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Le Tour de France d’un petit Parisien/1/16

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Librairie illustrée (p. 179-188).

XVI

À Amboise

À l’est de Blois, sur le Cosson, dans un étroit sillon creusé au milieu d’un plateau boisé, s’élève l’immense château de Chambord, que François Ier fit édifier avec splendeur à la place d’une ancienne maison de vénerie.

Ce fut vers cette somptueuse résidence, dont le propriétaire actuel vivait exilé à Froshdorff, que l’historiographe Pascalet entraîna ses amis le jour suivant. Ils avaient pris une voiture à deux chevaux.

Après avoir remonté la Loire sur une levée ombragée de peupliers, jusqu’à Saint-Dié, ils s’éloignèrent brusquement du fleuve pour traverser les vignes chétives et les maigres campagnes de la Sologne, couvertes d’étangs d’eaux stagnantes.

Le domaine de Chambord est complètement enclos par un mur de trente-cinq kilomètres de développement.

Nos touristes avaient pénétré dans cette vaste enceinte par l’une des six portes, à chacune desquelles est un pavillon habité par un garde, lorsque tout d’un coup le château surgit à leurs yeux comme une merveille de féerie, imposante et pleine d’inattendu.

La principale façade du château de Chambord se dressait devant eux sur une étendue de plus de cent cinquante mètres. Du milieu de l’édifice, où s’arrondissait de chaque côté du donjon central une vaste tour, s’élevaient avec profusion des toits aigus percés de larges fenêtres, des lanternes, de hautes cheminées entourant un belvédère surmonté d’un campanile découpé à jour, d’une extrême légèreté et d’une grande richesse de détails. À droite et à gauche de cet ensemble si harmonieux, deux corps de logis allaient rejoindre les opulentes tours d’angles, à toits pointus, terminées par une lanterne ; tours qui se répétaient aux extrémités des constructions constituant la façade opposée du château, qui a la forme d’un carré long.

Jean regardait, émerveillé ; il est certain que Chambord n’a rien d’équivalent ni en France ni en Italie. Mais le jeune garçon avait hâte de trouver à qui parler. Depuis que la voiture avait pénétré dans l’enceinte du domaine, il regrettait qu’on ne se fût pas informé au garde du pavillon d’entrée de cet Isnardon qu’il voulait absolument trouver. Tandis qu’il mesurait de l’œil la hauteur du belvédère, Modeste Vidal avisa un gardien qui s’approchait d’eux. Faisant quelques pas vers lui, il lui dit :

— Nous voudrions visiter le château ; mais auparavant vous pourrez peut-être nous fournir un renseignement… à savoir s’il n’y a pas dans le personnel préposé à sa garde, un ancien sergent nommé Vincent Isnardon.

Le gardien se recueillit un moment et répondit en secouant tristement la tête :

— Le personnel n’est pas nombreux ; le château compte quatre cent quarante pièces, mais elles sont démeublées et ne demandent pas un grand entretien… Au surplus il n’y a personne du nom que vous dites.

Jean survint et n’entendit que ces derniers mots. Il échangea avec le musicien un geste de désappointement.

M. Pascalet mis au courant de la réponse qui avait été faite, conserva son calme et sa confiance.

— Très bien, mon enfant, dit-il à Jean, nous finirons par réussir. À te dire vrai, je n’étais venu à Chambord que pour toi, car je sais que cette résidence, veuve de son maître, est telle que je l’ai vue autrefois. Vous savez, Vidal, continua-t-il, mais Jean ne sait sans doute pas, que le château de Chambord a été arraché aux mains de la bande noire, qui allait morceler ce vaste domaine. Une souscription publique a permis de l’offrir au duc de Bordeaux. »

» Auparavant, le château, son parc et toutes les fermes qui en dépendent, avaient été donnés en dotation à la Légion d’honneur, pour y établir une succursale de la maison d’éducation de Saint-Denis, ouverte aux filles des légionnaires. Mais Napoléon Ier racheta le château et les terres, et érigea le tout en principauté de Wagram au profit du maréchal Berthier : c’est la veuve du maréchal qui mit le château en vente avec l’autorisation de Louis XVIII. C’est que, voyez-vous, un pareil cadeau est embarrassant. Il y a bien autour du château des forêts spacieuses, peuplées de cerfs, de chevreuils et de sangliers ; des garennes, de nombreux terriers et de grandes prairies, y fixent le gibier de poil et de plume ; le Cosson qui traverse le parc est poissonneux ; ses bords encombrés de joncs et de roseaux servent de retraite aux oiseaux aquatiques ; mais que peut faire de toute cette abondance un propriétaire qui vit ici dans l’isolement ?

» Le maréchal de Saxe, que Louis XV avait voulu récompenser de ses services en lui faisant don du château de Chambord, s’y serait trouvé bien seul, si le roi n’avait eu la délicate pensée de l’y faire suivre par ses deux régiments de hulans ; on bâtit des casernes à la porte du château, et le maréchal put continuer de mener à Chambord une vie toute militaire. Chaque matin, il faisait manœuvrer ses deux régiments ; les trompettes sonnaient du haut des terrasses du château les différents exercices du jour. Le maréchal donnait des soins particuliers à un haras formé de fougueux chevaux de l’Ukraine, qui vivaient dans le parc dans une demi-liberté.

» Avant Maurice de Saxe — qui mourut à Chambord — le château eut encore un hôte de passage, le roi de Pologne Stanislas Leczinski. Il y demeura huit ans ; c’est-à-dire jusqu’au moment où lui fut confiée la souveraineté viagère de Bar et de Lorraine. C’est le roi Stanislas qui fit combler les fossés qui entouraient le château.

» Il faut remonter ensuite jusqu’à François Ier pour surprendre Chambord en pleine vie. C’est ce roi qui l’avait fait construire, préférant les plaines sablonneuses de la Sologne aux collines pittoresques et verdoyantes de la Loire, du Cher, de la Vienne, de l’Indre, de la Creuse, et aux ruisseaux qui arrosent les campagnes fertiles de la Touraine.

— Êtes-vous curieux, mes amis, poursuivit M. Pascalet, de connaître le nom de l’architecte qui a enfanté cette conception si digne de la Renaissance ? Je serai fort embarrassé de vous le dire. Le fait est qu’on l’ignore. On a mis en avant les grands noms du Primatice et de Vignole. Tout bien considéré, il paraîtrait qu’il faut faire honneur de ce chef-d’œuvre à un « maistre maçon » d’Amboise ou de Blois, nommé Pierre Nepveu dit Trinqueau.

— Voilà qui me plaît, dit Modeste Vidal : une gloire nationale de plus.

Jean approuva de la tête — gravement.

Le vieux savant reprit :

— On a plaisanté sur ce surnom de Trinqueau. Eh bien ! quoi ? notre homme aurait-il appartenu à cette bande de joyeux artistes tourangeaux qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours, et qui sut toujours apprécier les produits généreux des coteaux de la Loire et du Cher ? Si les vins pétillants du Vouvray, de Montlouis ou de Saint-Martin-le-Beau éveillèrent la verve fantaisiste de Trinqueau, rien de mieux. J’engagerais ses détracteurs à faire leur profit de ce qu’il a pu laisser au fond de son verre…

Cette boutade mit les deux « secrétaires » de l’historiographe en belle humeur. M. Pascalet rit avec eux, et leur dit ensuite que ce qu’il y avait de plus curieux à voir à l’intérieur du château, c’était un magnifique escalier en spirale à doubles rangs superposés, et dont la disposition est telle que deux personnes peuvent y monter ensemble sans se rencontrer. Cet escalier s’élève jusqu’au niveau des terrasses. On y accède au rez-de-chaussée par quatre salles des gardes.

Sur ce, M. Pascalet alla s’établir dans la loge du concierge, bien aise d’obtenir quelques informations sur le travail entrepris pour l’amélioration des terres en Sologne par le drainage ; mais il invita Modeste et Jean à aller se faire montrer les diverses parties du château que les touristes visitent…

On revint ensuite à Blois en suivant la même route.

Chemin faisant, l’inépuisable M. Pascalet parla du caractère des habitants du pays, « terre molle, agréable et douce » selon un vers du Tasse, qui lui a assimilé les hommes qu’elle nourrit. Il assura que le paysan du Loir-et-Cher est gai, bon vivant, quelque peu sceptique, très positif, et qu’en aucune circonstance il n’oublie ses intérêts. Et il cita un mot de l’un d’eux qui lors d’une crue de la Loire, posté à la lucarne du grenier de sa maison, accrochait au passage, non sans une certaine satisfaction, les épaves de quelque valeur que le flot dévastateur amenait à sa portée.

— Que voulez-vous, disait-il, puisque ça serait « pardu ! »

M. Pascalet ajouta :

— Ces gens industrieux ont l’œil à tout. Voici un fait à l’appui : Un entrepreneur de travaux projetant d’acheter deux peupliers venus sur un terrain d’alluvion non cadastré, c’était à qui parmi les propriétaires voisins se déclarerait prêt à traiter. Il engagea l’affaire avec trois personnes. C’était trop. Au plus fort de son embarras, le maire vint à son tour revendiquer pour la commune le droit de vendre ces arbres. Enfin un cinquième individu, non moins intéressé mais plus coulant que les autres sur le prix, brusqua le marché et empocha le produit de la vente. En Normandie on eût plaidé. Ici, non. Seulement les quatre premiers vendeurs sont demeurés convaincus qu’ils ont été frustrés.

Au dire de l’historiographe, les occupations exclusivement agricoles, le peu de commerce, l’absence des grandes richesses se réunissent pour entretenir chez le paysan une modération très marquée. Peu soucieux de réformes, il ne désire que le maintien de son état et la tranquillité publique. Cette modération implique une satisfaction que l’aisance seule procure. « N’oubliez pas cependant, mes amis, dit M. Pascalet, que l’est du département appartient à la Sologne, pays pauvre, ingrat et stérile s’il en fut. Au sud des collines bien cultivées qui bordent la Loire, viennent aboutir ces plaines de la Sologne. C’est une campagne unie où les cours d’eau trouvent à peine les pentes nécessaires, à leur écoulement, et creusent de tous côtés des étangs et des marécages. Il y a des communes où l’on compte une centaine d’étangs. Presque point de terre végétale à la surface : sur un fond argileux recouvert de sable mêlé de gravier et de cailloux, les pluies de l’hiver séjournent et forment des eaux stagnantes que les chaleurs de l’été font évaporer rapidement ; de sorte qu’à l’extrême humidité succède l’extrême sécheresse. L’eau des étangs est de mauvaise qualité, l’air est insalubre ; et une population clairsemée, étiolée par la fièvre, conduit des bestiaux dans de maigres pâturages. Comme cultures possibles, le seigle et le sarrasin ; ce n’est pas sans peine qu’on y obtient l’orge et l’avoine ; le froment est une rare exception. Ce n’est que par le drainage des terres qu’on arrivera à les améliorer. Déjà les Solognots — comme je viens de l’apprendre tantôt — se sont courageusement mis à l’œuvre. Toutefois un dixième du département ne présente que landes et jachères.

» Romorantin sur la Sauldre, dont le nom rappelle un édit de tolérance religieuse du seizième siècle, est l’ancienne capitale de la Sologne. Romorantin vit par ses fabriques d’étoffes et ses filatures ; il est heureux que, pour le développement de son industrie, on ait enfin songé à relier cette ville au réseau des chemins de fer.

» Dans les villes, à Blois notamment, la population est d’une grande prévenance ; elle a beaucoup de douceur et de civilité, et se montre fort hospitalière ; les traditions du bien dire se sont conservées, même dans le peuple, à Blois aussi bien qu’à Vendôme dans le val du Loir, pays agréable et verdoyant. C’est du côté de Vendôme, au château de Couture, qu’est né le prince des poètes du seizième siècle, Ronsard. »

Tels sont les sujets d’entretien qui abrégèrent le retour.

De Blois à Amboise il y a 33 kilomètres. Cette distance fut promptement franchie, le lendemain, grâce au chemin de fer. M. Pascalet voulait connaître la situation nouvelle du vieux palais des seigneurs d’Amboise, restitué à la famille d’Orléans en 1872.

On était passé du Loir-et-Cher dans l’Indre-et-Loire. C’est sur la rive gauche de la Loire, au pied d’un rocher que se dresse Amboise et son château.

M. Pascalet et ses deux « secrétaires » grimpèrent dans l’omnibus de la station. Le faubourg de la rive droite de la Loire, où se trouve la gare, fut bien vite traversé ainsi que les deux bras du fleuve séparés par l’île Saint-Jean : en face du dernier pont, se présenta, avec ses remparts, ses tours, couronnés par la végétation de ses hauts jardins, le château d’Amboise, retranché derrière quelques rangées de très anciennes maisons d’un étage ou deux.

Le vieux savant, un peu fatigué, demanda à ses compagnons un répit de quelques heures : aussi bien avait-il à mettre un peu d’ordre dans des informations recueillies sur la dernière invasion dans le département que l’on venait de quitter, où les pertes et dommages ont été évalués à plus de vingt-cinq millions. On sait que c’est dans le Loir-et-Cher qu’en décembre 1870 se produisit l’effort de l’armée de la Loire, commandée par Chanzy, pour arrêter la marche des armées prussiennes. Les combats de Josnes et de Villarceau précédèrent la savante retraite opérée par ce général.

M. Pascalet s’installa dans un café et se mit à dicter des notes à Modeste Vidal.

— Où est donc Jean ? demanda ce dernier au bout d’un moment.

Jean ? Il s’était esquivé pour aller aux renseignements… Il avait pris le chemin du château…

En arrivant à la porte, {ancre|p185}}il se trouva face à face avec un gardien, — un solide gaillard à la moustache grise, aux cheveux taillés en brosse. Au lieu de sa question habituelle, Jean salua et dit avec aplomb :

— Je voudrais parler à M. Vincent Isnardon.

— C’est moi, répondit le gardien.

— C’est vous ? s’écria le petit Parisien, tout saisi ; vous ? Vincent Isnardon ? sergent « bleu » dans les volontaires des Vosges ? Ce n’est pas possible !

— Mais si ! mais si ! Vous ne vous attendiez donc pas, mon garçon, à me trouver ici ?

— C’est que je vous cherche partout… depuis Orléans. Je suis le fils de Jacob Risler, qui était des vôtres au pont de Fontenoy, et qui a été tué dans un combat d’arrière-garde le lendemain.

Vincent Isnardon rappela ses souvenirs, et dit :

— Cela me revient, mon pauvre enfant… Ah ! tu es le fils de Risler ?

— Mais un autre Risler a été fusillé à Fontenoy comme traître…
L’émir Abd-el-Kader fut enfermé ici (voir texte).

Le visage de l’ancien soldat demeurait impassible.

— C’est un sergent qui a commandé cette exécution, poursuivit Jean très découragé ; vous peut-être, monsieur Isnardon ?

— Mon enfant, tu tiens beaucoup à être fixé sur ce point ?

— L’honneur de mon père et le bonheur de ma vie en dépendent, s’écria le petit Parisien en réunissant ce qui lui restait d’énergie.

— Je me rappelle maintenant cette exécution dans le village, pendant qu’on faisait sauter le pont.

— Cherchez bien… et dites-moi au moins, je vous en conjure, qui a commandé cette exécution… si ce n’est pas vous.

— Attends, mon enfant… C’est le sergent Reculot.

— Reculot ? Où le trouverai-je ? Parlez vite !

— Il doit être retourné au Havre, à la marine… à sa pêche et à ses sauvetages, mais de Saint-Vaast à Étretat tout le monde connaît Reculot dit le Capitaine.

Jean poussa un soupir.

— Au Havre ! Enfin, ce n’est pas à l’extrémité du monde. Je ne suis pas à bout de forces… J’irai.

Le petit Parisien raconta ensuite longuement à l’ancien soldat quelles recherches il avait faites pour arriver jusqu’à lui, sur les indications d’un volontaire du campement de la Délivrance, Bordelais la Rose.

— L’ex-zouave ? Ah ! je le connais bien !

— Il m’aide et m’encourage dans la tâche que j’ai entreprise, dit Jean avec émotion.

— C’est fort bien à lui. Tu le mérites ; car tu m’as l’air d’un brave enfant ! Alors le vieux monsieur dont tu me parles ?…

— Il est en bas dans un café, près du pont, avec un ami… qui est un peu le mien. Nous allons venir tout à l’heure visiter le château, comme nous avons visité déjà plusieurs des plus beaux châteaux de la Touraine.

— Et après ?

— Après… J’aurai hâte, vous le comprenez bien, d’aller au Havre, dès que je pourrai honnêtement quitter ce bon M. Pascalet. Il veut nous conduire demain à Chenonceaux ; il a parlé aussi d’Azay-le-Rideau.

— Je lui demanderai qu’il te laisse ici jusqu’à ce soir. Je serais heureux d’avoir toute une journée auprès de moi le fils d’un bon compagnon d’armes. Je te ferai voir à ton aise tout ce qu’il y a de curieux dans le château.

Le petit Parisien, radieux, redescendit en ville et alla retrouver M. Pascalet qu’il mit au courant du bon résultat de son escapade. Maintenant il y avait des indications précises : « Reculot dit le Capitaine, au Havre ! » Une heure après, le vieux savant, qui s’était rendu au château suivi de Modeste Vidal et de Jean, confiait le jeune garçon à l’ancien soldat, sur les instances réitérées de ce dernier.

Alors Jean, en vrai gamin de Paris, prit son essor à travers cours et jardins. Il se dédommagea d’avoir été astreint pendant bien des jours à une tenue correcte, en la compagnie de l’historiographe. Du haut des tours et des terrasses, il admira les plus beaux points de vue sur les bords de la Loire, s’amusant du va-et-vient de la navigation sur les deux bras du fleuve, regardant les pêcheurs à leur poste — qui lui rappelaient les pêcheurs à la ligne des quais de la Seine, — les blanchisseuses agenouillées dans les galets de la rive, les lourds bateaux débarquant du bois et du charbon…

Au delà, en pleine campagne, c’étaient, dans la large vallée, les maisonnettes entourées d’arbres, les troupeaux, les moissons en meules, et plus loin, dans un lointain vaporeux, les coteaux de Limeray, de Pocé, de Nazelles, de Noizay, dérobant dans leurs replis boisés de nombreuses habitations champêtres. Il grimpa au plus haut des tours, sous les combles du vieil édifice, pour redescendre l’instant d’après jusque sous les fondations du château où s’étendent d’immenses silos voûtés avec soin, appelés « greniers de César» et qui forment quatre étages superposés, mis en communication par un escalier de cent vingt marches.

Il ne se lassait pas d’admirer ces tours monumentales, exécutées par les ordres de Charles VIII, d’un effet si surprenant, et qui, à l’aide de pentes et de voûtes habilement combinées permettent de conduire une voiture tout en haut, jusque dans la cour intérieure du château.

Lorsque le petit Parisien eut un peu calmé son besoin d’agitation, son nouvel ami le sergent lui montra en détail une chapelle qui est un ravissant produit de l’art gothique, l’ancienne salle des gardes, les appartements abandonnés à Abd-el-Kader et à sa famille.

L’émir, dit le sergent Isnardon, fut enfermé ici pendant cinq ans… de 1847 à 1852, avec une nombreuse suite.

— C’est pour cela, s’écria Jean, qu’il y a dans les jardins un petit cimetière arabe !

— Justement. Eh ! tu les connais, les jardins !

— J’ai tout vu, tout, tout.

— Non, pas tout.

Et Vincent Isnardon entraîna Jean devant les créneaux.

— Tu as entendu parler de la conjuration d’Amboise, du temps de François II et de Marie Stuart ? Eh bien ! les Huguenots qui menaient la conspiration, pris les armes à la main, furent pendus à ces créneaux ou décapités, et alors ce sont leurs têtes qui y furent accrochées.

Tandis que Jean se donnait du bon temps et de la liberté, M. Pascalet dictait des notes à son principal « secrétaire ». Il entra dans quelques détails sur les restaurations importantes que faisait faire, en ce moment même, M. le comte de Paris, propriétaire actuel du château d’Amboise.