement contraire au langage commun de l’Eglise.


Difficultés qu’on oppose à ce sentiment, et Réponses à ces difficultés.

Obj. 1o L’inspiration verbale ayant été admise par les rabbins et les pères de l’Eglise qui se sont le plus livrés à l’étude de l’Ecriture sainte, il y a de la témérité à la rejeter.

2o Saint Paul nous enseigne que toute l’Ecriture est divinement inspi- rée : or cette sentence doit s’appliquer, pour être vraie, aussi bien aux mots qu’aux choses contenues dans l’Ecriture.

3o Toute l’Ecriture est non-seulement la pensée, mais encore la parole de Dieu : or, comment pourrait-elle être la parole de Dieu, si Dieu lui-même n’avait pas inspiré cette parole ?

Rép. 1o Les rabbins en soutenant l’inspiration verbale s’appuient sur des raisons trop ridicules pour que leur sentiment puisse avoir ici la moindre autorité. Quant aux pères de l’Eglise, quoiqu’ils parlent en termes les plus pompeux et les plus magnifiques de l’inspiration des Ecritures, ils ne disent nulle part d’une manière explicite qu’elle s’étende jusqu’à l’expression matérielle du discours. Saint Augustin, en parlant des évangélistes, dit qu’il ne faut pas s’arrêter aux termes dont ils se sont servis, mais seulement à la pensée qu’ils ont exprimée[74]. Saint Jérôme, tout en soutenant que chaque syllabe de l’Ecriture est pleine de mystères, assure en même temps que saint Paul est confus dans les termes qu’il emploie ; que son style est très-obscur et très-embarrassé ; qu’il tombe souvent dans le défaut des Juifs, qui, en expliquant la loi, ajoutaient des mots superflus ; et que, pénétré lui-même de ce qu’il veut dire, il ne peut s’exprimer ni se faire entendre d’une manière claire et intelligible[75]. Or ces pères ne se seraient pas permis un tel langage, s’ils avaient cru que tout, jusqu’aux expressions mêmes, était inspiré dans l’Ecriture.

2o Saint Paul a pu dire avec vérité que toute l’Ecriture est inspirée, sans qu’on soit autorisé pour cela à étendre jusqu’aux mots ce secours divin. Il suffit, en effet, pour justifier cette parole du grand Apôtre, que tous les sens que contient l’Ecriture soient inspirés de Dieu, c’est-à-dire qu’il n’y ait pas une phrase, pas un seul mot qui ne soient inspirés quant aux vérités qu’ils renferment.

3o Ce qui fait le fond de la parole, c’est la pensée qu’elle renferme et non la lettre, qui n’en est que l’expression matérielle : si donc Dieu est l’auteur des pensées, on peut dire avec vérité qu’il est aussi l’auteur de la parole.

  1. Dic. sur l’hist. univ., seconde partie. Tom.  XXXV, chap. XXVIII, pag. 398, édit..
  2. Voy. Mém. de l’Acad. des inscriptions, t. XVIII, et la Dissert. de Fréret sur l’antiq. et la certitude de la chronologie chinoise, t. X. des mêmes Mémoires. — Nous connaissons les objections faites contre les assertions de ces deux savants ; mais, nous ne craindrons pas de l’avouer, elles ne nous ont point paru assez concluantes, pour nous croire obligé des les adopter.
  3. Voy. Essai sur l’antiquité des Chinois dans les Mémoires concernant les Chinois, tom. II, pag. 240.
  4. On lit dans le Magasin Encyclopédique de A. L. Millin (année 1815, t. V, pag. 220, note 2) : « Le P. Cibot, s’est plu à mettre cet ouvrage (celui que nous venons de citer) sous le nom d’un prétendu Père Ko, jésuite chinois. Mais son style le fait aisément reconnaître. » Cette observation nous semble peu judicieuse ; car le P. Ko peut avoir fourni le fonds de cet essai au P. Cibot, qui l’aura rédigé à sa manière et dans son propre style.
  5. Asia Polyglotta, p. 12.
  6. Zend-Avesta, tom. I, sec. partie, pag. 60.
  7. Hist. des Manich tom. I, pag 31
  8. Veter. Persarum etc., religionis historica præf. pag 1, et cap.  XXIII, XXIV. Or, voici comment Hyde désigne ce roi : « Is, tacitâ prosapià paternâ, vocatur Hystaspes, Darii pater, vel, vice versâ, Darius, Hystaspis filius. Sed sive vocetur Darius, sive Hystaspes, apud omnes convenit, quod fuit Xerxis pater… Iste rex in omnibus Persarum et Arabum libris vocatur Guschtâsp, filius τοῦ Lohrâsp (cap. , pag. 303, édit.). »
  9. « We must be satisfied with probable conjectures (Asiatic researches. Tom. II, pag. 145) »
  10. « Indeed their systems of geography, chronology and history are all equally monstruous and absurd (Ibid. Tom. V, pag. 241-296). »
  11. Asiat. researches Tom. VIII, pag. 195-245. On peut voir encore d’autres preuves incontestables de ce manque absolu de toute histoire chez les Hindous, dan ce même ouvrage, tom. IX, pag. 82-243.
  12. « This, it must be acknowledged, is vague and conjectural (Ibid. Tom. VII, pag. 284). » Il est à remarquer que parmi tous les indianistes qui se sont fondés sur l’autorité de Colebrooke pour soutenir la haute antiquité des Védas, il ne s’en trouve aucun qui ait tenu compte de cette restriction, quoiqu’elle soit très-importante dans la question de l’origine de ces livres. Ainsi, tout en louant la conscience et la bonne foi du savant Anglais, nous sommes forcé d’accuser tous ces indianistes d’une grande légèreté.
  13. J. Klaproth, Mémoires relatifs à l’Asie, pag. 397.
  14. Précis de l’histoire de l’astronomie pag. 18 et 20. Paris, 1821.
  15. Dans ce numéro et les suivants nous nous bornons à une simple indication de preuves, parce que ces questions sont discutés fort au long dans tous les traités de la religion, et que d’ailleurs ils regardent plutôt l’introduction particulière à chaque livre que l’introduction à l’Ecriture en général.
  16. Bossuet, Disc. sur l’hist. univ., seconde partie. Tom. XXXV, ch. XXVII, pag. 392-393
  17. Ibid. pag. 395.
  18. Discours sur l’hist. univ., sec. part. tom. XXXV, ch. XXVIII, pag. 401.
  19. Michaëlis a cependant beaucoup ôté de la sublimité de la législation mosaïque par ses principes rationalistes.
  20. Réponses critiques, préfaces, pag. VII, VIII.
  21. Voyez le corollaire à la fin de ce chapitre et compar. Cornelius à Lapide, in 2 Tim. III, 16. Gotlob Carpzov. Critica sacra, P. 43, edit. sec.
  22. Grot. Votum pro pace ecclesiaticâ. Eccl. tit. de Can. Script. — Spinosa, Trac. theol. polit. cXI
  23. Opusc. I, de System, ac scopo Jésus, epist. 7.
  24. On peut voir les noms de ces principaux critiques, le jugement qu’on doit en porter et les ouvrages les plus remarquables qu’ils ont publiés sur cette matière, dans H. A. Ch. Hævernick dans son Handbuch der hist. krit. Einleitung in das Alte Testament. Erster Theil. erste Abtheilung., S. 14-16 ; ou bien dans sa Dissertation critique sur l’hist. du Canon de l’Ane. Test. insérée dans les Mélanges de théologie réformée, 2e cahier pag. 148 et suiv.
  25. On peut citer entre autres Corrodi dans son Versuch einer Beleuchtung der Geschichte des Jud. und Christl. Bibelkanons.
  26. « Vetus opinio est, jam usque ab heroicis ducta temporibus eaque et populi romani et omnium gentium firmata consensu, versari quamdam inter homines divinationem. » Cic. De divin., I, 1.
  27. Contr. Apion. l. I, § 8.
  28. Le texte porte σαφῶς, qui signifie plus ordinairement clairement, manifestement ; Phavorinius l’explique par ἀληθῶς, avec vérité. Il nous semble que le contexte favorise d’autant plus notre traduction, que le but de Joseph dans ce passage est de montrer que l’histoire des Juifs a été écrite avec beaucoup plus d’exactitude que celle des autres peuples.
  29. Les anciennes éditions ne portent point le mot θεῖα ; elles lisent simplement τὰ δικαίως πεπιστευμένα ; mais Havercamp a cru devoir introduire ce mot dans le texte, fondé sur ce qu’il se trouve rapporté dans ce même passage, tel que le cite Eusèbe (Hist. Eccl. l. x). Cette correction est d’autant plus juste et plus naturelle, que sans le mot θεῐκ le reste de la phrase devient fort obscur. Aussi Jahn, Einleit. Theil. i, S. 127, zwei, Aufl. I ; Eichborn, Einleit. Theil. I, S. 144. viert. Aufl., et autres critiques, l’ont admise sans réclamation.
  30. De monarchiâ, l. I. Tom. II, p., édit. de Th. Mangey.
  31. De specialib. legibus. Tom. II
  32. De præmiis et pœnis. Tom. II, P. 417.
  33. 2 Mac. VI, 23.
  34. 1 Mac. xii, 9 ; 2 Mac. viii, 23
  35. Sap. VII, 27 ; xi, 9.
  36. Bar. iv, 1.
  37. Plusieurs auteurs, en suivant l’opinion de Tertullien, d’Origène, de saint Jérôme et de quelques autres pères, ont prétendu que les sadducéens n’admettaient que le Pentateuque ; mais il paraît plus probable qu’ils admettaient au moins les livres prophétiques ; sans cela Joseph, qui leur reproche de rejeter la tradition, n’aurait pas manqué de les accuser sur ce point. Voy. les autres preuves en faveur de notre opinion dans R. Simon, Hist, critique du V, T. l. i, ch. , xvi. Gabriel Fabricy, Des titres primitifs de la révélation, t. i, pag. 125-126. La Bible de Vence, Dissertation sur les sectes des Juifs.
  38. Math xi, 13. XV, 3-6. xix, 2-6. xxii, 31, 43. xxvi, 54. Marc. vii, 9, 13. Luc. XVI, 16, 29. xviii 31. xxiv, 25-27, 44-46. Joan. v, 39, 46. x, 34-36.
  39. Rom. i, 2. iii, 2. iv, 2, etc. Gal. iii, 8, 10. Hebr. iii, 7. xii, 27.
  40. Act. iii, 18-25.
  41. Act. xxviii, 23, 25.
  42. 2 Petr. i, 21.
  43. Réponse aux sentiments de quelques théologiens de Hollande, chap. VI, pag. 61, 62.
  44. 2 Tim. III, 14-17. Nous devons remarquer, par rapport à ce texte, que la Vulgate porte : Omnis Scriptura divinitus inspirata, utilis est ad docendum ; mais que le grec lit : Πᾶσα γραφὴ θεόπνευστος, καὶ ὠφέλιμος πρὸς διδασκαλίαν ; or la conjonction καὶ suppose évidemment que le verbe substantif est se trouve sous-entendu devant θεόπνευστος, et par conséquent devant ὠφέλιμος. L’ancienne Vulgate lit comme le grec, et cette leçon est conforme tant aux versions orientales qu’à l’explication que les pères ont donnée de ce passage. Le texte grec porte, il est vrai : Toute écriture et non pas toute l’Ecriture ; mais l’article est encore sous-entendu ; sans cela, la phrase offrirait un sens évidemment faux et absurde ; d’ailleurs le mot écriture doit être restreint aux mots sacras litteras, qui précèdent immédiatement ; or, c’était dans les Ecritures de l’Ancien Testament que Timothée avait été nourri dès son enfance.
  45. Jac. I, 10-12, 19. iI, 1-4, 10, 11, 21, 23, 26. IV, 6. V, 17. Jud. I, 11, 12, 16.
  46. Epist ad. Corinth.
  47. Adv. hœres, l.  III, c. i, ii, Xi
  48. Adv. Marc. l. IV, c. V.
  49. Adv. hœres, l. I, c. xlvi, xlvii.
  50. Ibid. l. IV, c. iii.
  51. Legat. pro Christianis, lII, c.XLVII.
  52. Exhort. ad gentes.
  53. De Princip. l.  IV, cI.
  54. Cont. Cels. lV.
  55. De opere et eleemos.
  56. Hist. Eccl. lV, cXXVIII
  57. Prœp. evang. lXIII, cXIV
  58. De Civit. Dei, lXI, cII, III
  59. Ps. XLIV, 2.
  60. Prœf. moral. in Job.
  61. Voy. Epiph. Hœres. 76
  62. Introd. au N. T. tom. I, part. I, chap. III, sect. 2, pag. 112 et suiv., traduction franç. de J. J. Chenevière.
  63. Un écrivain dont le profond savoir commande le respect, feu Étienne Quatremère, a cru voir une légère inexactitude dans notre traduction de ce dernier passage des Machabées ; car il prétend que le texte grec signifie : « Si mon ouvrage offre quelque chose de beau et d’élégant, c’est à quoi j’aspirais. Si, au contraire, il ne présente rien que de bas et de médiocre, c’est là tout ce que j’étais capable de faire (Journal des Savants, Octobre 1845, p. 600). » Le savant critique n’aurait certainement pas fait cette observation, s’il avait songé que ce n’est pas le sens du texte grec que nous avons voulu rendre, mais bien celui de la Vulgate latine, qui porte à la lettre : Et si quidem bene, el ut historiæ competit, hoc et ipse velim : sin autem minus digne, concedendum est mihi. Ajoutons qu’il nous semble d’ailleurs, que, sans être aussi littérale, la traduction de saint Jérome ne rend pas moins fidèlement la vraie pensée de l’écrivain sacré.
  64. 2 Tim. III, 14-17
  65. Herméneutique sacrée, chII, § 11, tom. I, p 78-80. Nouv. édit. Paris, 1833.
  66. Brevis delineatio duorum impostorum magnorum, Muhammedis et Zinzerdorffi. Argentorati, sans date.
  67. Holden, Analysis fidei christianæ, l. I, cV. — Voy. R. Simon, Hist. crit. du N. T. chxxiv, pag. 295-297. Nous devons faire observer que Holden reconnaît cependant qu’il n’y à rien de faux dans l’Ecriture : Quamvis enim nullam complectatur Scriptura falsitatem, etc. Hold. Ibid. Nous sommes de l’avis de R. Simon ; l’auteur aurait dû expliquer son sentiment mieux qu’il ne l’a fait.
  68. Rom. xv, 4.
  69. Conc. Trid. Sess. IV.
  70. August. Lib. de Genesi ad litteram, cap. IX.
  71. 1. Cor. VII, 40.
  72. Hist. crit. du N. T. ch. XXIII, XXIV.
  73. Hier. in cap. III Amos, et Præfat. in Jes.
  74. August. De consensu evangelistarum, l.II.
  75. Hieron. Epist. ad Algasiam.