La défense des Vosges dans la vallée de la Meurthe/2

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II

La vallée de la Brüsche était défendue par un détachement de francs-tireurs lorrains et de francs-tireurs du Doubs, sous les ordres du lieutenant de Klopstein et du capitaine Schmidt, campés à Schirmeck. Le lieutenant de Klopstein avait voulu lui-même, déguisé en paysan, faire une reconnaissance dans cette vallée jusqu’à Mutzig, où il constatait la présence des Prussiens, le 15 septembre. Le jeudi 22 septembre, de cinq heures à neuf heures du matin, ce détachement de francs-tireurs était aux prises près de Mutzig avec un détachement badois formé d’un bataillon, d’un escadron et de deux pièces d’artillerie, commandé par le major Helel. Pour ne pas être enveloppés, les nôtres durent se replier sur Oberhaslach ; les Allemands alors s’avancèrent jusqu’à Schirmeck qu’ils occupèrent dans l’après-midi, après un nouvel engagement avec une cinquantaine de francs-tireurs qu’on y avait laissés et qui leur tuèrent une vingtaine d’hommes. Le lendemain la colonne allemande évacuait la ville précipitamment[1].

Le 19 septembre, le deuxième bataillon des mobiles de la Meurthe, venant de Langres, arrivait à Épinal, d’où il poussait jusqu’à Remiremont ; le 20 il était à Gérardmer, et le 21 il campait près de Saint-Dié, au lieu dit le Haut-d’Anould. On l’avait expédié dans les Vosges avec la consigne de faire sauter le tunnel du Lutzelburg. Son chef, le commandant Brisac avait laissé le bataillon à Épinal, et avec le capitaine Varaigne et M. Pignatel, de Sarrebourg, était venu étudier sur place les moyens à prendre pour détruire le tunnel. Mais les événements se précipitaient, et nos explorateurs, à leur retour, trouvent envahis déjà les villages et toute la région. Le pays était même si fortement occupé par l’ennemi, que le commandant Brisac et ses deux compagnons faillirent être enlevés par une reconnaissance badoise, lancée à leur poursuite ; ils ne purent s’échapper que grâce au dévouement de M. Marotel, de Badonviller.

Le 22 septembre, le commandant retrouvait son bataillon au Haut-d’Anould et, dans la nuit du 22 au 23, il se portait en avant sur Raon-l’Étape, menacé par une colonne allemande : un bataillon de la landwehr de la garde, deux pelotons de hussards, deux canons, venant de Badonviller.

Arrivé à Raon le 23, le commandant Brisac apprend la présence de l’ennemi dans la vallée de Celles. Il se porte à sa rencontre à la tête de son bataillon, que renforcent les quatre compagnies de francs-tireurs de Luxeuil, de Neuilly, de Colmar. Ils marchent sur deux colonnes. La colonne principale suit la rive gauche de la Plaine, les francs-tireurs de Colmar constituent l’avant-garde. La deuxième colonne qui est chargée d’appuyer la première, est composée des 1re et 3e compagnies, avec le capitaine Mézières ; elle suit la rive droite de la Plaine, et a pour mission de marcher sur Pierre-Percée dans le but de couper aux Allemands leur ligne de retraite sur Badonviller. Les francs-tireurs de Luxeuil formaient l’avant-garde.

La colonne principale atteignit Celles juste à l’heure où les francs-tireurs de Luxeuil se heurtaient à une compagnie ennemie d’environ 500 hommes, commandée par 3 officiers montés, près de la scierie Lajux.

« Les éclaireurs des deux partis se rencontrent sous bois et engagent aussitôt un combat corps à corps. Le feu devient très vif et dure depuis 2 h. ½ jusqu’à 4 heures. M. le capitaine Mézières qui, malgré son infériorité numérique, n’avait cessé de défendre le terrain pied à pied, s’aperçut alors que les Prussiens abandonnent la position, en emportant leurs morts et leurs blessés. Nos pertes furent, au bataillon, quatre hommes tués, trois blessés grièvement » [2].

À Celles, l’avant-garde de la colonne principale échangeait quelques coups de feu avec l’extrême arrière-garde d’une compagnie ennemie, lorsqu’un exprès du capitaine Mézières vint prévenir de la rencontre de Lajux. Le commandant Brisac voulut poursuivre l’ennemi en retraite sur Pierre-Percée, où il arriva trop tard pour empêcher la jonction des deux partis ennemis. On essuya quelques coups de feu seulement avec l’arrière-garde qui s’échappa à travers bois.

Les deux colonnes rentrèrent à Raon, laissant à Celles une compagnie du bataillon et les francs-tireurs de Colmar ; les francs-tireurs du Doubs et les francs-tireurs lorrains engagés la veille à Mutzig, survenaient de leur côté, venant d’Oberhaslach, passant entre les deux Donons.

Le même soir, le Préfet des Vosges averti, télégraphiait au Ministre de la Guerre pour lui signaler ces trois affaires de Lajux, de Pierre-Percée et de Schirmeck. Le 24, le commandant Brisac dépêchait un double courrier avec des rapports au général Besançon et au Préfet. Ce dernier fut affiché à la Préfecture.

En même temps le commandant demandait du renfort. On lui annonça l’envoi du troisième bataillon des mobiles des Vosges et de deux compagnies de Saône-et-Loire, tandis qu’on dirigeait aussi sur Saint-Dié le premier bataillon des mêmes mobiles.


  1. Voir dans la brochure de M. H. Bardy, Saint-Dié pendant la guerre, le récit de cette occupation de Schirmeck, fait par M. Ch. Grad, pp. 36, 37.
  2. Journal de marche du 2e bataillon de la Meurthe.