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Le p’tit gars du colon/10

La bibliothèque libre.
Editions Albert Lévesque (p. 109-125).


X

UNE NUIT D’ANGOISSE


F RANÇOIS Gaudreau, lui, ne reviendrait pas au chantier, l’année suivante.

Malgré les avantages de son contrat, il voulait sa liberté pleine, cherchait voie nouvelle et devait la trouver.

Ce samedi d’avril terminait une semaine très laborieuse. La température, presque tiède, amollissait les neiges, provoquait la sueur, fatiguait les bûcherons. Et le chantier Gaudreau chômait depuis midi. Théodule montait avec Aimé jusqu’au magasin de la Compagnie, renouveler les provisions ; Eugène et François se reposaient tout simplement : ils en avaient besoin, les pauvres petits.

Leur père s’en allait, raquettes aux pieds, la hache sur l’épaule, vieille habitude, surveiller la limite de son territoire de coupe. Il lui avait semblé, les jours derniers, que la cognée de l’équipe voisine gagnait de plus et plus et menaçait la frontière… Casus belli… danger de chicane ! Il prévenait ses enfants d’un retard possible, mais ajoutait :

— Soyez, sans inquiétude ; couchez-vous de bonne heure.

Il était parti.

Et vers les trois heures, en pleine forêt, il rencontrait le contremaître Arthur Tremblay avec ses deux engagés et Carcoua, leur guide Montagnais. Un petit homme sec et nerveux les accompagnait : un Parisien, le plus aimable des garçons, peu fait pour la vie rude des chantiers, mais en prenant son parti de joyeuse humeur. On l’appelait Jean-Jean, et plus familièrement Ji-Ji.

— Tenez ; donc, Monsieur Gaudreau, fit Tremblay, voilà bien de l’adon ! Nous avions besoin de vous pour marquer la séparation ; c’est ici, je crois, la ligne entre nos deux chantiers ?

— En plein dans la ligne, approuva Gaudreau ; regardez ; — il se planta, visage au nord — main gauche : chez-moi ; main droite…

— Chez ; nous, continua le contremaître.

Et s’adressant à l’un des hommes :

— Laforêt — il portait bien son nom, le bûcheron — tu suivras… ou plutôt, non, attends un peu… on ne cognera guère plus vers le nord… la saison achève.

— L’oiseau noir étire son aile, prononça sentencieusement le sauvage.

— Et quand s’amène la corneille, observa Gaudreau…

— Fini, le chantier, conclut le contremaître.

Alors tu sais, continua-t-il, s’adressant à Laforêt, dévire-toi, mon gars, marche sur le sud, vers le lac, en droite ligne, en plaquant les arbres.

— Mais là, par exemple, les arbres, sur le lac, laisse-les tranquilles, fit avec un beau sérieux l’autre homme, le gros Jacques Martel.

— Crains rien, rétorqua Laforêt, tu viendras les bûcher, toi, cet été…

— Eh ! dites donc, vous autres, c’que ça sera chouette ! lança Ji-Ji…

On rit.

— Bon, décida le contremaître : c’est compris, Laforêt ?

Et nous autres, continuons notre route.

— Vous allez ?… si on peut savoir, interrogea Gaudreau.

— Dans le haut, explorer le chantier de l’an prochain… Une promenade, quoi ! On ira peut-être jusqu’à la Mistassibi, la Mistassini… on ne sait pas encore.

— Paraît qu’il y a lourd de chutes sur ces rivières, remarqua Laforêt.

— Les grandes eaux blanches : pas un canot n’y passe… les manitous… rêva tout haut le Montagnais.

— Laisse les manitous ! railla Martel.

Puis sérieux :

— N’empêche qu’un homme avisé ferait, là-bas, sa fortune.

— Sa fortune ?… le mot fut dit vivement par Gaudreau.

— Tiens, la chute… un moulin… on scie de la planche… on la vend à Roberval… ça fait de l’argent, si tu veux croire…

Martel était convaincu, tous l’étaient.

Pour François Gaudreau, ce fut le trait de lumière qui, soudainement, découvre une piste… la bonne filière… Il la suivrait, décidé, là, du coup… mais n’en fit rien soupçonner… il regretta sa question trop visiblement intéressée, et laissa tomber :

— Bah ! de l’argent !… une chance… pas sûre pour une miette !

On l’approuva… Girouettes humaines, que nos têtes sont mobiles !

Trois échos répondirent à son doute fictif :

— Pas sûre, non certain… si loin !…

— En pleine sauvagerie !

— Bien fou de compter là-dessus !

Gaudreau riait sous-cape : la rivalité ne serait pas à craindre…

À lui seul, la fortune !…

On se quittait.

Brusquement le contremaître se retourna :

— Gaudreau, monte avec nous.

Ah ! que c’était son désir, à notre François Gaudreau !

Lui voulut ruser :

— C’est que…

Il se frappait les poches des deux mains…

— De quoi manger ? sourit le contremaître.

— Eh ! monsieur Gaudreau, j’en ai pour deux, se hâta obligeamment le petit Ji-Ji. Et mon fusil ! il le brandit, en riant : je vous assure, Vatel ne se pendra pas !

Les hommes se regardèrent ; le gros Jacques se fâcha :

— Me pendre, moi ?… Es-tu fou ?…

Vatel… Martel : il confondait les noms ; il tenait à la vie…

Oh ! mon Dieu, que ces Français ont de l’esprit ! Mais nul ne saisit l’allusion au fameux cuisinier de Condé —

Gaudreau reprit :

— Mes enfants seront inquiets.

— Tiens, Laforêt, trouva le contremaître, tu t’en vas par là : tu leur diras.

Laforêt dit « oui » sèchement. De rester seul semblait ne pas lui plaire.

Et la troupe démarra.

∗∗∗

En tête, Carcoua, silencieux, impassible, ayant la peine de fouler la neige, mais l’honneur de conduire l’expédition. Suivait Arthur Tremblay, conscient de sa dignité, fumant largement, s’arrêtant parfois pour noter sur un calepin l’espèce et la valeur des arbres rencontrés. Cela lui donnait double prestige d’homme lettré et de chef forestier. Derrière lui, mais à distance, le gros Martel, traînant tant bien que mal son embonpoint sur la piste devenue collante ; pestant contre les branches d’épinettes, lui giflant ses belles joues rubicondes ; s’empêtrant, jambes et raquettes, dans les fouillis d’aulnes… On s’amusait de ses colères. Il aimait, au fond, qu’on s’occupât de lui, même à ses dépens.

Bon quatrième, pied ferme, devançant Gaudreau qui s’en venait sans trop parler, Jean-Jean, bavard, joyeux, exclamant son enthousiasme jeune en expression et bel accent du vieux pays :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! que c’est magnifique ! c’est ravissant ! Mais voyez donc !… voyez donc !… cette épinette ! et ce pin ! Mais là… là… ce gros mérisier !

Martel riait parce que c’était un bouleau, (le petit Français se brouillait un peu dans les variétés) et les autres riaient et pensaient que « ce gros mérisier » s’appliquait au gros Martel.

Et très versatile, Ji-Ji s’impatientait aux mauvaises passes :

— Ah ! mon Dieu ! Mon Dieu ! dites donc, vous autres, quel chemin ! quel chemin !… Épouvantable !… Chez ; nous…

C’était là son défaut qui déplaisait aux Canadiens : trop souvent revenait la comparaison « chez nous, en France… »

Le contremaître s’énerva, s’arrêta net et lança, martelant ses mots :

— Tu sais, petit Français, chez toi, c’est chez toi ; et chez nous, c’est chez nous… À chacun son pays.

Jean-Jean rougit un peu, sourit, et très poliment :

— Monsieur Tremblay, mais je l’aime, votre pays : il est si beau !…

Le mot fit plaisir, surtout qu’on le sentait venir du cœur…

Vraiment c’était un excellent garçon.

La paix fut faite.

∗∗∗

Moins heureux, là-bas, laissé seul, Jos. Laforêt maugréait contre sa besogne. Pourtant n’était-ce pas une marque de confiance qu’on lui donnait ?

Ah ! cette « saprée » ligne droite ! ce qu’il en avait, de la misère !

Car, malchance inouïe : l’une de ses raquettes rompait son cercle, soudain, contre un tronc mort caché sous la neige trop molle. L’homme envoya rudement son plus vibrant juron, qui n’était d’ailleurs qu’une sonorité inoffensive.

Il essaya quelque temps d’une raquette unique : cela n’allait pas du tout. Il l’enleva puis, avec l’autre, la suspendit au cou, rejeta la paire sur le dos. Seulement, aux méchants endroits, se courbant pour se dépêtrer, la charge lui revenait sur la poitrine comme un immense médaillon.

Il en riait lui-même : « Ce que j’ai l’air simple un peu » !… De guerre lasse, il ficela l’ornement entre les deux épaules, par la ceinture, et continua son travail.

Il s’obstinait, le brave, à la consigne, la sienne : « Bien ou rien », jamais besogne à demi… ligne droite ou pas de ligne… il n’en dévierait, non, pas d’un pouce… Il était de la race des bons vieux travailleurs, consciencieux, plus rares de nos jours. Et puis, la pointe d’orgueil le stimulait ; il savait bien qu’on dirait : « Regardez-moi donc cette ligne : c’est du Laforêt pur. »

Orgueil pour orgueil, le sien n’était pas gros péché.

Mais il lui en coûtait. Bon ! encore cette coulée creuse à descendre. Tiens-toi bien ! puis à franchir de la neige tassée dur jusqu’aux reins. Sortira-t-il de là jamais… torvis ? De l’autre bord, c’est un maquis d’arbustes serrés, obstinés, barrant la marche, agrippant la queue des raquettes… ce qui lui fait retourner la tête et crier : « Sorcière !… ôte-toi, que je passe ! »

Un bel arbre se dresse… « Toi, le vieux sapin moqueur, tu payeras pour eux tous. » D’un coup de hache, une entaille longue et luisante dans l’écorce noire : une plaie saigne de la sève blanche… Le gémissement de l’arbre : que lui importe !… « Ils la verront, leur maudite ligne ! Ah ! toi, la grande épinette, ne t’en fais pas !… ma hache, sens-tu si elle coupe ? »

Une blessure large au flanc de la victime…

Et cela continue un arpent, deux arpents… Tous les arbres des environs, quand le « plaqueur » s’en vient, pleurent de souffrance ou de crainte et de compassion. Quelle inquiétude saisit la forêt !… Mais lui, le bûcheron, ne les aime-t-il pas, les grands arbres de la forêt ?… S’il les aime !… Passant, n’y touche point, cruel, pour le plaisir mauvais de les entailler, de briser les jeunes pousses, le bûcheron te le défendra.

S’il les aime !… eux qui le font vivre. Mais quand le travail commande, ce qui doit tomber, tombera ; ce qui doit saigner du coup de hache, saignera…

L’homme va, taillant, se fâchant, parlant, voix haute, à lui-même et aux choses, comme font beaucoup les besogneux solitaires. Un « button » difficile à gravir : l’homme souffle, monte ; une clarté soudaine paraît dont il est surpris… Elle grandit, s’élargit, devient, au sommet, la resplendissante vision de neige et de soleil sur tout un coin de forêt déboisé : le chantier de François Gaudreau.

Il s’arrête, respire longuement, s’assied, bourre sa pipe. Jos Laforêt ne fumait jamais que son travail achevé ; c’est donc que sa journée finissait là… Quelle aubaine inespérée ! À l’horloge du firmament, cinq heures… j’ai failli dire : allaient sonner !… mais il y avait un petit carillon dans l’âme du vieux bûcheron pour le bonheur de ce repos.

Et voyez ! À main gauche, pas très loin, c’est le chemin des campements vers les magasins. Descendons par là… Bientôt, derrière lui, des grelots… Ding, ding, ding… la voiture légère de Tommy Fortier.

— Embarque, embarque, Laforêt.

— C’est que les enfants de Gaudreau…

— Quoi ? Cette histoire !… (en deux mots il a tout appris). Laisse donc : les petits gars s’arrangeront. Viens-t’en…

Et d’un galop repartit, sonnant sa jeunesse, alerte et nerveuse, la petite jument noire, traînant comme un rien, sa charge doublée.

— Marche, marche, la Puce !…

∗∗∗

Au magasin, dans la salle chaude et embrumée de la fumée forte des pipes, d’autres bûcherons — c’était samedi — reposaient leurs fatigues. On fit fête aux nouveaux arrivants : les parties de cartes se suivirent.

Laforêt songeait aux enfants de Gaudreau. Il le disait à Tommy… l’ombre tombait : leur inquiétude serait grande…

Tommy n’écoutait pas : son jeu l’absorbait… Et comme l’autre insistait, il s’impatienta :

— Bonté !… qu’ils s’arrangent ! À quatre, ils sont capables ! Mais vas-y, toi, si tu veux !… Pour moi, je joue… Tiens, prends les cartes… et donne…

La partie recommença, dans la fumée dense, les quolibets et les rires… Et le brave Laforêt, en veine de gagner, ne parla plus de s’en aller.

∗∗∗

Il faisait nuit.

Les quatre enfants de la hutte abandonnée ne s’étaient pas couchés : ils attendaient leur père. Une lampe brûlait faiblement devant l’unique châssis, mais de quoi servirait-elle beaucoup ? La fenêtre basse donnait sur le lac ; et derrière la maisonnette, vers le bois immense par où s’en revenait — ils l’espéraient du moins — leur pauvre papa, de longues ténèbres flottaient.

Si noires, ces ténèbres, sans une étoile et sans lune, parce que des nuages pleins de neige et de pluie, menaces d’avril, cachaient le ciel, tellement noires, que, prenant un fanal, Aimé déclara soudain :

— Moi, je vais chercher papa ; c’est sûr qu’il ne peut plus voir son chemin.

Il sortit ; Théodule le suivit.

La porte restait entrebâillée : brusquement le vent la ferma.

Petit Eugène et François en eurent peur, une peur d’enfant, ridicule mais réelle ; et cette peur une fois entrée ne les quitta plus… Le moindre bruit les énervait.

Eugène pleura ; François prit son chapelet. Des ave, récités par leurs deux voix tremblantes, montèrent, de cet abandon, vers le ciel… l’autre ciel, très clair, par-dessus l’horizon noir.

Dans l’abatis sombre où se dressent les souches, où s’enchevêtrent les branches coupées, où ferment tous sentiers les têtes abandonnées des grands arbres disparus, deux garçonnets cherchent leur papa.

Ils appellent ; ils agitent leur fanal pour que son vague reflet le guide ; ils ne se parlent plus : ils ont redit trop souvent : « Notre papa est perdu ».

Ils marchent ainsi longtemps… Ne vont-ils pas se perdre eux-mêmes ? Une fatigue les accable ; l’angoisse les torture…

Puis le vent souffla de l’ouest : il se fit un mouvement dans les nuages, et de larges déchirures s’ouvrirent par où quelques étoiles dardèrent leurs rayons. Le bois s’éclairait. Aimé dit à Théodule :

— Papa trouvera maintenant à sortir… viens, retournons… Eugène et François doivent avoir peur.

Ils lancèrent encore, tous les deux ensemble, un dernier appel… Leurs voix résonnèrent très fort dans l’effrayant silence de la forêt… Ils écoutèrent… Des arbres lointains se frappaient sous le vent passant par rafales ; un oiseau nocturne cria dans l’espace. Nulle voix humaine ne répondit à leur détresse…

Et dans la cabane solitaire, Eugène et François attendaient leur retour…

— Et notre papa ?

— Nous ne l’avons pas trouvé… Mais il s’en vient, très sûr… Les nuages se dispersent… la nuit se fait voyante… Papa verra son chemin…

Aimé l’affirmait pour calmer ses petits frères. Il les força à reposer sur leurs couchettes. Mais lui-même et Théodule s’assirent sur le banc, près du poêle qu’ils attisèrent…

La nuit pleine couvrit l’immense désert, enveloppa la maisonnette seule et sans défense contre les effrois du dehors et l’angoisse des cœurs…

∗∗∗

Dans ces mêmes bois, plus avant, vers la Mistassibi mystérieuse, dorment, sous un abri de toile, François Gaudreau et Ji-Ji, le petit Parisien. Carcoua s’est installé sous un toit de branches, à faible distance.

Arthur Tremblay et Jacques Martel ont remonté la Petite Péribonca plus au centre de leurs chantiers.

Mais les chutes lointaines attiraient tant l’Indien et le jeune étranger… Ils avaient, tous les deux, le goût inné des sites grandioses.

Gaudreau les a suivis.

— Moi, disait-il, en riant, j’accompagne « Mossieur » Jean-Jean… pour ne pas mourir de faim.

On devine qu’un motif plus secret le poussait ; ne voyait-il pas se dessiner dans les brumes du Rapide le moulin de son rêve tout nouveau ?…

Les cinq voyageurs, demain, s’il plaît à Dieu, se rejoindront pour le retour, au lieu de la séparation d’aujourd’hui.

∗∗∗

C’est donc une heure avancée de la soirée.

Devant le petit campement cité plus haut, les restes d’un souper copieux, épars sur la neige foulée, répandent leur odeur alléchante. Le firmament s’est dégagé de son voile obscur ; la forêt, sous les rameaux touffus, devient lumineuse et propice aux rondes nocturnes des carnassiers.

Voici que dans la douceur neuve de cette nuit où passe le vent tiède du sud-ouest, un ours s’est réveillé de son lourd sommeil. Il est sorti de son antre… Il a faim… Il renifle dans la brise qui vient, quelque chose de très bon… N’a-t-il pas aussi flairé la chair humaine ?…

Et lourdement, dans la neige molle, faisant de sa gaucherie bête crier les bois morts sous ses pattes, il avance… Il écoute… Un ruisseau clapote sur la roche : ce sera l’eau fraîche après les viandes fortes. Il regarde… Cette tente qu’il jettera bas : la sieste sur la toile, après la bombance… Fini, fini, son jeûne hivernal !… Il est la force !… Il va… La branche craque… Ce bruit ? Ji-Ji l’entend… veut savoir… il sort, le jeune étourdi, heurte le monstre, pousse un cri. Gaudreau s’élance… et c’est lui que le monstre étreint. Mais alors le petit Français agile saisit son arme, vise, tire ! L’ours et Gaudreau, l’un sur l’autre, tombent, s’écrasent… L’ours est mort, Gaudreau, vivant… Dieu soit béni !…

Le coup de feu réveilla le sauvage ; il vit l’animal, haussa l’épaule :

— Peuh !… de m’apercevoir, il s’enfuyait !

À beau mentir qui vient… de sa couchette !

L’on fit un ragoût du vorace : sa fourrure a bercé longtemps le sommeil de Ji-Ji, le gentil Parisien.

∗∗∗

Un dimanche d’avril.

Matinée radieuse. Près de la chute. Le grondement du rapide assourdi par les glaces ; mais, au déval, l’eau mugissante, fière et folle, que l’hiver n’a su retenir prisonnière en sa froidure.

L’Indien, le Français et Gaudreau, muets tous les trois, ont contemplé… Chacun découvrant dans cette merveille l’idéal de son rêve intime.

On est revenu : on s’est retrouvé.

Les cinq voyageurs sont en marche vers le chantier quitté la veille…

∗∗∗

Et depuis quelques heures, une espérance, après la nuit d’angoisse, est au cœur des quatre enfants.

Aimé, dès le petit jour, s’en est allé demander secours au logement des bûcherons. Il supplie qu’on organise une battue…

Tommy paraît… puis Jos Laforêt : le mystère s’est éclairci.

Au soir de ce dimanche, une silhouette très aimée se découpait sur la pourpre du couchant… Les quatre enfants couraient à sa rencontre…

— Papa !