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L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Auteur de l’Imitation

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Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 17-18).


II. AUTEUR DE L’IMITATION


Jusqu’au xviie siècle, l’Imitation a été attribuée, sans grandes contestations, à Thomas A Kempis, c’est-à-dire de Kempen, chanoine de Saint-Augustin, à Windesheim (+ 1461), qui, de l’aveu de Mabillon, jouissait encore, en 1651, de la possession fiduciaire. Profitant du caractère anonyme de ce livre, poussés par l’esprit de corps et un sentiment national exagéré, des Bénédictins italiens imaginèrent d’attribuer l’Imitation à Gersen, abbé de Saint Etienne de Verceil, vers 1250 ; et des savants français la revendiquèrent en faveur de Jean Charlier (de Gerson), le célèbre chancelier de l’Université de Paris. D’autres érudits l’ont attribuée à saint Bonaventure, à saint Bernard de Clairvaux, à Henri Kalkar ou Ludolphe de Saxe. Ces controverses ont désespéré certains critiques modernes qui, pour se tirer d’embarras, ont affirmé que l’Imitation n’était qu’une compilation impersonnelle de divers au teurs mystiques du moyen âge.

Le R. P. Backer (S. J.) donne le catalogue chronologique des ouvrages imprimés ou manuscrits relatifs à la contestation sur l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ. De 1615 à 1864, il décrit 833 études imprimées et il études manuscrites.

Depuis 1864 on en a publié un très grand nombre, comme on le verra par la bibliographie que nous donnons p. 21. La lecture des principales études sur ce sujet ne nous permet pas de nous prononcer d’une manière certaine, mais les preuves extrinsèques ou témoignages, et les preuves intrinsèques ou caractères du style, de la doctrine, etc., nous semblent favorables à Thomas A Kempis.

Pour dirimer la controverse ou du moins faire faire des progrès à la question, nous croyons qu’il faudrait étudier avec plus de soin, en mettant à contribution toutes les ressources de l’érudition actuelle, les manuscrits anciens et les sources de l’Imitation.

Les indications données suffisent pour atteindre notre but qui est d’instruire, d’édifier et de faciliter les études approfondies.

Les réflexions de U. S. de Sacy nous paraissent dignes d’être reproduites :

C’est, il me semble, une des beautés morales de ce livre, que l’incertitude qui plane sur le nom de son auteur ; c’est une grâce spéciale par laquelle Dieu a voulu glorifier l’humilité du pieux auteur, quel qu’il soit. Au point de vue même purement littéraire, il est beau que l’Imitation de Jésus-Christ n’ait pas d’auteur certain. Il n’y a pas d’auteur à un livre comme celui-là. L’auteur c’est l’humanité chrétienne tout entière. Comme les poèmes d’Homère étaient le livre de toute la Grèce, ou plutôt étaient le génie grec lui-même. L’Imitation de Jésus-Christ est le résumé de tous les sentiments chrétiens, l’âme chrétienne elle-même. Des livres de cette nature (ll y en a bien peu !) absorbent leur auteur et le font oublier ; il se perd en quelque sorte dans sa gloire, et son œuvre adoptée par l’humanité n’est plus l’œuvre de personne elle est l’œuvre de tous… (U. S. DE SACY, Ouvrage cité, Préface, p. x et xi.).

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