La Découverte de l’Amérique par les Normands vers l’an 1000/Chapitre 3

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Société d'Édition Maritimes, Géographies et Coloniales (p. 17-19).


CHAPITRE II


GENRE DES SAGAS


La littérature scandinave nous a transmis deux sortes de récits qui ont d’ailleurs de nombreux points communs : les Eddas et les Sagas proprement dites.

Les Eddas[1] sont tantôt en vers, tantôt en prose. On en connaît deux :

La première, plus ancienne, qu’on appelle aussi l’Edda de Soemund le Sage (mort en 1133), remonte peut-être au vie siècle. Elle donne l’impression d’une très ancienne tradition païenne.

La deuxième, l’Edda en prose, fut recueillie par Snorre Sturleson (mort en 1241). Elle est probablement l’œuvre de plusieurs auteurs.

Les Eddas racontent la théogonie païenne et chantent les demi-dieux du panthéon nordique. L’Edda poétique comprend un certain nombre de chants ou de poèmes mythologiques. Les plus célèbres sont :

La prédicition de Wela, qui relate la création du monde et son développement ; la Havamal ou les règles d’Odin ; le poème d’Hymer, scène bacchique des dieux invités chez Œgir, etc…

Dans l’Edda en prose, les parties les plus remarquables sont : Le Préambule, mélange de traditions sur les origines scandinaves où l’on retrouve les vieilles légendes juives, grécoromaines et locales ; le voyage de Gyld dans Asgord, le pays des Ases[2] ; la Braga roedar l’entretien de Braga avec Œgir sur les exploits des dieux, etc…

Les Sagas sont fort nombreuses, la Bibliothèque des Sagas de Müller [23] en contient plus d’une centaine. Ces Sagas sont d’importance très diverses tant par leur longueur que par leur sujet.

On les classe généralement en :

Sagas mythiques, qui comprennent les « Volsungen », proches parentes des « Niebelungen » germaniques, parenté bien naturelle d’après les origines ethniques. Les auteurs y chantent les exploits de Sigurd, d’Attila et autres.

Sagas romantiques qui relatent plus spécialement un incident de la vie d’un homme, parfois d’une famille, une aventure guerrière ou maritime. Ce sont des sources infiniment précieuses. Elles éclairent pour nous la civilisation nordique par la peinture de ses mœurs, sa mentalité et ses croyances.

Sagas historiques qui ne sont qu’une section des précédentes.

Les Sagas romantiques les plus connues sont : la Saga de Njal du xe siècle, l’histoire de Njal et de sa famille, ses démêlés avec la justice, l’amour de sa femme et leur mort épouvantable ; la Saga de Gretti, mélange de réalisme et de superstition ; la Saga de Laxdoela, très littéraire ; la Saga de Hen Thore, histoire de commerce ; la Saga de Kormak, histoire d’amour ; la Saga de Gunnlaug, sentimentale et tragique ; la Saga de Bardamanna, humoristique, la Saga de Jomsvikinga, histoire de cape et d’épée des Vikings de Jomsburg ; la Saga d’Egil.

Les Sagas historiques qui relatent la découverte et la colonisation du Groenland et du Vinland sont connues sous les titres de Saga de Firik le Rouge et Saga de Karlsefni[3]. Ce sont ces Sagas que nous étudierons spécialement et dont nous donnerons la traduction in extenso.

L’exposition et le style des Sagas en général, et des Sagas historiques en particulier, sont assez monotones, ou tout au moins, il nous paraît ainsi. Mais il ne faut pas oublier que les Sagas n’étaient pas, à l’origine, destinées à être lues, mais bien à être dites. Un beau discours paraît souvent froid et plat à la lecture, en l’absence des inflexions de voix, du sentiment et du timbre de l’orateur. De plus, l’auteur, nous le verrons, ne recherchait probablement pas l’éclat des mots, mais bien plutôt le relief des faits.


  1. Edda « arrière grand’mère » en danois ancien.
  2. Les Ases sont les trente-deux compagnons d’Odin. Asgord est le centre du monde.
  3. Voir l’introduction au sujet de ces titres.