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Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament/Tome I/Chapitre 3

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CHAPITRE TROISÈME.
de la canoncité de l’écriture sainte[1]

Par la canonicité d’un livre, il faut entendre, comme nous le dirons dans ce chapitre même, son insertion dans le canon ou catalogue des écrits sacrés. D’où il résulte que tout livre qui est compris dans ce canon ou catalogue doit nécessairement être divinement inspiré. Aussi les expressions : Livre canonique, livre inspiré, livre divin, sont-elles employées souvent l’une pour l’autre[2]. Cependant on voit aisément que l’inspiration et la canonicité sont deux choses bien différentes, puisque la canonicité suppose l’inspiration, et que d’ailleurs un livre peut avoir été composé par inspiration divine, sans avoir été inséré dans le catalogue ou recueil sacré.

Les livres qui ne sont pas compris dans le Canon se nomment apocryphes[3]. Mais, outre ces derniers, il en est plusieurs autres dont on fait mention dans l’Ancien Testament, et qui sont perdus depuis longtemps. On ne peut traiter d’une manière complète la question de la canonicité sans faire mention de ces deux dernières classes ; nous diviserons donc ce chapitre en trois articles, dont le premier sera consacré aux livres canoniques, le second aux livres apocryphes, et le troisième aux livres perdus.


ARTICLE I.
Livres canoniques.

Comme le Canon des livres saints n’est pas le même pour les Juifs et les chrétiens, et que les églises chrétiennes elles-mêmes ne sont pas d’accord sur ce point, les catholiques regardant comme canoniques plusieurs livres que les protestants rejettent parmi les apocryphes, nous traiterons successivement de ces différents canons, après avoir donné toutefois quelques notions préliminaires sur ce qu’on doit entendre par Canon, livre canonique, et avoir dit quelques mots sur les erreurs aux- quelles a donné lieu la question de la canonicité.

1. Le mot canon, ou comme on l’écrit en grec kanôn (κανῶν), signifie proprement règle, loi ; mais comme on le trouve souvent employé, même par les anciens auteurs profanes, dans le sens de catalogue, recueil, les interprètes prétendent, les uns, qu’on a donné ce nom aux livres sacrés parce qu’ils sont la règle de notre foi ; les autres, parce que ces livres forment le catalogue ou recueil sacré. Les deux opinions ne sont pas sans avoir quelques preuves chacune en sa faveur. D’abord il est incontestable que l’Ecriture sainte sert de règle à notre foi. Ajoutons que saint Irénée en parlant de l’Evangile de saint Jean, l’appelle règle de la vérité (κανόνα τῆς ἀληθείας)[4]. Saint Isidore de Péluse applique cette même expression aux livres saints en général[5]. Or cette expression paraît empruntée d’un passage de saint Paul qui a rapport à la doctrine et à la révélation divine[6]. Ainsi, dans cette opinion, le mot canon serait synonyme de livres canoniques, c’est-à-dire livres contenant la règle par excellence, la vraie religion. D’un autre côté, il semble que les livres sacrés n’ont été appelés canoniques qu’à cause du catalogue dans lequel ils étaient contenus, « comme le catalogue des Cleres, dit Ellies Dupin[7], est appelé canon dans le Concile de Laodicée, chapitre xxiv, aussi bien que celui des évêques et des fidèles défunts, par les écrivains ecclésiastiques. Quoique ce nom soit grec, poursuit Dupin, il est plus en usage chez les Latins que chez les Grecs, qui emploient souvent ceux de catalogue (κατάλος), exposition (ἔκθεσις), nombre (ἄριθμος). » Mais quelle que soit la signification qu’on ait pu attacher au mot canon, en vertu de son étymologie, on prend généralement dans le sens de recueil, catalogue, toutes les fois qu’on s’en sert dans la question de la canonicité qui nous occupe en ce moment, de même qu’on prend l’expression livre canonique dans le sens de livre qui fait partie du recueil sacré.

2. Les ennemis de la révélation ont mis dans ces derniers temps sur- tout une ardeur incroyable à combattre la canonicité des Ecritures ; sans parler de T. Hobbes et de Spinosa, qui ont soutenu sur le Canon des opinions aussi fausses que dangereuses[8], J. S. Semler, qu’on peut regarder comme le père des rationalistes, et après lui Corrodi, ont abusé d’une manière étrange de leur profonde érudition pour établir des principes qui ruinent de fond en comble la divinité, et par suite la canonicité des livres saints[9].

Assez récemment des théories plus ou moins contraires à la vérité historique du Canon ont été mises en avant par Bertholdt, De Wette, Cellérier[10]. Ce dernier qui semble faire profession de combattre le rationalisme, ne s’en garantit pas assez lui-même, quand, par exemple, il traite avec tant de légèreté l’autorité canonique des Hagiographes.

Hævernick, qui a écrit de si bonnes choses sur la canonicité des livres saints, tant dans son Commentaire sur Daniel que dans son Introduction et son Histoire du Canon de l’Ancien Testament, a commis quelques erreurs communes aux protestants même les plus rigides sur la question de la canonicité.

Enfin, parmi les catholiques, R. Simon, le P. Lamy et J. Jahn, ne se sont pas toujours exprimés sur certaines questions touchant le Canon d’une manière assez exacte, comme nous le ferons voir.


SECTION I.
Canons de l’Eglise judaïque.

Si nous voulons nous former une idée juste et complète du Canon des Juifs, il faut nous rappeler que chez les anciens peuples, c’était toujours aux ministres de la religion qu’on confiait la garde et la conservation des écrits considérés comme divins et sacrés[11], et que c’était dans le temple qu’on déposait et qu’on conservait ces précieuses collections[12]. Or les Hébreux ne diffèrent en rien, sous ce rapport, des autres nations. Nous voyons en effet, par plusieurs passages du Pentateuque, que ce livre fut déposé entre les mains des prêtres et mis dans l’arche, ou à côté de l’arche d’alliance, pour y être conservé[13], et qu’avant même qu’il eût été achevé, Moïse faisait dans certaines circonstances la lecture publique et solennelle des parties qui se trouvaient déjà rédigées[14].

Ainsi il est hors de tout doute que le premier canon de l’Eglise judaïque a été le Pentateuque, qui a eu pour auteur Moïse, non-seulement législateur du peuple hébreu, mais prophète, et le plus grand prophète ; Moïse, qui avait prouvé sa mission par des miracles éclatants, et qui, en publiant le Pentateuque, l’avait proposé comme étant la parole même de Dieu.

Depuis Moïse jusqu’au schisme des dix tribus, il y a eu sans doute des écrivains inspirés ; mais il ne paraît point que leurs écrits aient été mis dans le Canon de l’Eglise juive ; car s’ils y avaient été mis, les Juifs qui se séparèrent du corps de la nation auraient dû conserver non-seulement le Pentateuque, mais encore tous les autres livres. Or, il est manifeste qu’ils n’ont emporté avec eux que le Pentateuque, puisque les Samaritains n’ont jamais eu que ce livre, qu’ils avaient reçu des Juifs schismatiques. Les livres inspirés étaient sans doute respectés par la tradition ; mais un jugement solennel de la Synagogue ne les avait pas encore mis : dans le Canon : il paraît qu’elle s’en était rigoureusement tenue au Pentateuque.

Nous ne voyons pas qu’il y ait eu d’autre Canon solennellement reconnu que celui qu’on attribue à Esdras, et dont nous allons nous occuper, mais il est incontestable que depuis Moïse jusqu’à Esdras il y a eu beaucoup d’autres livres inspirés tels que Josué, les Rois, etc., qui ont existé bien avant la captivité ; et que durant ce laps de temps les Juifs n’ont pas manqué d’une autorité suffisante pour déclarer la divinité de leurs ouvrages, puisqu’ils ont eu la Synagogue et les prophètes, dont le ministère extraordinaire ne manquait jamais. « Car, comme le remarque Eusèbe, parmi les Hébreux, ce n’était point au peuple à juger de ceux qui étaient inspirés, ni à rien décider au sujet de leurs ouvrages divins ; cet emploi n’était réservé qu’à un petit nombre de personnes assistées elles-mêmes du Saint-Esprit pour prononcer sur cela, ainsi que sur leurs auteurs, lesquels étaient favorisés d’une inspiration spéciale pour mettre ces oracles par écrit. Eux seuls avaient l’autorité de consacrer les livres mêmes des prophètes et de rejeter les autres comme faux et supposés[15]. »

Il est certain que les Juifs ont maintenant un Canon des saintes Ecri- tures qui contient trente-neuf livres, qu’ils ont réduits à vingt-quatre, nombre des lettres de l’alphabet grec. Or, ces vingt-quatre livres sont : 1 la Genèse, 2 l’’Exode, 3 le Lévitique, 4 les Nombres, 5 le Deutéronome, 6 Josué, 7 les Juges, 8 deux livres de Samuel, 9 deux livres des Rois, 10 Isaïe, 11 Jérémie, 12 Ezéchiel, 13 douze petits Prophètes, 14 les Psaumes, 15 les Proverbes, 16 Job, 17 le Cantique des cantiques, 18 Ruth, 19 les Lamentations, 20 l’Ecclésiaste, 21 Esther, 22 Daniel, 23 Esdras et Néhémie, 24 les Paralipomènes. Mais les anciens Juifs joignant Ruth aux Juges et les Lamentations de Jérémie à ses prophéties, ne comptaient que vingt-deux livres, pour se conformer aux vingt- deux caractères de leur alphabet, de même que les Grecs ont divisé l’Iliade en vingt-quatre chants, bien que ce poème fût susceptible d’autres divisions.

Ce Canon, admis aujourd’hui par les Juifs, a donné lieu d’examiner quelles en sont la disposition et l’origine ; à qu’elle époque il a été fermé ; quel en est l’auteur ; en quoi consiste le travail d’Esdras sur les Ecritures.


QUESTION PREMIÈRE.
Quelle est la disposition du Canon des Juifs ?

Les Juifs divisent en trois classes les vingt-quatre livres de l’Ancien Testament qui composent leur Canon. La première, qui contient les cinq livres de Moïse, se nomme Tôrâ (תורה), mot qu’on rend ordinai- rement par loi, mais qui, dans la réalité, a une signification plus étendue ; car il répond à l’idée de doctrine, enseignement, instruction. La seconde, qui renferme Josué et les livres suivants jusqu’à Malachie, le dernier des petits prophètes inclusivement, s’appelle Nebîîm (נביאים), c’est-à-dire Prophètes[16]. La troisième, contenant tous les autres livres, est désignée sous le nom de Kethoubîm (כתובים) ou Ecrits par excellence, c’est-à-dire des Ecrits divins ; idée qui rend parfaitement le terme consacré Agiographes ou mieux Hagiographes. Or on appelait ainsi ces derniers, parce qu’ils avaient pour auteurs des écrivains qui, quoique divinement inspirés, n’avaient pourtant pas le caractère général des prophètes proprement dits. Pour compléter l’expression, les rabbins ont ajouté : écrits par l’Esprit saint (כרוח הקודש). C’est ainsi que les pères de l’Eglise[17] disaient également grâphéîa (γραφεῖα) ou hagiographa (ἁγιόγραφα).

Cette distribution des livres en trois classes se trouve très-fréquemment dans le Talmud, et saint Jérôme nous atteste que telle était la distribution consacrée chez les Juifs[18]. En remontant plus haut, nous trouvons cette même division dans Philon, Joseph, le Nouveau Testament, et dans le Prologue de l’Ecclésiastique[19]

Saint Jérôme, en désignant chacune de ces classes, cite les livres l’un après l’autre dans l’ordre que nous voyons suivi dans les Bibles hébraïques des Juifs. Mais Joseph n’est pas aussi explicite, il se borne à dire que sur les vingt-deux livres sacrés des Juifs, Moïse en a composé cinq ; que, depuis Moïse jusqu’à Artaxerxès, les prophètes en ont écrit treize ; et qu’il y en a quatre autres qui contiennent des hymnes à la louange de Dieu et des préceptes de conduite pour les hommes. Il paraît certain que les quatre livres qui constituent la troisième classe sont les Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste et le Cantique des cantiques.

Quoique Jésus-Christ cite quelquefois tout l’Ancien Testament sous la dénomination de Loi, comme dans saint Jean, x, 34, ou de Prophètes, comme en saint Luc, xviii, 31, conformément au langage des Juifs hellénistes, il distingue parfaitement ailleurs les trois classes, quand il dit au chapitre xxiv, verset 44 de saint Luc, que la Loi, les Prophètes et les Psaumes rendent témoignage de lui.

L’auteur du Prologue qui est en tête de l’Ecclésiastique, tout en re- connaissant la distinction des trois classes qui déjà de son temps formaient le Canon des livres sacrés, ne détermine la troisième par aucun nom en particulier ; car il dit seulement : La Loi, les Prophètes (ou les Prophéties, selon le grec), et les autres livres[20].


QUESTION DEUXIÈME.
Quelle est l’origine du Canon actuel des Juifs ?

En disant d’une manière générale, pages 43, 44, que de graves erreurs avaient été soutenues par rapport à la canonicité des livres saints, nous nous étions réservé de les faire connaître quand il en serait besoin. La question présente nous offre l’occasion et d’en signaler et d’en combattre quelques-unes.

Spinosa prétend que la collection des livres saints n’a point été ter- minée avant le temps des Machabées[21]. Richard Simon suppose qu’il y à toujours eu parmi les Juifs, et même encore après Esdras, des scribes publics, qui conservaient dans leurs archives les écrits sacrés, publiaient ceux qu’ils voulaient, dans un ordre assez arbitraire, ajoutaient et retranchaient ce qui leur plaisait[22].

Plusieurs critiques de nos jours veulent que ce ne soit pas au temps d’Esdras que le Canon des Ecritures se trouva clos, mais après lui, et qu’il a été formé peu à peu, sans intention bien arrêtée, et même par accident. C’est l’opinion surtout de Bertholdt et De Wette [23]. Tout en admettant la clôture du Canon à une époque antérieure aux Machabées, Cellérier veut que sa formation soit l’ouvrage de plusieurs personnes, et même de plusieurs générations. Selon lui, Esdras peut avoir commencé, et d’autres avoir continué ce travail. Il ajoute : « La tradition des Juifs parle d’une succession de docteurs, sous le nom de grande synagogue. Rien absolument ne garantit leur infaillibilité[24]. »

Pour réfuter ces opinions, qui tendent à dire que plusieurs livres se sont glissés, longtemps après la captivité, dans le Canon d’une manière illicite, ou que ces livres méritent peu de foi et nous ont été conservés dans un mauvais état, comme l’a si justement remarqué Hævernick[25], nous allons établir on proposition suivante :


PROPOSITION.
L’origine et la clôture du Canon des Juifs remontent au temps d’Esdras.

1. Le temps qui suivit immédiatement le retour de la captivité était sans contredit le plus convenable pour former le Canon des livres saints et l’arrêter irrévocablement. Car les années de malheur avaient fortement rattaché les Israélites à la religion de leurs pères. Ils cherchaient avec soin tout ce que l’histoire d’un temps plus heureux pouvait leur offrir de consolations. Et si quelques-uns plus tièdes préféraient demeurer dans le lieu de l’exil, les autres, pleins de zèle, retournaient avec empressement dans la terre sacrée. Ainsi cette crise politique fut la date d’une nouvelle époque religieuse, qui donna naissance à de nouvelles institutions religieuses. Ainsi les synagogues et les sanhédrins, qui jouent un rôle si important dans l’histoire subséquente des Juifs, doivent à cette époque leurs premiers commencements. Or le Canon des livres saints de la nation n’a pu être négligé dans ces temps de restauration générale. On ne peut raisonnablement supposer que les Juifs aient été sans inquiétude et sans zèle pour ces livres, bases de leur gouvernement théocratique et qui pouvaient seuls donner de la force et de la solidité à la nouvelle colonie, si faible en elle-même. Quoi ! aussitôt après la mort de Mahomet le Coran fut recueilli par Abubekr[26], et des hommes tels qu’Esdras, Néhémie, et les prophètes qui vivaient encore de leur temps, auraient eu moins de zèle pour recueillir les livres sacrés de leur nation ! « Zorobabel, Esdras et Néhémie, dit le P. Fabricy, réformèrent les abus, firent cesser bien des prévarications, et furent très-zélés pour l’observance des constitutions mosaïques. Comment eussent-ils négligé des écrits qui tenaient de si près aux principes fondamentaux d’une religion dont ils avaient été les restaurateurs[27]? » Cette supposition est trop absurde pour pouvoir trouver crédit auprès des esprits raisonnables.

2. Si nous remontons dans l’histoire des Juifs vers les temps d’Esdras et de Néhémie, nous trouvons toujours leurs livres traités avec le plus profond respect et regardés comme formant un ensemble[28]. Or, cette manière de les envisager serait tout à fait inexplicable, si le Canon n’avait pas été déjà terminé et présenté au peuple comme revêtu d’une sanction divine.

3. La tradition juive nous renvoie encore, pour la collection du Canon, à cette même époque d’Esdras et de Néhémie. Le témoignage le plus cu- rieux à cet égard se trouve dans la partie du Talmud qui est de la plus haute antiquité, et qu’on appelle Pîrkê Avôth (פרקֵי אבות) Chapitres des Pères. Ce livre, qui contient des sentences, commence ainsi : « Moïse reçut la Loi du Sinaï ; il la donna à Josué, Josué aux anciens, les anciens aux prophètes, les prophètes aux membres de la grande synagogue. » Ces derniers sont donc regardés comme le corps de l’état qui conserva avec fidélité la religion des pères. Or, qu’étaient-ils ces hommes ? Le Talmud les caractérise selon sa manière ordinaire, c’est-à-dire sous la forme d’apophthegmes, en ajoutant : « Ces hommes ont dit trois mots : Mettez une sage lenteur dans les jugements, formez un grand nombre de disciples, et posez une barrière autour de la loi[29]. » La dernière sen- tence, empruntée de ce qui se passa auprès du Sinaï (Ex. XIX, 12, 13), signifie que de même que Moïse, par une barrière, préserva la loi de toute atteinte, de même aussi la grande synagogue veilla à son exacte observation. Or, d’après la Mischna, la barrière qui est autour de la loi, c’est la Massore[30], et la Massore signifie toujours, dans le Pîrkê Avôth, les travaux et les traditions qui concernent le texte du Canon. Enfin, suivant le même livre, le dernier membre de la grande synagogue fut Simon le Juste[31]., que tout s’accorde à représenter comme le successeur d’Esdras[32]. Nous pourrions multiplier les témoignages de cette nature ; mais nous nous bornons à faire remarquer que les auteurs du Talmud de Babylone disent d’une manière très-claire que la grande synagogue a achevé le Canon des livres saints des Juifs[33]. 4. L’autorité de Joseph, ou plutôt celle de sa nation, car il parle en son nom, vient encore fortifier notre proposition. Nous avons déjà vu page 16 que, selon cet historien, les Juifs avaient seulement vingt-deux livres qu’ils regardaient comme divins. Or, il dit de ces livres, qu’il y en a cinq dont Moïse est l’auteur, et qui contiennent entre autres choses l’origine du monde et les généalogies des anciens Hébreux ; que depuis la mort de Moïse jusqu’au règne d’Artaxerxès, successeur de Xerxès, roi des Perses, les prophètes ont raconté l’histoire de leur temps, en treize livres ; que les quatre autres livres renferment des cantiques adressés à Dieu, et des règles de conduite ; qu’enfin depuis Artaxerxès jusqu’à son temps, tout est aussi écrit dans les livres ; mais que ces livres ne sont pas estimés aussi dignes de foi que les précédents, vu qu’il n’y a plus eu une succession Constante de prophètes[34]. Ainsi cette succession non interrompue de prophètes a duré chez les Hébreux depuis Moïse jusqu’à Artaxerxès, et par conséquent le Canon embrassant cet espace de temps, ne peut aller au delà. Il est prouvé d’ailleurs que Malachie, le dernier des prophètes, exerça son ministère prophétique vers la fin du règne de ce prince.

5. Le livre de Jésus fils de Sirach (l’Ecclésiastique) a été composé en hébreu probablement environ trois cents ans avant Jésus-Christ, comme paraît l’avoir prouvé Jahn[35]. Or ce livre, après avoir fait mention des hommes illustres et des écrivains des Juifs, et nommé Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, ajoute les douze Prophètes, sans les désigner autrement[36]. Ce qui démontre à la fois, et que les écrits des douze petits Prophètes étaient déjà recueillis en un seul corps d’ouvrage, et que le Canon des Juifs était déjà formé, puisque en effet dans ce Canon les douze petits Prophètes viennent immédiatement après Isaïe, Jérémie et Ezéchiel[37].

D’un autre côté, si l’on considère qu’entre le fils de Sirach et de Néhémie il n’y a eu environ que cent ans de distance, on se demandera tout naturellement comment il se fait que le livre de cet écrivain n’a pu être introduit dans le Canon ? La question se résout facilement dans notre opinion, mais elle devient insoluble pour les critiques qui soutiennent qu’au temps d’Esdras et de Néhémie le Canon des Juifs n’était pas encore fermé.

6. Enfin la tradition des églises chrétiennes fait remonter jusqu’au temps d’Esdras et de Néhémie la formation du Canon des livres que les Juifs ont toujours regardés comme sacrés et divins ; nous verrons dans les questions suivantes les nombreux témoignages qui établissent cette tradition.

Comme les difficultés qu’on a opposées à la clôture du Canon des Juifs, telle que nous venons de l’admettre, s’appliquent également à la question suivante, nous ne nous en occuperons point dans celle-ci.


QUESTION TROISIÈME.
Quel est l’auteur du Canon des Juifs ?

1. Si l’auteur du Canon des Juifs ne peut pas être déterminé d’une manière bien précise, il faut convenir que des autorités de plus d’un genre conspirent à prouver qu’Esdras lui-même a recueilli tous les livres qui, quoique déjà reconnus pour divinement inspirés, ne formaient cependant pas encore un seul corps d’ouvrage, et que c’est lui qui les a fait accepter comme tels à toute sa nation. Mais en nommant Esdras, nous ne prétendons pas qu’il ait fait seul tout le travail, et que seul il ait accompli cette importante mission ; car les prophètes Aggée et Zacharie vivaient encore, et peu de temps après parurent le prophète Malachie, et Néhémie, dont le livre a été inséré dans le Canon à la suite de celui d’Esdras. Ainsi Esdras a commencé le Canon et Néhémie l’a terminé ; et comme l’autorité de la Synagogue se trouvait réunie à celle des prophètes, rien ne manquait à ce qui était nécessaire pour obliger toute la nation à recevoir le Canon muni de cette double autorité[38].

2. Selon les livres d’Esdras et de Néhémie, c’est surtout Esdras qui est chargé de tout ce qui concerne la religion ; il montre le zèle le plus ardent, la persévérance la plus admirable pour l’observation de la loi, la restauration du culte et des ordonnances divines. C’est lui qui tient la loi en main, et qui l’explique aux sages ; et dont la profession toute spéciale est d’écrire les paroles, les préceptes de l’Eternel et ses décrets touchant Israël. De là l’épithète de Hassôfêr (חםּכּך), ou le scribe, qui lui est continuellement donnée et qui est devenue comme un surnom pour lui[39]. Or comment un tel homme n’aurait-il pas été l’auteur du Canon, ou du moins n’y aurait-il pas pris la plus grande part ?

3. Le témoignage des Juifs sur ce point a toujours été aussi constant qu’unanime. La tradition des chrétiens réunit les mêmes qualités. Et si le sentiment de quelques docteurs de l’Eglise est exagéré par rapport à Esdras, comme nous le montrerons dans la question suivante, cette exagération ne nuit en rien à la force de la preuve qu’on tire de leur témoignage. Ainsi Esdras est regardé comme l’auteur du Canon des Juifs par saint Irénée, saint Clément d’Alexandrie, Tertullien, saint Basile, saint Chrysostome, Théodoret, saint Jérôme, etc.[40].

À toutes ces preuves, ainsi qu’à celles qui ont été exposées dans la question précédente, on a opposé des difficultés de différents genres ; essayons de les résoudre.

Difficultés touchant lu clôture du Canon des Juifs, et Réponses à ces difficultés.

Obj. 1o Quoique Esdras et Néhémie, disent après Spinosa quelques critiques d’Allemagne, aient travaillé à la confection du Canon des Juifs, ils ne l’ont cependant pas achevé, puisque plusieurs des livres contenus dans ce Canon n’étaient pas encore composés du vivant d’Esdras et de Néhémie.

Rép. Il est vrai que ces critiques prétendent que le livre de Daniel, par exemple, n’a été composé qu’au temps des Machabées, et que ceux des Chroniques et d’Esdras ont été fabriqués dans l’âge des Séleucides. Mais cette prétention ne repose uniquement que sur des hypothèses

purement gratuites, et dont nous montrerons la fausseté dans l’introduction particulière à chacun de ces livres.

Obj. 2o Les mêmes critiques objectent encore que si les deux prophètes Esdras et Néhémie avaient rassemblé tous les livres qui forment le Canon des Juifs, ils les auraient disposés dans un ordre plus naturel : Daniel, par exemple, aurait son rang parmi les prophètes, et les Paralipomènes seraient placés immédiatement après les Rois.

Rép. On peut donner plus d’une réponse à cette objection. D’abord l’assertion de nos adversaires n’aurait quelque poids qu’au cas qu’on démontrerait que l’ordre dans lequel les livres sacrés sont rangés actuellement dans les Bibles des Juifs est l’ordre primitif ; or, c’est ce qu’ils ne sauraient faire de manière à enlever toute espèce de doute, puisque la version des Septante et Joseph lui-même n’observent pas l’arrangement adopté dans ces Bibles. D’ailleurs les critiques que nous combattons pourraient-ils prouver davantage qu’Esdras et Néhémie n’ont pas eu de raisons suffisantes de suivre dans la formation du Canon l’ordre observé par les Juifs d’aujourd’hui ? S’ils est vrai, comme l’enseignent le Talmud et le commun des interprètes, que les Paralipomènes soient l’œuvre d’Esdras et de Néhémie, nous ne voyons pas pourquoi ces deux prophètes ne les auraient pas mis à la suite des livres qui portent leur nom. Quant au livre de Daniel, nous concevrions également qu’il n’eût pas été rangé dans la classe des prophètes. Daniel, en effet, n’était pas prophète dans le sens que les anciens Hébreux paraissaient attacher au mot nâbî (נביא), qui exprimait l’idée d’un homme dont la profession spéciale était d’exercer le ministère prophétique[41]. Les fonctions qu’il exerça à la cour des rois de Babylone, de Médie et de Perse, semblaient devoir exclure de cette classe pour en faire un hôzé (הזה) ou voyant, comme David et Salomon, dont les ouvrages n’ont point été classés parmi les prophètes proprement dits, pas plus que le Pentateuque de Moïse, quoique ce dernier soit regardé par les Juifs comme un prophète bien supérieur à tous les autres. Nous ajouterions volontiers avec le savant Quatremère : « Mais on peut croire, ce me semble, tout en admettant, comme je le fais, la parfaite authenticité du livre de Daniel, que ce recueil ayant été formé à Babylone, et peut-être après la mort de l’auteur, aura été apporté un peu tard à Jérusalem, et n’aura pu trouver sa place qu’à la suite des autres ouvrages dont se composait déjà le Canon[42]. »

Obj. 3o Suivant Bertholdt et de Wette, la dernière classe des livres sacrés fut achevée lorsque les deux autres étaient déjà closes. On recueillit d’abord le Pentateuque, ensuite les prophètes, auxquels on ajouta les livres de Josué, de Samuel et des Rois, parce qu’il n’existait pas encore de troisième classe. Enfin, on fit un troisième recueil de toutes sortes de livres, parce que les deux premiers étaient déjà fermés.

Rep. Une partie de cette troisième objection rentrant dans la première, nous ne répondrons qu’à ce qu’elle présente de particulier. Ainsi, selon Bertholdt et De Wette, les livres sacrés des Juifs ont été partagés en trois classes, parce que c’est à trois époques différentes qu’ils ont été composés ou retrouvés. Mais cette supposition, qui n’est fondée sur aucune preuve, puisqu’il n’y a absolument rien qui puisse démontrer que les Hagiographes, ou livres de la troisième classe, aient été écrits ou trouvés plus tard, que les derniers prophètes, se trouve d’ailleurs en opposition avec la croyance générale des Juifs et des chrétiens. Ainsi une critique impartiale s’oppose à ce qu’on admette l’hypothèse d^ nos adversaires.


QUESTION QUATRIÈME.
En quoi consiste le travail d’Esdras sur les Ecritures ?

Pour nous former une idée exacte du travail d’Esdras sur les Ecritures, il faut d’abord éviter deux écueils qui nous paraissent dangereux ; l’un, de supposer, avec quelques pères de l’Eglise et plusieurs auteurs modernes, que tous les livres sacrés des Juifs ayant péri dans l’incendie de Jérusalem et du temple, Esdras les a dictés de mémoire[43] ; le second, de considérer, avec R. Simon, le travail d’Esdras comme un simple abrégé des Mémoires beaucoup plus détaillés dans les anciens écrits originaux des écrivains sacrés, auxquels il ajouta, diminua et changea ce qu’il jugeait nécessaire, en sa qualité de prophète ou d’écrivain public[44]. Il faut éviter encore de confondre les opinions des pères sur ce point ; s’il en est quelques-uns qui aient réellement prétendu qu’Esdras avait dicté de mémoire tous les livres saints, le plus grand nombre n’a pas adopté ce sentiment[45]. Après ce court exposé, nous croyons pouvoir établir, comme assez certaines, les propositions suivantes :


PREMIÈRE PROPOSITION.
Esdras n’a point dicté de nouveau tous les livres saints après l’incendie de Jérusalem.

1. Pour admettre qu’Esdras ait réellement composé de nouveau les écrits sacrés qui formaient le Canon des Juifs, il faudrait nécessairement supposer que tous les livres saints avaient entièrement péri dans l’incendie de Jérusalem et du temple, ou pendant la captivité de Babylone. Or cette supposition est dénuée de toute espèce de preuves ; elle est même en opposition manifeste avec l’état des choses. « Car, comme l’a si bien remarqué l’abbé de Vence, Esdras dit lui-même qu’il était un docteur habile dans la loi de Moïse[46] ; et comment s’était-il rendu habile dans la loi de Moïse ? C’était, sans doute, parce qu’il avait étudié et médité pendant qu’il était à Babylone avec les autres captifs[47]. » Plusieurs passages dans lesquels Daniel fait évidemment allusion aux livres de Moïse[48], prouvent encore l’existence de ces livres pendant la captivité.

2. Le système que nous combattons suppose qu’il n’y avait pas d’autres exemplaires de la loi que ceux qui étaient à Jérusalem lors- qu’elle fut assiégée par les Chaldéens. Or cela paraît faux ; car lorsque les dix tribus furent emmenées en captivité par Salmanasar, cent trente ans environ avant l’embrasement du temple par Nabuchodonosor, il y avait certainement parmi les Juifs du royaume d’Israël plusieurs personnes qui n’avaient point consenti au schisme de Jéroboam, mais qui faisaient leur étude de la loi de Dieu. Or, il est impossible que ces vrais Israélites n’aient pas emporté avec eux leurs livres saints. Tobie, l’un des captifs, en avait au moins conservé un exemplaire, puisque l’auteur du livre qui porte son nom dit de lui[49] : « qu’il se souvint un jour de cette parole que Dieu avait dite par la bouche du prophète Amos : Vos jours de fête seront changés en des jours de deuil et de pleurs[50]. » Ainsi, tous les exemplaires des livres n’étaient pas renfermés dans Jérusalem, ni même dans la Judée. Ajoutons que, depuis longtemps avant la destruction de Jérusalem, les Samaritains possédaient le Pentateuque : or cet exemplaire samaritain n’était certainement point dans le temple, et par conséquent il n’y fut point consumé par les flammes. Terminons cette preuve par une remarque importante, c’est qu’on avait dans la Judée les livres de la loi même avant qu’Esdras fût de retour à Jérusalem, puisque dès la sixième année du règne de Darius on établit des prêtres et des lévites pour exercer leurs fonctions selon qu’il est écrit dans la loi de Moïse : Sicut scriptum est in libro Moysi[51] ; ce qui n’aurait pu se faire si on n’avait eu entre les mains aucun exemplaire de cette loi. Ainsi, quand Esdras revint à Jérusalem dans la septième année du règne d’Artaxerxès, il y trouva le Pentateuque, et par conséquent il n’eut pas besoin de le recomposer de mémoire. Un juge bien compétent de la matière confirme la solidité des preuves que nous venons d’établir : « A coup sûr, dit M. Quatremère, les livres hébreux n’avaient pas tous péri dans la ruine de Jérusalem et l’exil des Juifs. A coup sûr, des prêtres, des hommes pieux avaient emporté avec eux ces livres vénérables ; ce fut dans leurs mains qu’Esdras les retrouva. Lui-même était versé dans la connaissance de la loi de Dieu ; donc il avait sous les yeux les livres qui contenaient cette loi. D’un autre côté, les Juifs qui étaient restés dans la Palestine devaient avoir conservé des livres. Le Pentateuque était aussi chez les restes des dix tribus et chez les Samaritains[52]. »

3. Plusieurs pères, il est vrai, ont enseigné qu’Esdras avait dicté de mémoire tous les livres saints ; mais leur témoignage ne nous paraît pas devoir l’emporter, pour plusieurs raisons. D’abord les pères les plus instruits sur cette matière, tels que saint Jérôme, saint Chrysostome et saint Hilaire, ne sont pas de leur opinion. En second lieu, le témoignage de ceux que nous combattons n’ayant pour objet qu’un fait historique et non un fait révélé, il n’a pas plus d’autorité que le fondement sur lequel il s’appuie : or, ce fondement, c’est le quatrième livre d’Esdras, ouvrage non-seulement supposé et qui porte sans raison le nom d’Esdras, mais qui est encore rempli de fables, comme l’ont parfaitement démontré Bellarmin , Huet, Noël Alexandre, Dupin, etc.[53]. Ce livre rapporte donc que la loi de Dieu ayant péri dans les flammes, Esdras prit avec lui cinq écrivains, auxquels il dicta, par l’ordre de Dieu, pendant quarante jours, deux cent quatre livres[54]. Remarquons d’abord qu’il est faux que tous les exemplaires de la loi de Dieu aient péri dans l’incendie, comme nous venons de le voir. De plus, pour peu qu’on lise avec attention le récit de cet auteur, on verra que les deux cent quatre volumes qu’Esdras, selon lui, dicta, n’ont rien de commun avec nos

livres saints.
DEUXIÈME PROPOSITION.
Esdras n’a point abrégé les livres sacrés des Juifs.

1. Pour soutenir une opinion aussi singulière que celle qu’a émise R. Simon, quand il dit : « Soit qu’Esdras ait refait de nouveau les livres sacrés, comme quelques-uns d’eux (des pères) l’assurent, ou qu’il n’ait fait que recueillir les anciens mémoires, en y ajoutant, y diminuant et changeant ce qu’il croyait être nécessaire, comme les autres disent avec plus de probabilité, il sera toujours vrai qu’Esdras n’a pu composer ce corps d’Ecriture avec ces changements qu’en qualité de prophète ou écrivain public. Il est de plus certain que les livres de la Bible qui nous restent ne sont que des abrégés des anciens mémoires, qui étaient beaucoup plus étendus avant qu’on en eût fait le dernier recueil pour le mettre entre les mains du peuple[55] » pour soutenir, disons-nous, une pareille opinion, il faudrait avoir à l’appui des raisons bien puissantes : or celles que R. Simon allègue sont de nulle valeur. Car les textes des pères et des auteurs qu’il invoque en sa faveur, ont évidemment un sens tout autre que celui qu’il leur prête, et ses arguments critiques n’auraient de la force qu’autant qu’il aurait démontré que chez les anciens Hébreux les écrivains publics n’étaient point distingués des prophètes divinement inspirés : mais jamais l’Ecriture ni la tradition n’ont confondu ces deux classes ; aussi R. Simon est-il d’une faiblesse extrême dans sa défense contre les attaques dont il a été l’objet à cause de cette opinion[56].

2. Si Esdras avait abrégé les anciens écrits beaucoup plus étendus dans les auteurs originaux, en y changeant, ajoutant ou diminuant, nous ne serions pas sûrs d’avoir dans le Pentateuque l’ouvrage de Moïse, ni dans les prophéties les écrits des prophètes qui les ont composées. Il y aurait au contraire la plus grande probabilité que pas un seul des livres de l’Ancien Testament ne serait l’œuvre de l’écrivain dont il porte le nom, puisque tout écrivain public pouvant, selon R. Simon, abréger, ajouter, diminuer, changer dans les écrits sacrés ce qu’il croyait nécessaire, il est à présumer que tous les scribes publics antérieurs à Esdras ayant exercé ce pouvoir, il n’est resté jusqu’après la captivité qu’une très-petite partie des anciens originaux. Ainsi, pour peu qu’Esdras lui-même, profitant de sa qualité d’écrivain public, ait retranché, ajouté, changé à ces faibles restes des ouvrages primitifs, les Juifs qui ont vécu depuis Esdras n’ont guère reçu des livres saints de leurs pères, au moins d’une manière sûre, que les noms de Moïse, de Samuel, d’Isaïe, de David, etc., qui se lisent en tête de ces livres, comme pour rappeler seulement aux Juifs que leurs ancêtres avaient possédé autrefois des écrits sacrés composés par ces hommes vénérables. Cette réflexion, qui est une conséquence rigoureuse du système de R. Simon, suffirait seule pour le faire rejeter.


TROISIÈME PROPOSITION.
Le travail d’Esdras sur les Ecritures consiste principalement en ce qu’il fit une révision des livres des Juifs, corrigea les fautes qui avaient pu s’y glisser, et dressa un Canon ou Catalogue de tous ceux qui devaient être reconnus comme sacrés.

1. Après ce que nous avons dit dans les questions précédentes, et surtout dans les deux propositions que nous venons d’établir, il est aisé de comprendre que tel a dû être en effet le travail d’Esdras. Car s’il est prouvé, d’un côté, que ce fut de son temps que l’on recueillit en un seul corps d’ouvrage les écrits sacrés du peuple juif, et que lui-même, comme restaurateur zélé de la religion, et prêtre versé dans la connaissance de la loi du Seigneur, dut avoir au moins la plus grande part à la formation du Canon, et, de l’autre, qu’il n’a ni recomposé de nouveau, ni altéré dans leur substance les livres saints, en y faisant des retranchements, des additions ou autres changements considérables, il semble démontré par là même qu’il ne lui restait plus qu’à rassembler le plus grand nombre d’exemplaires des livres sacrés qu’il put trouver, à conférer exactement les manuscrits, à choisir les meilleurs, en faisant disparaître les fautes qui pouvaient s’y être glissées par la négligence des copistes, et à former, au moyen de cette collation, un corps d’Ecritures très-correct, qui, ayant reçu approbation de la Synagogue, devint le code sacré de la nation juive.

2. Indépendamment de cette preuve, nous en avons encore une dans le témoignage constant de la tradition des Juifs et des chrétiens, qui attribuent ce même travail à Esdras ; et s’il est quelques auteurs qui fassent exception, ce sont uniquement ceux qui lui en assignent un plus considérable, la recomposition entière, par exemple, des anciens écrits sacrés.

En disant dans notre proposition que le travail d’Esdras sur les Ecritures consistait principalement dans la révision et la formation d’un Canon complet, nous avons donné à entendre que ce prophète avait fait encore autre chose. On croit en effet assez généralement qu’il a pu mettre quelques liaisons dans certains passages, ajouter quelques explications devenues nécessaires pour l’intelligence du texte, et enfin remplacer par des noms nouveaux les anciennes dénominations de lieux qui étaient tombées en désuétude. Sans nous élever précisément contre cette opinion, nous pensons que, dans l’intérêt même de l’intégrité des Ecritures, on doit la restreindre le plus possible ; d’autant mieux que dans cette partie, l’arbitraire se substitue très-aisément à la critique.

On croit encore, mais avec un grand partage d’opinions pour et contre, qu’Esdras a écrit les livres saints en caractères chaldéens, que les Juifs adoptèrent, à leur retour en Palestine, avec la langue chaldaïque, qui leur avait été familière pendant la captivité. On peut voir dans D. Calmet les raisons sur lesquelles ce sentiment est fondé[57].


SECTION II.
Canons de l’Eglise chrétienne.

Afin que le lecteur puisse mieux saisir ce que nous allons dire touchant les différents Canons des chrétiens, nous lui rappellerons ce qu’il a déjà vu page 5, que les livres tant de l’Ancien que du Nouveau Testament se divisent en proto-canoniques et deutéro-canoniques ; que les proto-canoniques de l’Ancien Testament sont ceux que la Synagogue a admis dans son Canon, et les deutéro-canoniques, ceux que l’Eglise catholique a ajoutés à à ces premiers dans son Canon particulier ; que les proto-canoniques du Nouveau Testament sont les livres qui ont toujours passé dans toutes les églises pour être indubitablement canoniques ; et les deutéro-canoniques, ceux qui ayant d’abord passé pour douteux dans quelques églises particulières ont été ensuite reconnus par ces mêmes églises comme faisant partie essentielle de l’Ecriture sainte.

Or, les livres que l’Eglise catholique a reconnus pour canoniques sont : 1o dans l’Ancien Testament, les cinq livres de Moïse, c’est-à-dire, la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome ; Josué, les Juges, Ruth ; quatre livres des Rois ; deux des Paralipomènes ; le premier d’Esdras, et le second, sous le titre de Néhémie ; Tobie, Judith, Esther, Job ; cent cinquante Psaumes, les Proverbes, l’Ecclésiaste, le Cantique des cantiques, la Sagesse, l’Ecclésiastique ; Isaïe, Jérémie et Baruch ; Ezéchiel, Daniel ; les douze petits Prophètes, qui sont : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie, Malachie ; deux livres des Machabées, le premier et le second. 2o Dans le Nouveau Testament, les quatre Evangiles, selon saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean ; les Actes des Apôtres ; quatorze Epîtres de saint Paul, savoir : une aux Romains, deux aux Corinthiens, une aux Galates, une aux Ephésiens, une aux Philippiens, une aux Colossiens, deux aux Thessaloniciens, deux à Timothée, une à Tite, une à Philémon et une aux Hébreux ; deux Epîtres de saint Pierre ; trois de saint Jean, une de saint Jacques, une de saint Jude, et Apocalypse de saint Jean.

Les livres proto-canoniques de l’Ancien Testament sont tous ceux de ce Testament que nous venons d’énumérer, à l’exception 1o de sept livres entiers, qui sont : Tobie, Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, le premier et le deuxième des Machabées, Baruch ; 2o de quelques fragments, savoir : dans le livre de Daniel, la prière d’Azarias et le cantique des trois enfants dans la fournaise, chapitre III, versets 24-90 ; l’histoire de la chaste Susanne, chapitre XIII ; la destruction de Bel et du dragon, chapitre xiv ; dans le livre d’Esther, les sept derniers chapitres, depuis le chapitre x, verset 4, jusqu’au chapitre xvi, verset 24. Ainsi tous ces livres et ces fragments sont deutéro-canoniques.

La plupart des livres du Nouveau Testament sont proto-canoniques ; il n’y a de deutéro-canoniques que le dernier chapitre de saint Marc, depuis le verset 9 jusqu’a la fin ; les versets 43 et 44 du chapitre XXII de saint Luc c’est-à-dire la sueur du sang de Jésus-Christ sur la montagne des Oliviers, et l’apparition de l’ange ; le chapitre vii de l’Evangile de saint Jean, contenant l’histoire de la femme adultère, histoire qui s’étend depuis le verset 2 jusqu’au verset 49 ; l’Epître de saint Paul aux Hébreux ; celle de saint Jacques, la deuxième de saint Pierre, la deuxième et la troisième de saint Jean ; celle de saint Jude ; enfin l’Apocalypse de saint Jean.

Les protestants n’ont pas tous le même Canon. Luther a rejeté tous les deutéro-canoniques de l’Ancien Testament et presque tous ceux du Nouveau. Calvin a rejeté également du Canon tous les deutéro-canoniques de l’Ancien Testament, mais il a conservé ceux du Nouveau.

Au XVIe et au XVIIe siècle, les protestants ont publié les deutéro-canoniques sous le nom de livres hagiographes et ecclésiastiques ; et ils ont conservé jusqu’à ces derniers temps l’usage de les lire et de les étudier. Ce fut seulement en 1826 que la Société biblique britannique et étrangère décréta la suppression totale des livres deutéro-canoniques de l’Ancien Testament, et qu’elle refusa tout concours aux Sociétés bibliques qui voudraient les conserver dans les Bibles qu’elles publieraient à l’avenir.

Les livres deutéro-canoniques ont donné lieu à des questions dont

plusieurs sont d’une grande importance ; nous allons les traiter successivement.
QUESTION PREMIÈRE.
Les livres deutéro-canoniques de l’Ancien Testament ont-ils jamais fait partie du Canon des Juifs ?

1. Sérarius prétend que les Juifs avaient fait depuis Esdras un nouveau Canon des Ecritures, dans lequel ils avaient introduit les livres de Tobie, de Judith, de l’Ecclésiastique, de la Sagesse et des Machabées[58].

2. Génébrard veut qu’il y ait eu chez les Juifs trois Canons différents, le premier formé du temps d’Esdras ; le second, qui fut composé dans l’assemblée tenue, selon lui, quand on délibéra pour envoyer les soixante-douze interprètes à Ptolémée Philadelphe, et dans lequel on ajouta aux livres contenus dans le premier, Tobie, Judith, l’Ecclésiastique, la Sagesse ; et le troisième, dans lequel une autre assemblée, réunie pour condamner les sadducéens, inséra les livres des Machabées[59].

Ces deux opinions ne nous paraissent pas admissibles ; en voici la raison :


PROPOSITION.
Les Juifs n’ont jamais admis de Canons postérieurs à celui d’Esdras.

Pour être autorisé à supposer qu’il y a eu après Esdras un ou plusieurs autres Canons des Ecritures, il faudrait au moins trouver dans l’histoire ou dans les pères quelques passages favorables à cette supposition : or, non-seulement nous n’en rencontrons aucun de ce genre, mais il s’en offre au contraire plusieurs qui en font voir la fiction et la fausseté, comme l’a si justement remarqué Martianay[60].

1. Joseph dit en termes exprès que les Juifs ne reconnaissent que les vingt-deux livres sacrés qui ont été composés jusqu’au règne d’Artaxerxès, et qu’ils n’ajoutent pas la même foi à ceux qui ont été écrits depuis cette époque[61]. Or Joseph n’aurait pas pu faire une pareille assertion, si les livres de Tobie, de Judith, etc., avaient passé pour canoniques dans sa nation. On peut faire la même réflexion par rapport à saint Jérôme et à saint Epiphane ; jamais ces saints docteurs n’auraient assuré, sur l’autorité des Juifs de leur temps, que le Canon des Ecritures ne contenait que vingt-deux livres, et que tous les écrits qui n’étaient pas de ce nombre devaient être regardés comme apocryphes, si ces mèmes Juifs avaient admis un Canon plus considérable que celui d’Esdras.

2. Il est incontestable que les premiers chrétiens, qui avaient reçu des Juifs, Judith, Tobie, l’Ecclésiastique, etc., considéraient ces livres comme apocryphes ; mais est-il permis de croire qu’ils ne les auraient pas au contraire tenus pour canoniques, s’ils les avaient vus faire partie du Canon de l’Eglise judaïque ? Ainsi il est certain que les Juifs n’ont jamais reçu ni reconnu d’autres Canons des Ecritures que celui qui fut dressé au temps d’Esdras, et publié par l’autorité de la grande synagogue.

Sérarius, il est vrai, allègue en faveur de son sentiment un passage de Joseph, qui, dans le second livre contre Apion, cite comme de l’Ecriture cette sentence : Mulier vero in omnibus pejor viro, cujus nequitia mulierem etiam beneficam superat ; sentence qui paraît tirée de l’Ecclésiastique, chap. XLII, vers. 14 : Melior est iniquitas viri, quam mulier bene faciens. Mais on peut remarquer, avec Martianay, que ces deux maximes ne sont pas tout à fait les mêmes, puisque les mots mulier vero pejor viro in omnibus ne se lisent pas dans l’Ecclésiastique. D’où il est aisé de conclure que Joseph n’a point emprunté la sentence qu’il rap- porte du livre de l’Ecclésiastique, qu’il ne cite pas, mais qu’il la tenait plutôt de la tradition et de l’usage, qui l’avait rendue commune parmi les Juifs, et en avaient fait une sorte de proverbe vulgaire. On peut dire encore avec le même Martianay, que, comme l’ont déjà remarqué quelques savants, Joseph rapporte seulement en cet endroit diverses maximes de Moïse dans des termes différents de ceux de l’Ecriture, et entre autres celles-ci : Mulier vero in omnibus pejor viro, qui a trait à ces paroles de la Genèse : Sub viri potestate eris, et à laquelle quelqu’un a ajouté cette sentence de l’Ecclésiastique : melior est, etc., qui d’ailleurs n’est point du texte original de Joseph, puisqu’elle ne se trouve pas dans l’ancienne version de Rufin[62]. Ainsi l’opinion de Sérarius ne paraît pas assez bien fondée pour prévaloir sur les raisons qui la combattent.


QUESTION DEUXIÈME.
Pourquoi les livres deutéro-canoniques n’ont-ils pus été insérés dans le Canon d’Esdras ?

Il faut d’abord remarquer que les livres deutéro-canoniques n’ont pas tous été composés dans le même temps ; on peut même en former deux classes différentes, si on les considère par rapport à leur origine ; car les uns, tels que Baruch et les fragments d’Esther, étaient composés à l’époque où vivaient Esdras et Néhémie ; et les autres, comme l’Ecclésiastique, la Sagesse et les Machabées, ne l’étaient pas encore. Après cette observation, nous répondons à la question :

1. La deuxième classe des livres deutéro-canoniques n’a pas pu être insérée dans le Canon des Ecritures dressé par Esdras, puisqu’elle n’existait pas encore.

2. Quant à la première classe, il n’est pas facile d’expliquer d’une manière sûre pourquoi elle n’a pas été comprise dans le Canon des Juifs. Cependant on peut le faire au moyen d’une hypothèse qui non-seulement n’a rien de choquant, mais qui n’est pas sans quelque vraisemblance. Il suffit de supposer que ces livres, qui s’étaient perdus, ne furent retrouvés qu’après la clôture du Canon d’Esdras, et que les Juifs refusèrent de les insérer dans ce catalogue. Or, cette supposition est d’autant plus naturelle, que les livres de ces temps anciens n’étaient pas aussi faciles à conserver que ceux d’aujourd’hui. Ils consistaient en de simples rouleaux formés eux-mêmes de feuilles détachées, qui pouvaient par cela même se perdre très-facilement. Ainsi, ces livres égarés ne s’étant pas trouvés sous la main d’Esdras lorsqu’il dressa le Canon, il ne put les y insérer. Il est vrai que dans la suite, lorsqu’on les découvrit, il ne dépendait que de la Synagogue de les ajouter au Canon ; et si elle ne le fit point, c’est sans doute parce qu’elle ne crut pas en avoir le droit, privée, comme elle l’était, de l’autorité prophétique. On sait en effet que depuis Esdras jusqu’à Jésus-Christ, il ne parut d’autres prophètes du caractère de ceux qui réglaient tout avec autorité divine, qu’Aggée, Zacharie et Malachie, qui sont arrivés eux-mêmes trop tôt pour aider la Synagogue dans cette mission. On conçoit aisément que, dans cet état de choses, la divinité de ces livres n’ait point paru assez constatée aux yeux de la Synagogue pour qu’elle crût devoir prendre sur elle seule de les égaler aux autres livres, que l’autorité des prophètes eux-mêmes avait consacrés.


QUESTION TROISIÈME.
La tradition des Juifs est-elle favorable aux livres deutéro-canoniques ?

Ce n’est pas seulement par leur Canon qu’on peut connaître le sentiment des Juifs sur les livres deutéro-canoniques, mais il y a un autre moyen de s’en assurer : ce moyen, la critique elle-même nous le fournit, c’est leur tradition. On sait que la nation juive se divisait en deux classes, l’une formée par les Juifs hellénistes ou parlant grec, lesquels étaient répandus dans tout l’empire romain, et se trouvaient en grand nombre surtout à Alexandrie ; l’autre composée des Juifs de la Palestine qui étaient demeurés à Jérusalem et avaient conservé le langage hébreu. Or, la tradition de ces deux classes est assez favorable aux livres deutérocanoniques. Après ce court exposé, nous croyons pouvoir établir la proposition suivante ;


PROPOSITION.
La tradition des Juifs est favorable aux livres dent deutéro-canoniques.


1. Les Juifs hellénistes regardaient ces livres comme ayant une grande autorité ; car ils se servaient de la version des Septante pour lire l’Ecriture dans leurs synagogues ; ils étaient donc censés recevoir tous les écrits qui se trouvaient dans cette version : or cette version renfermait tous les livres deutéro-canoniques ; d’où il résulte que si ces Juifs n’accordaient pas tout à fait la même autorité à tous les livres contenus dans la version grecque, ils les regardaient au moins comme sacrés, et même comme divins[63]. R. Simon venant de parler des Juifs de Palestine, dit : « Les autres Juifs (c’est-à-dire les hellénistes) lisaient également tous les livres et les considéraient comme divins. Ils ont passé d’eux à l’Eglise dès le temps même des apôtres, qui se sont servis de ce corps de la Bible grecque pour annoncer l’Evangile à toute la terre, et non pas de la Bible hébraïque, qui n’était en usage que chez un petit nombre de Juifs[64]. »

Bertholdt en parlant du Canon de ces deux classes de Juifs, dit : « S’il est hors de doute que les Juifs de l’Egypte n’ont pas inséré dans le Canon proprement dit de l’Ancien Testament les livres apocryphes, il est également certain que déjà avant Jésus-Christ ils les avaient ajoutés à la version Alexandrine comme appendice ; et s’ils ne les mettaient pas au même rang que leurs autres écrits sacrés, ils ne les traitaient pas comme des livres ordinaires : ils les lisaient dans leurs familles, d’abord comme des ouvrages religieux et dont on pouvait tirer un grand fruit, et bientôt après comme saints et sacrés. Ils finirent par les placer même, pour l’usage public, à côté des livres canoniques, sans toutefois les compter positivement (in thesi) parmi ces livres[65]. »

2. Les Juifs de la Palestine accordaient une assez grande autorité aux livres deutéro-canoniques, comme on peut le voir par les témoignages suivants :

Saint Jérôme, qui connaissait parfaitement les usages de ces Juifs, dit en parlant de Tobie et de Judith, que ces deux livres étaient rangés dans la classe des Hagiographes[66].

Origène assure que les Juifs, sans admettre dans leur Caron Îles livres de Tobie et de Judith, ne les mettaient cependant point dans la classe des apocryphes[67] ; ce qui veut dire, dans le langage de ce père ;  ; qu’ils leur accordaient une certaine autorité.

Les Constitutions apostoliques, qui datent du IVe siècle, attestent que les Juifs lisaient le livre de Baruch dans la synagogue à la fête de l’Expiation solennelle ; ce qu’ils n’auraient certainement pas fait, s’ils ne l’avaient pas regardé comme divinement inspiré…

3. Les rabbins eux-mêmes ont rendu aux livres deutéro-canoniques les témoignages les plus honorables ; ainsi l’auteur du Zémach David dit dans sa Chronologie, à l’année 3448, que Jésus Ben Sira a composé le livre qui porte le nom d’Ecclésiastique ; que ce livre est plein de paroles instructives, de leçons de sagesse, etc. ; que le Talmud le classe parmi les Hagiographes[68] ; que les anciens rabbins citent dans beaucoup de passages plusieurs de ses sentences. En parlant du même livre, le rabbin Azarias dit dans le traité Imré binah ch. xxii, qu’il n’est point rejeté par les sages.

Le livre de la Sagesse, que les rabbins attribuent à Salomon, n’est pas traité avec moins de considération.

On peut voir le bel éloge qu’en fait Moïse Nachmanides dans la préface de son Commentaire sur le Pentateuque. Il dit entre autres choses qu’il a vu ce livre écrit en chaldéen[69]. Le R. Azarias, après avoir parlé de la mention qu’en a faite Nachmanides, ajoute dans son Meor hénayim, traité Imré binah, ch. lvii : « Pour moi, il me semble que ce livre a été ou traduit en chaldéen, ou composé[70]. en cette langue par Salomon, pour l’envoyer à quelque roi qui habitait à l’extrémité de l’Orient. Or, Esdras ne s’est occupé que des livres composés par les prophètes qui avaient reçu le degré de prophétie dite de l’inspiration du Saint-Esprit et composé leurs ouvrages dans la langue sacrée. Aussi nos sages se sont-ils conduits avec prudence et intelligence en ne mettant dans le Canon que les livres qu’Esdras lui-même y avait insérés. » En parlant de Judith, au chapitre li, et de Tobie au chapitre lvii, il fait la même réflexion.

Azarias fait encore mention des livres des Machabées aux ch. li et lvi du traité Imré binah.

Il rapporte, au ch. lvii, que l’interprète des chrétiens (saint Jérôme) a écrit qu’il avait traduit Judith et Tobie du chaldéen, mais qu’il n’en a pas été de même de Baruch, parce qu’il fut disciple de Jérémie dans le temps que le premier temple subsistait encore. L’auteur du Juchasin dit, page 12, que Baruch, fils de Néria, a reçu de Jérémie la loi orale ; et page 136, il rapporte l’histoire de la chaste Suzanne de la même manière que Daniel lui-même la raconte.

Joseph dit que les événements arrivés après la captivité ont été écrits par des auteurs dont les ouvrages n’ont pas une aussi grande autorité, parce que dans ce temps-là il n’y a pas eu une succession de prophètes aussi certaine[71]. Ce qui prouve au moins que les Juifs faisaient cependant un grand cas de ces livres.

Ces témoignages sont suffisants sans doute pour démontrer : 1o que si les Juifs de la Palestine n’ont point inséré dans le Catalogue de leurs. écrits sacrés les livres deutéro-canoniques, ils les vénéraient et leur accordaient une grande autorité ; 2o que les Juifs hellénistes les tenaient pour sacrés et divins, quoiqu’ils ne les élevassent pas au même rang que les canoniques proprement dits.

Les critiques protestants prenant ici l’expression écrits sacrés et divins comme synonyme rigoureux de livres canoniques, soutiennent que les Juifs hellénistes n’ont pas pu avoir un Canon différent de celui des Juifs de la Palestine ; ce qui, dans leur sentiment, veut dire que les héllénistes n’ont pas pu admettre les deutéro-canoniques comme livres sacrés. Voyons comment ils appuient leur opinion.


Difficultés au sujet de la tradition des Juifs sur les livres deutéro-canoniques ; et Réponses à ces difficultés.

Obj. 1o Les Juifs hellénistes, disent Hornemann, Eichhorn, Hævernick[72], etc., au rapport de Philon, qui devait être très-instruit dans tout ce qui touchait à la religion de ses compatriotes, étaient en communion avec ceux de la Palestine, puisqu’ils Pont envoyé une fois à Jérusalem pour y offrir dans le temple des sacrifices en leur nom[73]. Or cette seule circonstance prouve suffisamment qu’ils ne devaient pas reconnaître d’autres livres que ceux des Juifs de la Palestine.

Rép. Nous concevons difficilement, ou plutôt nous ne concevons pas la justesse de cette conséquence. Personne n’ignore que les sadducéens par exemple, qui différaient des autres classes de Juifs en beaucoup de points, étaient cependant en communion avec eux. Les Juifs de la Palestine et ceux de l’Egypte pouvaient donc n’avoir pas le même Canon, et professer cependant la même religion dans bien d’autres choses. D’ailleurs cette communion entre les Juifs des deux pays n’était pas aussi étroite qu’on veut bien le dire. Car les hellénistes avaient à Léontopolis un temple élevé en contravention de la loi ; ce qui devait être nécessairement pour les Juifs de la Palestine un grand scandale. Ainsi un temple, un grand-prêtre, des lévites, des sacrifices, réprouvés par la loi mosaïque, n’est-ce pas une différence énorme dans les points les plus importants de la religion ? Peut-on dire après cela que les Juifs hellénistes n’étaient point indépendants de leurs frères de la Palestine ; que leur culte était le même ? « Mais, disent nos adversaires, leur temple était construit selon le modèle de celui de Jérusalem[74]. » Comme si le crime des Juifs d’Egypte avait pu consister seulement dans la forme matérielle du temple ; comme si, au contraire, l’énormité de leur faute ne venait pas d’avoir violé la loi la plus sacrée du code de Moïse, en érigeant par un sacrilège un lieu public et solennel pour les sacrifices ; en créant sans aucun droit un pontife et des lévites ; en un mot en établissant un culte au mépris de la législation, qu’ils regardaient cependant comme divine. Il ne serait donc pas étonnant que ces Juifs, qui différaient d’ailleurs de leurs frères dans la base même de la religion, eussent consacré dans leur Canon particulier des livres que ceux-ci n’admettaient point, probablement à cause de la haine extrême qu’ils portaient à la littérature grecque en général[75].

Obj. 2o Philon aussi bien que le traducteur de l’Ecclésiastique divisent les Ecritures de la même manière que le Canon des Juifs, c’est-à-dire en Loi, en Prophètes et en Hagiographes : or cette même division suppose l’identité de Canon.

Rép. Ce raisonnement n’est point rigoureux. De ce que les Juifs alexandrins divisaient les écrits sacrés comme leurs frères de la Palestine, on ne saurait légitimement en inférer qu’ils n’admettaient que les mêmes livres. Rien, en effet, n’empêche qu’ils en aient eu un plus grand nombre. Il suffit seulement que ceux qui n’étaient pas reçus par les Juifs de la Palestine soient de nature à pouvoir entrer dans lune des trois classes dont se composait le Canon : or, il n’est pas un seul des livres deutéro-canoniques qui ne puisse être rangé très-naturellement dans l’une de ces classes. La chose est par trop évidente pour que nous ayons besoin de la prouver.

Obj. 3o Philon n’a jamais cité les livres deutéro-canoniques, quoiqu’il les connût ; c’est une preuve évidente qu’il ne les regardait pas comme canoniques.

Rép. Si cette manière de raisonner était de quelque poids, il faudrait dire que Philon n’admettait pas non plus comme canoniques les Juges, Ruth, Esther, Daniel, le Cantique des cantiques, les Lamentations de Jérémie, Job et les Paralipomènes, car il ne les cite pas davantage. Mais si tous ces livres n’étaient pas reçus dans le Canon des Juifs hellénistes, ils ne devaient pas l’être dans celui des Juifs de la Palestine ; puisque, selon nos adversaires, le Canon des uns et des autres était absolument le même, Or, ne serait-ce point se couvrir de ridicule que de soutenir que Jes Juges, Ruth, Job, Esther, Daniel, le Cantique des cantiques, les Lamentations et les Paralipomènes, ne faisaient point partie du Canon des Juifs de la Palestine ?

Ainsi, en accordant que par le fait les Juifs hellénistes n’ont pas admis dans le Canon proprement dit de l’Ancien Testament les livres deutéro-canoniques, il n’y a aucun motif suffisant de croire qu’ils n’ont point pu le faire.


QUESTION QUATRIÈME.
La tradition des églises chrétiennes est-elle favorable aux livres deutéro- canoniques ?


Il semblerait au premier abord, et surtout quand on ne consulte que quelques témoins en particulier, que la tradition des églises chrétiennes est opposée aux livres deutéro-canoniques. Cependant en examinant la chose de plus près, et en confrontant avec soin tous les divers témoignages qui s’élèvent en leur faveur, on ne peut manquer de se former une opinion contraire ; aussi regardons-nous comme incontestable Ra proposition suivante :


PROPOSITION.
La tradition des églises chrétiennes est favorable aux livres deutéro- canoniques.


1. Les auteurs du Nouveau Testament ont connu les livres deutéro-canoniques, et s’ils ne les citent pas expressément, ils y font des allusions si claires et si évidentes, qu’il est impossible de s’y méprendre. « Il ne s’agit pas, dit Bossuet, de deux ou trois mots marqués en passant… ce sont des versets entiers tirés fréquemment et mot à mot de ces livres[76]. » Aussi, lorsqu’ils donnèrent les premières éditions de la Bible de Genève, les protestants, qui ne s’étaient pas encore à cette époque déclarés si fortement contre les livres deutéro-canoniques, ne purent s’empêcher de noter à la marge une multitude d’endroits de ces livres qui se rapportaient aux écrits du Nouveau Testament.

« Si on lit avec attention les écrits des apôtres, dit R. Simon, on y trouvera que non-seulement ils lisaient la Bible en grec, mais même ces livres qu’on nous veut faire passer pour apocryphes ; et qu’ils y ont souvent recours. L’Eglise romaine, qui est une des plus anciennes églises du monde, n’a point reçu d’autre Ecriture dans les commencements que cette Bible des Juifs hellénistes, et elle ignorait alors cette vaine distinction des livres canoniques et des livres apocryphes. Les églises d’Afrique, qui sont redevables de leur créance à Eglise de Rome, ont aussi reçu d’elle cette même Ecriture et de la même manière ; comme il parait manifestement des ouvrages de saint Cyprien, qui a donné le noi de Livres divins et inspirés aux livres dont il est question aussi bien qu’au reste de Ecriture… L’on nous oppose en vain les témoignages de quelques docteurs de l’Orient et de l’Occident, qui ont approuvé, dit-on, le Canon des Juifs. Il faut remonter jusqu’à la source et pénétrer les raisons qui ont fait approuver à ces docteurs l’opinion des Juifs de la Palestine. Le commerce qu’ils ont eu avec eux, et la lecture de leurs livres, soit en hébreu ou en grec, les a jetés insensiblement dans une opinion opposée à celle qui était dès les commencements dans l’Eglise. Africanus est un des premiers qui l’ait fortement appuyée, parce qu’il avait une grande connaissance de la littérature juive. Saint Jérôme et Rufin l’ont aussi embrassée pour les mêmes raisons ; au lieu que saint Augustin a suivi la créance commune de son église, et confirmée dans un concile de Carthage[77]. » Ainsi, d’après ces réflexions, dont la justesse paraît incontestable, les apôtres ont donné des livres deutéro-canoniques à l’Eglise primitive comme Ecriture sainte. D’ailleurs qui pourrait jamais croire que la plupart des anciennes églises se soient si bien accordées à regarder ces livres comme divinement inspirés, si les apôtres ne leur avaient enseigné rien de semblable ?

2. L’ancienne version italique, qui remonte jusqu’au temps des apôtres, et qui a toujours été à l’usage de toutes les églises latines jus- qu’à saint Jérôme, contient les livres deutéro-canoniques.

3. Ces livres sont regardés comme faisant partie du Canon sacré des Ecritures par le concile de Rome sous le pape Damase en 379 ; par celui d’Hippone, tenu en 393, et par les conciles de Carthage, célébrés en 397 et 419. Le pape saint Innocent Ier, adressant une lettre à Exupère, évêque de Toulouse, en 405, rangea ces mêmes livres dans le Canon. Le pape Gélase fit de même au concile de Rome tenu en 494 ; d’où l’on voit clairement que dès le Ve siècle les principales églises, celles de Rome et d’Afrique, admettaient les livres deutéro-canoniques. En 4441, le pape Eugène IV, dans son décret aux Arméniens, met sans aucune distinction les deutéro-canoniques parmi les livres sacrés.

4. L’Eglise grecque reconnaît également les livres deutéro-canoniques, et, de son propre aveu, elle est fondée sur son ancienne tradition ; car, dans le XVIIe siècle, les protestants l’ayant engagée à s’unir à eux, voici la réponse qu’elle leur fit dans le concile tenu à Jérusalem en 1670, sous le patriarche Dosithée : « Nous regardons tous ces livres (il s’agissait de ceux qui étaient contenus dans le canon du concile de Trente) comme canoniques, nous les reconnaissons pour être l’Ecriture sainte, parce qu’ils nous ont été transmis par une ancienne coutume ou plutôt par l’Eglise catholique. »

5. On trouve dans saint Ephrem et autres pères syriens et arméniens, des commentaires sur les deutéro-canoniques ; il paraît donc que les églises de Syrie et d’Arménie s’accordaient à reconnaître, par l’usage qu’elles en faisaient, ces mêmes livres comme sacrés et divins.

6. L’abbé Renaudot, qui a fait une étude si approfondie des langues et de la croyance des chrétiens de l’Orient, affirme et prouve en même temps que tous les livres qui sont reçus dans l’Eglise catholique, le sont également par les chrétiens orientaux, tels que les Syriens orthodoxes ou Jacobites, les Nestoriens, les Cophtes, les Ethiopiens et les Armé- niens[78].

7. Dans sa lettre à Africanus, Origène établit comme un fait constant que les livres que les Hébreux ne lisaient point dans leurs synagogues, étaient lus dans les églises chrétiennes, sans aucune distinction d’avec les autres livres divins.

8. Le patriarche de la Réforme lui-même n’a pu s’empêcher de rendre hommage à ces livres : « L’opinion de Luther, dit avec raison M. Malou, fut incertaine d’abord… Il sépara les livres deutéro-canoniques des livres proto-canoniques dans sa Bible conformément au plan du Prologus Galeatus ; mais loin de rejeter ces livres comme inutiles ou dangereux, il en fit les plus grands éloges et regretta que plusieurs ne figurassent, point au Canon. Il dit que le premier livre des Machabées est digne de faire partie de la sainte Bible, et que sa doctrine est non-seulement utile, mais nécessaire. En un mot, il professe à l’égard, des livres deutéro-canoniques un sentiment d’estime profonde et de sincère respect[79].

Ces témoignages déjà si nombreux et si exprès en faveur des deutéro-canoniques, se trouvent corroborés par un grand nombre d’autres peut-être plus positifs encore, qui seront cités dans introduction particulière à chacun de ses livres.

Quant aux difficultés qu’on pourrait élever contre cette proposition,

elles sont exposées un peu plus bas dans la Question huitième.
QUESTION CINQUIÈME.
À qui appartient-il de proposer un Canon des livres saints ?


Il est facile de juger, par ce qui a été dit sur le Canon de l’Eglise judaïque, que les Juifs n’ont reçu pour sacrés et divins que les livres que l’autorité de la Synagogue a déclarés comme tels. Les protestants en général prétendent qu’on doit juger de la canonicité des livres saints par un caractère d’évidence qu’ils croient trouver dans ceux qu’ils reçoivent comme canoniques, ou par un témoignage que Esprit saint rend dans le cœur des particuliers ; et que, par conséquent « il n’est besoin ni de tradition, ni d’autres livres (apocryphes), ni de canons ecclésiastiques, pour compléter le Canon sacré[80], » ou enfin par le consentement de toutes les sectes, comme le veulent ceux qui, à l’exemple de le Courrayer, ont renoncé au caractère d’évidence et au témoignage intérieur rendu par l’Esprit saint. Les catholiques soutiennent que cette règle des protestants est absolument insuffisante, et établissent comme vérité incontestable, que c’est à l’église seule qu’il appartient de décider si un livre est ou n’est pas canonique, et par là même de proposer un Canon des livres saints. Les motifs sur lesquels ils s’appuient sont exposés dans la proposition suivante :


PROPOSITION.
C’est à l’Eglise qu’il appartient de proposer un Canon des livres saints.


1. Les livres saints sont la règle de notre foi, tous les chrétiens en conviennent. Le soin de nous les proposer et de nous les faire connaître doit donc appartenir à ceux que Jésus-Christ a chargés de nous conduire dans les choses qui regardent la foi. Or, comme on le démontre dans le Traité de l’Eglise, ce sont les pasteurs que Jésus-Christ a établis pour nous conduire dans tout ce qui appartient à la foi ; et certes cette décision de là canonicité des livres saints intéresse la foi, puisque c’est d’après eux que notre foi doit se régler. C’est donc à Eglise seule qu’il appartient de nous déclarer quels sont les livres sacrés.

2. De plus, c’est ou l’Eglise, ou le caractère d’évidence, ou les particuliers, ou enfin le consentement unanime des sectes, qui doit nous faire connaître quels sont les livres canoniques. Mais d’abord ce n’est pas le caractère d’évidence que porte le livre lui-même qui peut faire juger de sa canonicité ; car il est des livrés incontestablement canoniques aux yeux mêmes des protestants, qui sont loin d’offrit ce caractère, que portent cependant d’autres livres rejetés par eux hors du Canon sacré. Si, par exemple, on comparait les Paralipomènes avec la Sagesse, en ne consultant que ce caractère d’évidence, ne serait-on pas forcé par l’évidence elle-même de reconnaître que le premier de ces ouvrages, qui ne renferme presque que des généalogies, est bien inférieur à ce dernier, si remarquable non-seulement par l’élévation des pensées, mais encore par les maximes d’une morale si pure, si belle, dont il est rempli ; et d’avouer que rien dans les Paralipomènes, considérés seulement en eux-mêmes, n’indique l’inspiration divine ?

Ce ne sont pas non plus les particuliers, ils en sont incapables ; la plupart d’entre eux, entièrement ignorants, ne sauraient résoudre les questions d’où dépend l’inspiration des livres saints. Ce soin exige évidemment qu’on examine la tradition, l’usage des églises, les écrits des saints pères qui ont cité ces livres ; or cet examen est hors de la portée de la plupart des fidèles. D’ailleurs, comme il n’y a qu’une foi, il faut aussi qu’il n’y ait qu’une règle pour la déterminer ; or, si les particuliers étaient chargés de déterminer les livres qui doivent être la règle de notre foi, comme ils ne s’accorderaient pas entre eux, il y aurait une foule de règles différentes, et par conséquent manque d’unité.

Le consentement unanime des sectes offre des inconvénients qui ne sont pas moins graves. Si en effet la canonicité d’un livre dépendait de la fantaisie des différentes sectes, qui peuvent se multiplier jusqu’à l’infini, il s’ensuivrait une incertitude effroyable dans la doctrine. Il faudrait, par exemple, rejeter aujourd’hui ce qu’on regardait hier comme la parole de Dieu, parce qu’il plairait à une secte extravagante de le rejeter. Il s’ensuivrait encore qu’il faudrait rejeter presque toute l’Ecriture ; puisque enfin les sectaires qui ont précédé les protestants n’ont pas admis tout ce que ceux-ci reçoivent comme Ecriture sainte. C’est ainsi qu’il faudra repousser du Canon l’Evangile de saint Matthieu et les Epîtres de saint Paul, que les ébionites n’admettaient point ; tout le Psautier, puisque les gnostiques n’en voulaient point ; les cinq livres de Moïse, vu qu’il a plu aux ptolémaïstes de les retrancher du Canon ; les Epîtres de saint Paul à Tite, à Timothée et aux Hébreux, qui n’ont pas trouvé grâce aux yeux des marcionites ; l’Evangile de saint Jean et l’Apocalypse, rejetés par les aloges ; les Actes des Apôtres, traités de fables par les sévériens ; et enfin les Proverbes, l’Ecclésiaste, Job, le Cantique des cantiques, parce que Théodore de Mopsueste, qui a eu autrefois tant de partisans, a nié l’inspiration de ses livres, et qu’il à traité le dernier d’ouvrage purement profane. Ainsi le Canon des Ecritures, qui doit être une règle fixe et invariable, variera suivant le caprice des sectes innombrables qui peuvent s’élever dans l’Eglise. Ces raisons suffiraient sans doute pour prouver que c’est à l’Eglise seule qu’il appartient de proposer un Canon des livres saints ; mais son autorité sur ce point s’appuie sur des motifs non moins puissants.

3. On ne peut raisonnablement contester à l’Eglise une autorité qu’elle a exercée dans tous les temps. Or, c’est de ses propres mains que les fidèles ont toujours reçu le dépôt sacré des Ecritures. Ce sont ses décrets qui dans toutes les circonstances ont mis fin aux différends que les hérétiques ou même quelques catholiques ont élevés sur la canonicité de certains livres. Tous les Canons des Ecritures ont été donnés ou par des conciles généraux et particuliers, ou par les souverains pontifes. Et l’autorité de l’Eglise en cette matière est si incontestable, que le concile de Tolède, tenu en 400, va jusqu’à frapper d’anathème quiconque admettrait comme canoniques d’autres Ecritures que celles qui sont admises par Eglise : « Si quis dixerit vel crediderit alias Scripturas esse canonicas, præter eas quas Ecclesia catholica recipit, anathema sit. »

4. Cette autorité de Eglise a été reconnue par les saints pères. Saint Augustin en particulier avoue qu’il n’ajouterait point foi au livre des Evangiles, si l’autorité de l’Eglise ne l’y engageait point[81]. Il dit encore en faveur des Actes des Apôtres, qu’il est obligé indispensablement d’ajouter foi à ce livre et de le regarder comme divin, de même que le livre des Evangiles, à cause que l’Eglise catholique rend un égal témoignage à toutes ces Ecritures[82].

Saint Jérôme, comme l’a justement remarqué D. Martianay[83], s’est aussi déclaré pour ce droit naturel que l’Eglise catholique a eu de tout temps à l’égard du Canon des saintes Ecritures ; il est remarquable qu’après que ce savant père a tant de fois exclu du Canon le livre de Judith, il n’a pas laissé néanmoins de le regarder avec respect et de le traduire même du chaldéen en latin, parce qu’on lisait que le concile de Nicée l’avait mis au nombre des livres sacrés : « Sed quia hunc librum synodus Nicæna legitur computasse, acquievi postulationi vestræ[84]. »

Longtemps auparavant, Origène, voulant venger l’autorité divine des fragments d’Esther contre Africanus, donne pour raison que toutes les églises se servaient de ces fragments, qu’elles lisaient comme des livres divins ; qu’il ne faut pas se conformer aux Juifs et recevoir de ces infidèles la pure parole de Dieu[85]. La même vérité se trouve confirmée par saint Irénée, Tertullien, Eusèbe, saint Clément d’Alexandrie, saint Epiphane, etc.[86]

5. On doit accorder à l’Eglise de Jésus-Christ une autorité au moins égale à celle de la Synagogue. Or, la Synagogue avait le droit de proposer un Canon des livres saints, puisque les protestants mêmes que nous combattons, reçoivent avec tant de respect tous les livres reconnus par cette ancienne Eglise. « Il est donc constant et indubitable, dit judicieusement Martianay, qu’il appartient à l’Eglise de déclarer quels livres les fidèles doivent recevoir au nombre des saintes Ecritures ; et ceux qui, par un pur caprice, refusent aujourd’hui de lui donner cette autorité, sont obligés, ou de rejeter le Canon de l’Eglise juive, ou de dire qu’elle a de grands avantages sur l’Eglise chrétienne dans les points fondamentaux de la foi et de la religion. Car enfin, les protestants peuvent-ils reconnaître et recevoir comme divins les livres du Canon des Juif, sans reconnaître en même temps l’autorité de la Synagogue, qui en a fait le recueil et le catalogue ? Et s’ils attribuent ce pouvoir à la Synagogue, en le refusant à l’Église nouvelle, n’est-ce pas dire hautement que l’Eglise de Jésus-Christ est inférieure à l’ancienne Église, et qu’elle ne lui a point succédé dans le droit de déclarer les Ecritures canoniques ? Et que servira donc à l’Eglise nouvelle d’avoir été formée par la bouche du Fils de Dieu même ; d’avoir été lavée dans le sang de l’Agneau ; et d’avoir reçu toute la plénitude des lumières et des dons du Saint-Esprit ? Que deviendront, dis-je, toutes ces grâces et ces prérogatives de l’Eglise chrétienne, si l’on prétend qu’elle est inférieure à la Synagogue dans les choses les plus essentielles de la créance et de la religion, telles que sont la déclaration des livres sacrés, et l’autorité d’en faire le recueil ? Ouvrons donc les yeux à la raison et aux autres lumières de la foi, et ne soyons pas si aveugles et si entêtés que de disputer à l’Eglise chrétienne un droit que nous avons accordé à la Synagogue en recevant son Canon des livres sacrés[87]. » Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/97 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/98 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/99 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/100 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/101 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/102 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/103 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/104 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/105 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/106 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/107 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/108 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/109 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/110 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/111 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/112 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/113 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/114 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/115 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/116 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/117 Page:Glaire - Introduction historique et critique aux livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, Jouby, 1861, tome I.djvu/118

    uns ont pour auteurs des prophètes favorisés de la prophétie dite de l’Esprit Saint (רוח הקודש) ; les autres ont été composés par des prophètes dont l’inspiration quoique divine, est cependant d’un degré inférieur, qu’on appelle fille de la voix, (בת קול). Les premiers ont été insérés dans le Canon d’Esdras, les derniers ne l’ont point été ; ce sont ceux que nous nommons deutéro-canoniques. On peut voir cette matière amplement traitée par Maimonides dans son More Nébochim traduit par Buxtorf, et dans ses Fondements de la loi, traduits par Vorstius. Joseph de Voisin a recueilli plusieurs passages de ces ouvrages dans ses Observationes in Prœmium pugionis fidei, ainsi que quelques citations d’autres rabbins. C’est d’après lui que nous avons cité nous-mêmes ici deux ouvrages rabbiniques que nous n’avions pas sous les yeux.

  1. La plupart des questions qui regardent la canonicité des Livres saints ont été très-bien traitées dans Sessio quarta Concilii Tridentini vindicata, seu Introductio in Scripturas deutero-canonicas Veteris Testamenti in tres partes divisa per sacerdotem Aloysium Vincenzi, Romæ, typis S. C. de Propaganda Fide, 1842, 2 vol.  in-8o, mais surtout dans la Lecture de la sainte Bible en langue vulgaire, jugée d’après l’Ecriture, la Tradition et la saine raison, par J.-B. Malou, Louvain 1846, 2 vol.  in-8o ; car, pour réfuter plus complètement les diverses erreurs des protestants relatives à la lecture de la Bible, il fait une histoire critique du Canon des Livres saints de l’Ancien Testament ; histoire dans laquelle il montre d’une manière plus développée (que nous n’avons pu le faire nous-même dans cette Introduction) la conformité du Canon publié par le Concile de Trente avec celui qui a toujours été reconnu et admis dans l’Église universelle.
  2. Suicer. Thesaur. Eccles. au mot Κανὼν.
  3. Nous parlerons dans le deuxième article des différents sens que l’on donne à ce mot dans les matières bibliques.
  4. Adv. hœres. lIII, cxi.
  5. Epist. cxiv.
  6. Galat. VI, 16, où Théodoret explique le mot κανὼν par διδασκαλία, et Œcumenius par διδαχή.
  7. Dissert. prélim. sur la Bible, l. I, ch. 1, § 2, note.
  8. Hobb. Leviathan. Spinosa, Tractat. theolog. polit. cx, xi.
  9. Comparez ce qui a été dit sur ce sujet, pag. 15.
  10. Bertholdt, Introd. tom. I, p. 70 et suiv. De Wette, Introd. § 7, 13. Cellérier, Introd. à l’A. T. p. 298 et suiv.
  11. Comparez J. E. Jablonski, Pantheon Ægypt. proleg. p. 94 et suiv.
  12. Euseb. Præp. evang. I, 9, Strabon, Geogr. lXIV, 734, édit. de Xylander. Diog. Laërt. IX, 6. Servius, ad Virgil. Æneid. VI, 72. Onuphr. Panvinus, De Sibyll. et Carmin. Sibyll. p. 309.
  13. Deut.XVII, 18., XXXI, 9, 26.
  14. Ex. xxiv, 7. Comparez dans le Pentateuque avec une traduction française, etc., par J.-B. Glaire, tom. II, les notes importantes, pag. 124, 125 et 176.
  15. Præp. evang. l. XII, cXXII, p. 597. Parisiis, 1628.
  16. Dans les Bibles hébraïques, les נביאים sont subdivisés en ראשונים (Rischônîm) premiers ou antérieurs, qui sont Josué et les livres suivants, jusqu’au deuxième des Rois inclusivement ; et en אחרונים (Aharônim) derniers ou postérieurs, qui sont Isaïe, Jérémie et les autres, jusqu’aux Psaumes exclusivement.
  17. Voy. Suicer. Thes. Eccles. à ces mots.
  18. Hier. Prolog. Galeat.
  19. Philo, Tom. II, p. 475. Jos. Contr. Ap. lI, § 8, Luc. XXIV, 44.
  20. Voici ses propres mots : Ὁ νόμος καὶ αἱ προφητεῖαι καὶ τὰ ἂλλα πάτρια βιβλία : ou bien, ce qui revient au même, au lieu de καὶ τὰ ἂλλα βιβλία, il dit καὶ τὰ λοιπὰ τῶν βιβλιῶν.
  21. Spinosa, Tract. theol. polit.  c. X.
  22. R. Simon, Hist. crit. du V. T. l. I, ch. II.
  23. Bertholdt, Einleit. Tom. I, p. 70 et suiv. De Wette, Einleit. § 13, 14.
  24. Cellérier, Introd. à l’A. T. p. 362.
  25. Mélanges de théol. réformée, 2e cahier, p. 171.
  26. Hottinger, Bibl. orient. pag.  106
  27. Titres primitifs de la révélation, t. I, p. 78.
  28. Comparez les textes des livres des Machabées, de la Sagesse et de Baruch qui fortifient cette assertion, et que nous avons cités au sujet de l’inspiration, pag. 23.
  29. Voy. la Mischna, edit. de Surenhusius, t. iv, p. 409.
  30. Ibid. p. 442.
  31. Ibid. p. 210
  32. Ibid. Comment. R. Bartenora.
  33. Talm. Babyl. Baba bathra, fol. 13, verso ; fol. 15, verso. Quoique les docteurs juifs aient enseigné bien des faussetés au sujet de cette grande synagogue, le fond principal de cette tradition est d’autant plus incontestable, qu’il est parfaitement conforme à l’état des choses, telles qu’elles se trouvèrent au renouvellement de la république juive après la captivité de Babylone.
  34. Contr. Ap. l. 1, § 8.
  35. Voy. Jahn, Introd. in Lib. V. T. pag. 463, 464, 2e edit. ou l’édition allemande, p. II, sect. IV, § 249, pag. 927-932. Hævernick fait à ce sujet une remarque que nous croyons devoir reproduire : « Aujourd’hui l’on met ordinairement la composition de ce livre dans un temps plus moderne. Je suis cependant convaincu que Jahn (loc. cit.) a vu, à cet égard, la vérité. Un savant moderne, certainement impartial, est aussi du même avis (Winer, De utriusque Siracidæ ætate, Erlangen 1832), et ses préjugés sur le Canon l’empêchent d’adopter entièrement cette idée. » Mélanges de théol. réformée, 2e cahier, pag. 173
  36. Eccli. XLVIII, 23, 23. XLIX, 8, 10, 12.
  37. Hævernick prétend que le vers. 10 (Vulgat. 12) du ch. XLIX est une interpolation, et que l’auteur de l’Ecclésiastique a omis à dessein les petits Prophètes, afin de né pas interrompre le fil chronologique de sa narration (Hævern. Einleit. erst. Theil. erst. Abtheil. S. 64). Voyez sur cette opinion déjà soutenue par Bretschneider (Lib. Sirac. græce, pag. 662), ce que nous avons dit dans l’Introduction particulière au livre de l’Ecclésiastique.
  38. « Certum est igitur, dit Huet, Esdram libros sacros dissipatos collegisse, et instaurasse : utcumque vero egregius fuerit iste labor, fructu tamen caruisset, nisi accessisset publica Synagogæ auctoritas, quæ recognovisset opus, et expensum comprobasset, ejusque usum populo concessisset. Quapropter non quâsi Esdræ, sed quasi Synagogæ ipsius opus ab Elia Levita, aliisque rabbinis habitum est. Hinc Thalmudistæ capite primo Babæ bathræ, vaticinia Ezechielis, libram duodecim Prophetarum, Danielis et Estheris libros, a viris synagogæ magnæ scriptos esse definiunt ; quos ab aliis scriptos, ab Esdra collectos suffragio suo synagoga magna firmavit. (Demonstr. evang. Propositio IV. De Can. lib. sacr.Iv.) »
  39. Compar. Esdr. VIII, 10, 11, 12. Neh. viii, 1, 3, etc.
  40. Iræn. Adv. hær. l. II, c. xxi. Cl. Alex. Stromat. l.I Tertull. De habit. mul. c. III. Basil. Epist. ad Chilonem. Chrys. Rom. VIII, in Epist. ad Hebr. Theod. Prœfat. in Psal. Hier. Adv. Helv. Leont. De sectis, act. 2.
  41. Nous reviendrons sur cette matière, et nous la traiterons plus au long dans l’Introduction particulière aux livres des prophètes et aux prophéties de Daniel.
  42. Journal des Savants, octobre 1845, p. 603.
  43. Ces pères sont cités dans la question précédente.
  44. R. Simon, Hist. crit. du V. T. l. I, c.  I.
  45. Haet, Demonstr. evang. Propositio iv. De Can. libr. sacr. no 4. Voy. surtout Bible de Vence, IIe Dissert. sur Esdras en tête de ce livre ; on y trouve les termes mêmes dans lesquels les pères se sont exprimés et la manière dont on peut les expliquer.
  46. Esdr. VII, 6.
  47. Bible de Vence, IIe Dissert. en tête du livre d’Esdras
  48. Dan.IX et compar. Lev. XXVI, Deut. XXVIII
  49. Tob. II, 6.
  50. Amos. VIII, 10.
  51. Comp. Esdr. vi, 18, avec vii, 9 et suiv.
  52. Journal des Savants, octobre 1845, p. 603.
  53. Bellarm. De Verbo Dei, lII, c. V, c. v. Huet, Demonstr. evang. loc. cit. Natalis Alex. Hist. Eccl. V. T, œtate mundi VI, Disert. IV. Ellies Dupin, Dissert. prélim. l. I, c. IV, § 3.
  54. 4 Esdr.XIV, 19 et suiv.
  55. R. Simon, loc. cit. et dans ses Lettres. ;
  56. Voy. Ellies Dupin, Diss. prélim. l.I, c. II, §4. Carpzovius, Introd. ad libr. Bibl. V. T, Part. III, c. III, § 24, et Crit. sacra. Part. I, c. I, §5.
  57. D. Calmet, Dissert.  où l’on examine si Esdras a changé les anciens caractères hébreux. tom.  I. Cette dissertation a été reproduite dans la Bible de Vence et placée en tête du livre d’Esdras. Le sentiment contraire à celui de D. Calmet a été soutenu avec chaleur par Albert Schultens, dans ses Institutiones ad fundamenta linguæ hebr. pag. 15-20. On peut consulter encore sur cette question, W. Gesenius, Geschichte der hebraïschen Sprache und Schrift.
  58. Serar. Prolegomena biblica, cap. VII, quæst. XVI.
  59. Genebr. Chronol. l. I.
  60. D. Jean Martianay, IIe Traité du canon des livres de la sainte Écriture, pag. 96.
  61. Joseph, Contra Ap. l. I, § 8.
  62. D. J. Martianay, loc. cit. pag. 93, 94.
  63. Les Juifs ont toujours accordé plus d’autorité aux livres de Moïse qu’aux Hagiographes ; cependant cela ne les empêchait pas de tenir ces derniers pour sacrés et divinement inspirés.
  64. Réponse aux sentiments de quelques théologiens de Hollande, chap. XI, pag. 110.
  65. Bertholdt, Einleit, I § 33, S. 97, 98.
  66. Hieron. Prœf. in libr. Tobiæ et Præf. in libr, Judith. Au lieu de Hagiographa, les manuscrits les plus anciens et les plus corrects portent, selon Martianay, Apocrypha. Plusieurs raisons motivent en effet cette dernière leçon ; d’abord le contexte même : Librum utique Tobiæ, quem Hebrœi de catalogo Scripturarurn secantes, his quæ apocrypha memorant, manciparunt… Apud Hebræos liber Judith inter apocrypha legitur ; cujus auctoritas ad roboranda illa quæ în contentionem, veniunt, minus idonea judicatur. Certes le saint docteur n’aurait pas employé ce langage s’il avait voulu parler des Hagiographes, regardés par les Juifs comme ayant une autorité divine et faisant partie essentielle dé leurs Ecritures. Ce qui confirme encore la leçon apocrypha, c’est que le même saint Jérôme, après avoir donné dans son prologue Galeatus la liste détaillée des vingt-deux livres canoniques des Juifs, sans faire mention des deutéro-canoniques, ajoute : Hic prologus Scripturarum quasi Galeatum principium, omnibus libris quos de hebræo vertimus in latinum, convenire potest : ut scire valeamus, quidquid extra hos est, inter apocrypha esse ponendum. Igitur Sapientia, quæ vulgo Salomonis inscribitur, et Jesu filii Sirach liber, et Judith, et Tobias, et Pastor, non sunt in Canone. Jahn prétend, il est vrai, que Martianay viole la règle de critique qui veut que l’on préfère la leçon la plus difficile, c’est-à-dire, celle qui rend le passage plus difficile à expliquer (Einleit. I, Theil. § 29, S. 136) ; mais cette loi de critique n’est applicable que dans le cas où aucune circonstance particulière ne détermine comme exacte et seule vraie la leçon la plus facile. Ainsi la leçon apocrypha nous paraît plus probable. Cependant en accordant cela, il s’ensuivra seulement que ces livres ne faisaient pas partie du Canon des Juifs, et par là même qu’ils n’avaient pas toute l’autorité des livres canoniques, mais non pas qu’ils n’en avaient aucune, parce que dans cette hypothèse les Juifs se seraient bien gardés d’en faire usage. Voy. pour le sens du mot apocrypha, l’Art. II.
  67. Orig. Epist. ad Africanum ; n. 13, pag. 26. Édit. des Bénédictins. Voy. pour le sens du mot apocryphe, l’Art. II.
  68. בכלל כתובים Il faut remarquer que dans le langages des rabbins, le mot Kethoubim ou Hagiographes désigne deux classent différentes d’écrits inspirés ; les
  69. מתורגם litt. écrit en langue de Targum, c’est-à-dire en araméen (ארמי) comme l’a expliqué R. Azarias.
  70. Le texte donné par de Voisin porte שחובר ; il faut certainement lire שחובר car le verbe ובר est très-usité parmi les rabbins dans le sens de composer un livre.
  71. Joseph. Contr. Ap. l.I, § 8.
  72. Hornemann, Observat. ad illustr. doctr. de Canone V.  T. ex Philone, pag. 28, 29. Eichhorn. Einleit. 1, § 21, 22. Hævernich, Einleit. erst. Theil. erste Abthetfung. S. 69, ff., et Mélanges de théol. réformée ; 2e cahier, pag. 214 et suiv.
  73. Philon, Opera. Tom. II, pag. 646, édit. Mangey.
  74. Hævernick, loc. cit.
  75. Le Talmud défend d’enseigner la lange grecque aux enfants. Il maudit même le père qui l’apprendrait à son fils.
  76. Bossuet, Projet de réunion, etc. Lettre XLI, Tom. xxvi, p. 508, édit. de Lebel. Huet cite tous ces passages dans sa Démonstration évangélique.
  77. R. Simon. Réponse aux sentiments de quelques théol. de Hollande, ch. XI, pag. 110, 111. Cette remarque de R. Simon se trouve confirmée par une observation tout à fait analogue que fait Bossuet dans son Projet de réunion, etc. Lettre XLI, Tom. XXVI, pag. 363, édit. de Lebel.
  78. Perpétuité de la foi. Tom. V, ch. VII.
  79. J. B. Malou, La lecture de la sainte Bible en langue vulgaire, etc., tom. II, pag. 110.
  80. Hævernick, Mélanges de théologie réformée, 2e cahier, p. 241. L’auteur montre de la manière la plus évidente, l’embarras ou plutôt l’impossibilité absolue des protestants de pouvoir jamais établir solidement un point de doctrine, quand ils veulent s’en tenir à leurs principes. Tout le § 11 de Hævernick n’est qu’un sophisme assez mal déguisé.
  81. « Ego vero Evangelio non crederem, nisi me Ecclesiæ catholicæ commo veret auctoritas (Aug. Contra Epist. fund. c. V, n. 8, tom. VIII). »
  82. « Actuum Apostolorum libro necesse est me credere, si credo Evangelio ; quoniam utramque Scripturam similiter mihi catholica commendat auctoritas (Ibid.). »
  83. J, Martianay, IIe Traité du Canon des livres de la sainte Ecriture, etc., pag. 248.
  84. Hier, Prœf. in Lib. Judith.
  85. Orig. Epist. contra Africanum. Tom. I. pag. 15-17.
  86. Iræn. Adv. hœres. l. III, c. i, ii, xi. Tertull. lib. de Pudicitia. Euseb. Hist. l.iv. c. xxiv, xxv. l. vi. c. xii, xxv. Clem. Alex. Strom. l. III. Epiph. Hœres. 42.
  87. J. Martianay, IIe Traité du Canon des livres de la sainte Ecriture, etc. pag. 250 et suiv.