La défense des Vosges dans la vallée de la Meurthe/3

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III

Les Allemands évacuèrent Badonvillers et se retirèrent sur Montigny ; un détachement d’environ six cents hommes vint occuper Azerailles.

Dans la nuit du 25 au 26 septembre, le commandant Brisac tentait d’enlever par surprise cette garnison d’Azerailles ; ce coup de main devait s’exécuter de concert par le bataillon de la Meurthe, la 4e compagnie du 3e bataillon des Vosges, (capitaine Ostertah) les francs-tireurs lorrains, les francs-tireurs du Doubs et une autre compagnie du 3e bataillon des Vosges qui était de grand’garde à Bertrichamp. Malheureusement il échoua ; la compagnie de Bertrichamp manqua au rendez-vous et toute la nuit ce ne fut qu’un chassé-croisé, puis une débandade. Aux premières lueurs du jour le commandant rentra à Raon-l’Étape presque seul. La nuit suivante la compagnie de Bertrichamp décampait laissant Raon à découvert.

Le 27 septembre, l’ennemi (c’était toujours la colonne de la landwehr de la garde) attaque Raon-l’Étape vers midi. Il est repoussé par le commandant Brisac qui rassemble en toute hâte son bataillon et le porte en avant sur la route de Baccarat ; le commandant était soutenu par les francs-tireurs de Colmar qui avaient escaladé la côte de Raon. Les deux batteries ennemies du Clairupt tiraient sur le faubourg, et derrière elles venait l’infanterie bavaroise.

Bientôt les tirailleurs ennemis sont aux abords du bois des Haies, ouvrant un feu violent de mousquetterie auquel répondent les francs-tireurs postés sur la côte et appuyés par une partie du bataillon de la Meurthe. L’autre partie du bataillon occupait le faubourg qui avait été vivement barricadé ; les tireurs étaient à toutes les fenêtres, tandis que les francs-tireurs de Neuilly se déployaient sur la rive gauche de la Meurthe.

Les Allemands semblèrent d’abord avoir l’avantage et gagner du terrain, lorsque, tout à coup, vers 4 heures, leur feu se ralentit pour cesser complètement. Vivement ils viennent relever leurs morts et leurs blessés et se replient en bon ordre. Le commandant Brisac les fit poursuivre jusqu’à Bertrichamp et revint à Raon laissant la première compagnie de son bataillon de grand’garde au Clairupt.

Le même jour le Préfet des Vosges télégraphiait ce succès au ministre de la guerre.

Il sera intéressant, au sujet de l’attaque de Raon-l’Étape, de lire cette lettre qu’un franc-tireur de Colmar adressait à son oncle, et qui était reproduite immédiatement par le Journal de Thann :

Mon cher oncle,

« Le 27 de ce mois j’ai reçu le baptême de feu et je me trouve sans une égratignure. Je vais vous raconter notre petit combat. La veille de cette fameuse journée, j’allais me coucher dans la salle qui sert de magasinage du chemin de fer de Raon, lorsque le capitaine me rencontrant, me demanda de chercher 15 hommes de bonne volonté pour garder un pont de chemin de fer voisin, qu’on devrait faire sauter si les Prussiens essayent de le dépasser. Je me rendis donc avec un sergent, un caporal et dix des nôtres au village de Thiaville où se trouvait ce pont. Je fis quatre heures de garde cette nuit sans rien voir, mais le matin vers midi au moment de me mettre à table, la sentinelle cria « aux armes ! » Elle voyait l’ennemi s’avancer au galop vers Raon-l’Étape. Nous courons pour prévenir en ville, et ma foi ! il était temps. Notre capitaine était absent, les officiers nous rassemblèrent aussitôt et nous nous dirigeâmes vers la montagne. Nous y étions à peine, qu’une pluie de balles, d’obus et de boulets vint nous avertir que l’ennemi connaissait notre position. Nous en prîmes une autre et à notre tour nous nous mîmes à canarder d’une belle façon. Nous nous battîmes pendant 3 heures ½ ; nous étions 200 hommes contre 800 prussiens et deux pièces d’artillerie. L’ennemi se retira avec une trentaine d’hommes hors de combat, tandis que de notre côté nous n’avions eu qu’un seul mort, un jeune homme de Rambervillers, arrivé le matin même de permission…

« Victor Engel,
« franc-tireur de la Cie de Colmar. »

Ce qui avait brusqué le dénouement, c’est la chute du commandant bavarois tué dans le combat. Ses officiers avaient sonné la retraite et emporté son corps. De notre côté on comptait seulement trois morts et quelques blessés.

Le 30 septembre, le 3e bataillon des mobiles des Vosges (lieutenant-colonel Dyonnet) parvenait à Raon ; arrivait en même temps le commandant Perrin, officier d’artillerie, qui prenait le commandement en chef de toutes les forces de la région. Il venait en effet d’être nommé au commandement supérieur des Vosges.

Il commença par faire opérer sommairement autour de la ville des travaux de fortification et de retranchements. Il plaça la 8e compagnie du bataillon de la Meurthe à Celles, pour défendre la route de Schirmeck ; les francs-tireurs de Mirecourt à Senones, ceux de la Seine à Moyenmoutier, ceux de Neuilly aux environs de Saulcy. Son flanc gauche ainsi protégé contre les attaques de l’ennemi, il espérait pouvoir se porter lui-même avec le gros de ses forces au devant du général de Degenfeld qui s’avançait vers les Vosges.