Mécanique analytique/Partie 2/Section 8

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Gauthier-Villars et Fils (Œuvres de Lagrange. Tome XIIp. 167-199).
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Deuxième partie


SECTION HUITIÈME.

DU MOUVEMENT DES CORPS NON LIBRES ET QUI AGISSENT LES UNS SUR LES AUTRES D’UNE MANIÈRE QUELCONQUE.


1. Dans la Section précédente, nous avons supposé que les corps étaient libres et qu’ils pouvaient, par conséquent, recevoir tous les mouvements que les forces accélératrices tendaient à leur imprimer. Dans cette hypothèse, les coordonnées de chacun des corps peuvent être prises pour des variables indépendantes, et chacune d’elles donne une équation de la forme (Sect. VII, art. 1)

Lorsque les corps ne sont pas libres, soit qu’ils soient assujettis à se mouvoir sur des surfaces ou des lignes données, soit qu’ils soient liés par des fils ou des verges, ou que leur mouvement soit modifié d’une autre manière quelconque, ces conditions, exprimées analytiquement, peuvent toujours se réduire à des équations de condition entre les différentes coordonnées des mêmes corps, par lesquelles quelques-unes de ces coordonnées dépendront des autres et pourront être exprimées par des fonctions de celles-ci. Il y aura donc alors un moindre nombre de variables indépendantes ; mais chacune de ces variables donnera encore la même équation que si elle appartenait à un corps libre. Ainsi les mêmes formules que nous avons données dans les articles 1 et 2 de la Section précédente serviront aussi de base dans celle-ci.

On aura aussi, quelle que soit la liaison des corps, l’équation des forces vives

2. Si le mouvement se faisait dans un milieu résistant, nous avons vu, dans l’article 3 de la même Section, que la résistance donnerait pour chaque corps les termes

à ajouter à ainsi il n’y aura qu’à réduire les différences en différences relatives aux nouvelles variables indépendantes.

On peut donner à cette réduction une forme générale, par l’analyse de l’article 4 de la Section IV ; car, en nommant les nouvelles variables, on a vu que la quantité se transforme en

où l’on voit que le coefficient de est

Si l’on change le en alors la transformée de devient

et si l’on désigne cette transformée par il est clair que l’on a

Il suit de là qu’on aura, en général,

La résistance des fluides étant, en général, proportionnelle au carré de la vitesse ( étant l’espace parcouru par le corps), si l’on désigne par la densité du fluide, on aura

et les termes à ajouter à seront

Donc, en retenant la signification de la lettre de l’article 1 de la Section précédente, il n’y aura qu’à ajouter à les termes

et changer ensuite en car la résistance n’étant pas proportionnelle à la masse, mais seulement à la surface, il n’y aura qu’à exprimer par les résistances que les corps éprouveraient en se mouvant avec une vitesse égale à l’unité.

Ainsi l’équation de l’article 1 relative à deviendra

mais l’équation des forces vives n’aura plus lieu dans ce cas.

3. Au lieu de réduire d’abord toutes les variables du problème à un petit nombre de variables indépendantes, par le moyen des équations de condition données par la nature du problème, on peut traiter immédiatement toutes les variables comme indépendantes, et si

sont les équations de condition entre ces variables, il suffira d’ajouter à l’équation relative à chacune de ces variables des termes de la forme

On aura ainsi, relativement à une variable quelconque l’équation

les quantités étant des quantités indéterminées qu’il faudra éliminer au moyen des équations de condition.

À l’égard de ces équations, nous avons déjà remarqué qu’il n’est pas nécessaire qu’elles soient sous une forme finie il suffit qu’elles soient différentielles du premier ordre ; alors, en changeant la caractéristique de en on aura également les différences partielles relatives à chaque variable

Enfin, si le système était composé d’une infinité de particules jointes ensemble d’une manière quelconque, on suivrait, à l’égard des termes dus aux équations de condition, les mêmes règles que nous avons données dans la Section VI de la première Partie (art. 10), puisque ces termes sont les mêmes dans la formule générale du mouvement que dans celle de l’équilibre.

4. Le problème étant réduit à un certain nombre de variables indépendantes, on aura, pour chacune de ces variables, une équation différentielle du second ordre, dont l’intégrationintroduira deux constantes arbitraires ; de sorte que la solution complète contiendra deux fois autant de constantes arbitraires qu’il y aura de variables indépendantes, lesquelles devront être déterminées par l’état initial du système. Or si, pendant que le système se meut, il arrive qu’un ou plusieurs des corps qui le composent reçoivent dans un instant donné des impulsions étrangères quelconques, ces impulsions n’agissant que dans un instant ne changeront pas la forme des équations, mais seulement la valeur des constantes arbitraires et, si les impulsions devenaient infiniment petites et continuelles, les constantes arbitraires cesseraient d’être constantes et deviendraient variables elles-mêmes.

Nous avons déjà donné, dans le Chapitre II de la Section précédente, la théorie de ces variations des constantes arbitraires pour les corps libres, et nous en avons fait l’application aux éléments des orbites des planètes ; nous commencerons cette Section par la généraliser et la rendre applicable à tout système de corps qui agissent les uns sur les autres.

CHAPITRE I.

Formules générales pour la variation des constantes arbitraires, dans le mouvement d’un système quelconque de corps, produite par des impulsions finies et instantanées ou par des impulsions infiniment petites et continuelles.

5. En nommant les variables indépendantes auxquelles on aura réduit toutes les coordonnées des corps du système, par le moyen des équations de condition dépendantes de la liaison des corps, on pourra toujours exprimer chaque constante par une fonction donnée de et des différentielles Or les variables finies ne dépendent que de la position instantanée des corps dans l’espace et ne peuvent, par conséquent, subir aucun changement par les impulsions étrangères ; il n’y aura donc que les différentielles dont les valeurs ourront être changées par ces impulsions.

Supposons qu’elles deviennent+ les accroissements seront dus aux impulsions ; ce seront les vitesses, suivant les coordonnées que les impulsions produiraient dans le premier instant, et qu’il s’agit de déterminer.

Soient les forces d’impulsion appliquées à chaque corps du système, suivant les directions des lignes et tendantes à les diminuer, et soient les vitesses initiales qui en résulteraient dans ce corps, suivant les directions de ses coordonnées rectangles et dans le sens où ces coordonnées augmentent, si tout le système était en repos ; on aura, par l’article 11 de la Section II, l’équation

SS

laquelle doit se vérifier indépendamment des variations de chacune des variables indépendantes. Il n’y aura donc qu’à substituer dans cette équation les valeurs de et de en fonction de en remarquant que les vitesses peuvent s’exprimer, comme toutes les vitesses, par

Par ces substitutions, on aura la transformée

S

et si l’on fait, comme dans l’article 62 (Section précédente),

S

on aura les équations

lesquelles seront en même nombre que les variables

Or il est facile de voir que les quantités seront des fonctions de et de leurs différentielles et que ces différentielles ne seront autre chose que les vitesses initiales que nous avons désignées ci-dessus par et qu’on pourra, par conséquent, déterminer par les équations précédentes.

Comme les quantités sont équivalentes à la quantité pourra aussi s’exprimer par

et il suit de ce que nous avons démontré ci-dessus (art. 2) que si, dans la formule

S

on substitue pour leurs valeurs en et qu’on y change en en en on aura, pour les différences partielles relatives à

et les équations pour déterminer seront

où l’on remarquera que ces inconnues n’y seront qu’au premier degré, puisqu’elles ne peuvent être qu’au second degré dans la quantité

Ainsi l’effet des impulsions instantanées et finies consistera à augmenter les différentielles des quantités, dans les expressions des constantes arbitraires du problème.

6. Pour appliquer cette théorie au cas des impulsions très petites et continuelles, on changera en ce qui changera en et les quantités deviendront très petites du premier ordre ; les constantes arbitraires deviendront continuellement variables, et les quantités seront les variations de dans les expressions de ces constantes ; de sorte que, étant une des constantes devenues variables, on aura, en faisant

les variables finies ne recevant aucun changement ; et il n’y aura plus qu’à substituer pour leurs valeurs tirées des équations données ci-dessus ; mais, dans le cas présent, ces équations peuvent être mises sous une forme plus simple, par la considération suivante.

En regardant les variables ainsi que les différentielles comme fonctions des constantes arbitraires et du temps et désignant par leurs variations résultantes des variations de ces constantes, il est clair qu’on a

et comme les différences partielles ne contiennent que les premières dimensions de il est facile de voir qu’elles peuvent se réduire à en regardant comme fonction de Ainsi, les équations dont il s’agit deviendront

et l’on aura

où il faudra substituer les valeurs de tirées de ces équations.

Si l’on change ensuite les différences partielles de relatives à en différences partielles relatives aux constantes on parviendra à des formules semblables à celles de l’article 60 de la Section précédente, dans lesquelles les coefficients de auront la propriété d’être indépendants du temps mais la démonstration directe de cette propriété singulière devient très difficile, comme on peut le voir dans le beau Mémoire de M. Poisson sur ce sujet, inséré dans le Tome VIII du Journal de l’École Polytechnique, et l’on ne se serait peut-être jamais avisé de la chercher si l’on n’avait été assuré d’avance de la vérité de ce théorème[1].

Comme j’ai déjà donné, dans la Section V, une théorie complète des variations des constantes arbitraires, je ne m’y arrêterai plus ici j’ajouterai seulement deux remarques sur les formules de cette théorie.

7. La première remarque est relative à la formule générale de l’article 11 de la Section citée, laquelle, en faisant, pour simplifier,

se réduit à

où la caractéristique indique les variations dues à toutes les constantes devenues variables, mais où la caractéristique peut se rapporter indifféremment à chacune de ces constantes. En la rapportant d’abord à une quelconque de ces constantes, comme et développant les variations indiquées par on a tout de suite la formule

dans laquelle

 

et où les valeurs des coefficients deviennent indépendantes de après la substitution des valeurs de en et

On a ainsi les formules auxquelles je suis parvenu d’abord dans le Mémoire sur la théorie de la variation des constantes arbitraires dans les problèmes de Mécanique[2]. Poisson a trouvé ensuite des formules plus directes, qui reviennent au même que celles que j’ai données dans l’article 18 de la Section V ; mais, quoique celles-ci paraissent plus simples, parce qu’elles donnent immédiatement les valeurs des variations au lieu qu’il faut les déduire des autres par l’élimination, cet avantage n’est qu’apparent, comme nous l’avons déjà remarqué plus haut (Sect. VII, art. 66) ; on peut même dire que, dans plusieurs occasions, l’avantage sera entièrement du côté des formules précédentes, parce qu’elles ne demandent aucune réduction préalable et qu’elles peuvent s’appliquer immédiatement, toutes les fois qu’on a l’expression de chaque variable en temps, dans laquelle les constantes arbitraires entrent d’une manière quelconque ; c’est par cette raison que j’ai cru devoir les redonner ici.

8. La seconde remarque porte sur l’étude qu’on peut donner à ces formules, relativement à la nature des forces perturbatrices. Nous avons toujours supposé que ces forces étaient telles qu’étant multipliées par les éléments de leur direction la somme devenait intégrable et pouvait être exprimée par une fonction des variables indépendantes que nous avons désignée par

Mais nous avons déjà remarqué, dans l’article 62 de la Section précédente, que, quelles que soient les forces perturbatrices il sutffit de faire

en rapportant les différences partielles relatives à la caractéristique aux seules variables

En général, il n’est pas nécessaire, pour l’exactitude des formules des variations, que les forces perturbatrices que nous avons représentées par les différences partielles soient en effet des différences partielles d’une même quantité. On peut supposer que ces forces soient exprimées par des quantités quelconques, que nous désignerons par alors, au lieu de dans les formules de l’article 11 de la Section V, on aura

et l’équation de l’article précédent deviendra

d’où, en rapportant la caractéristique à la constante arbitraire on aura également

en regardant les variables comme fonctions de

La même chose aura lieu pour les formules des articles 14 et 18 de la même Section V, en mettant partout

à la place de et rapportant aux variables les différences partielles de relatives aux constantes ou

9. Enfin, on peut faire abstraction des forces perturbatrices et ne considérer la fonction que comme une quantité qui, étant ajoutée à la fonction due aux forces principales, produit les variations des constantes arbitraires dans les mouvementsqui résultent de ces forces. Et comme, dans le calcul de ces variations, il n’entre que les différences partielles de relatives aux variables indépendantes il n’est pas nécessaire que la différentielle soit une différentielle exacte ; il suffit que les différentielles qu’elle contient soient ellesmêmes des différentielles exactes dont on puisse avoir les différences partielles par rapport aux variables

Cette extension de nos formules, que nous avions déjà annoncée dans l’Avertissement du Tome Ier, peut être utile dans plusieurs problèmes où les forces perturbatrices ne seraient pas seulement fonctions des variables indépendantes mais aussi de leurs différentielles et du temps par exemple si, après avoir résolu un problème de Mécanique dans le vide, on voulait avoir égard à la résistance d’un milieu, comme nous l’avons fait, à l’égard des planètes, dans la Section précédente.

Mais la même extension ne peut pas avoir lieu à l’égard des forces principales qui entrent dans les équations différentielles dont l’intégration introduit les constantes arbitraires. Ces forces, multipliées chacune par l’élément de sa direction, doivent toujours former une quantité intégrale que nous avons désignée par V (Sect. IV, art. 9), et qui doit être une fonction des variables indépendantes sans leurs différentielles autrement la réduction de ces équations à la forme de l’article 2 de la Section V n’aurait pas lieu, et l’analyse du § I de cette même Section cesserait d’être exacte. Rien n’empêche cependant que les expressions de ces forces ne contiennent le temps car, comme la quantité disparaît dans les différentielles partielles de relatives à le résultat final de l’article 7 aura toujours lieu, parce qu’il se trouve indépendant de Mais il cesserait d’avoir lieu si cette quantité était fonction de et de

Nous allons maintenant résoudre quelques problèmes particuliers.

CHAPITRE DEUXIÈME.

Du mouvement d’un corps sur une surface ou ligne donnée.

10. Quand on ne considère qu’un corps isolé, on peut faire abstraction de sa masse, ou la supposer égale à et l’on a, comme dans l’article 3 de la Section précédente,

L’équation de la surface donnera en fonction de et on aura ainsi

et, les variables et étant regardées comme indépendantes, chacune d’elles donnera une équation de la forme

Le terme de donne sur-le-champ le terme qui est censé fonction de et de donnera d’abord ces deux-ci

or est la même chose que et est ou donc les deux termes dont il s’agit se réduiront à ainsi l’équation relative à sera

et l’on aura pareillement, par rapport à

Si le corps était contraint de se mouvoir sur une ligne donnée, alors et seraient fonctions de le terme de donnerait les termes

lesquels se réduiraient de la même manière à de même, le terme donnerait et l’on aurait, relativement à qui est la seule variable, l’équation

On voit, par l’analyse précédente, que tout terme de la quantité qui sera de la forme étant une fonction donnée des deux autres variables et donnera

réductions qui peuvent être utiles dans plusieurs occasions.

11. Si, au lieu des coordonnées rectangles on voulait employer, pour la surface, un rayon avec deux angles et comme dans l’article 4 de la Section précédente, on aurait

serait donné en fonction de et par la nature de la surface, et l’on aurait, relativement à et deux équations de la forme

Le terme de donnerait relativement à et relativement à et l’on aurait ces deux équations

que les méthodes ordinaires ne donneraient qu’à l’aide de plusieurs réductions.

12. Il est bon de remarquer que l’équation

qui a toujours lieu lorsque le corps n’est animé que par des forces proportionnelles à des fonctions de leurs distances aux centres, donne tout de suite la vitesse du corps dans un point quelconque de la courbe qu’il décrit ; car, étant la vitesse et l’espace décrit, on a

donc

et par conséquent

de sorte que, étant une fonction finie de scoordonnées, la vitesse ne dépendra que de la position du corps dans l’espace.

Si le corps n’est animé par aucune force accélératrice, on a et la vitesse devient constante. Dans ce cas, comme nous avons démontré en général que la formule est toujours un maximum ou un minimum dans des limites données (Sect. III, art. 39), la quantité ou c’est-à-dire la longueur de la courbe décrite par le corps, sera elle-même un maximum ou un minimum ; et il est évident qu’elle ne peut être qu’un minimum[3], parce que le maximum n’a point lieu. D’où résulte le théorème connu, qu’un corps projeté sur une surface quelconque y décrit toujours la ligne la plus courte entre des points donnés.

13. Mais, dans la solution de ces problèmes, il est souvent plus simple de regarder toutes les coordonnées comme des variables indépendantes et d’employer les équations de la surface ou de la ligne donnée comme des équations de condition qui, étant représentées par

donneront simplement, pour chaque variable, les termes à ajouter à les coefficients étant indéterminés et devant être éliminés.

Or, de ce que nous avons démontré dans l’article 5 de la Section IV de la Ire Partie, il s’ensuit que chaque terme, comme peut représenter le moment d’une force égale à

et agissant perpendiculairement à la surface dont l’équation est par conséquent, cette force ne pourra être que celle qui vient de la résistance que la surface oppose au corps, et qui est égale à la pression que le corps exerce sur la surface.

Ainsi le coefficient servira à déterminer la pression du corps sur la surface donnée par l’équation et si le corps est mû sur une ligne donnée, en la regardant comme produite par l’intersection de deux surfaces représentées par les équations les deux coefficients et serviront à déterminer les pressions que le corps exerce sur cette ligne, perpendiculairement aux deux surfaces.

14. En général, on peut assimiler le terme au terme et comme

étant les forces qui agissent suivant les lignes et qui tendent à les raccourcir ; si est fonction des coordonnées on aura

et les termes exprimeront les forces qui résultent de la résistance de la surface dont l’équation est suivant les directions des coordonnées [4], et qui tendent à diminuer ces coordonnées.

Si l’équation de la surface était étant une constante, ce qu’on peut toujours obtenir par le choix des coordonnées, on aurait

et l’équation relative à (art. 3) serait

les équations relatives aux deux autres variables ne recevant aucun changement. Ainsi l’on aura tout de suite la pression du corps sur la surface en faisant, dans la valeur de

Comme l’application de nos formules générales n’est sujette à aucune difficulté, nous nous contenterons de donner un ou deux exemples.

§ I. — Des oscillations d’un pendule simple de longueur donnée.

15. Nous prendrons l’origine des coordonnées dans le point de suspension du pendule, et nous supposerons les ordonnées verticales et dirigées de haut en bas ; mais, à la place des coordonnées rectangles nous prendrons un rayon qui sera la longueur du pendule, avec deux angles et dont le premier sera l’inclinaison du pendule à la verticale, et le second sera l’angle que le pendule décrit en tournant autour de la verticale. On aura ainsi

et la quantité deviendra, à cause de constant,

Il est bon d’observer que l’angle que nous employons ici est le complément à de l’angle que nous avons employé jusqu’ici, et qui représentait l’inclinaison du rayon sur le plan horizontal, au lieu qu’ici il représente son inclinaison à la verticale.

La force tendant au centre des rayons sera nulle ; la force pourra être prise pour la gravité, que nous désignerons par et, comme elle doit agir parallèlement à l’ordonnée et pour augmenter cette ordonnée, au lieu que la force est censée agir pour diminuer la distance il faudra faire

en supposant le centre de cette force éloigné à l’infini. Ainsi l’on aura simplement

Les équations relatives à et deviendront donc, en les divisant par

La seconde de ces équations a pour intégrale

et, la valeur de tirée de celle-ci étant substituée dans la première,

elle devient

dont l’intégrale, après l’avoir multipliée par est

et étant deux constantes qui dépendent de l’état initial.

Cette dernière intégrale donne tout de suite

et, comme on a par la première on aura

équations séparées, mais dont les seconds membres ne sont intégrables que par la rectification des sections coniques.

L’équation en et donnera le temps que le pendule emploie à parcourir verticalement l’angle et l’équation en et donnera la courbe décrite par le corps qui forme le pendule, laquelle sera une espèce de spirale sphérique. Si l’on fait on aura une équation qui sera celle de la projection de cette spirale sur le plan horizontal, entre le rayon vecteur et l’angle décrit par ce rayon autour de la verticale.

16. Si l’on égale à zéro la quantité sous le signe, on a l’équation

laquelle donnera les plus grandes et les plus petites valeurs de l’angle d’inclinaison Cette équation, à cause de est du

troisième degré relativement à l’inconnue elle aura donc une racine réelle ; mais il est facile de voir, par la nature du problème, qu’il ne peut y avoir un maximum de sans qu’il y ait en même temps un minimum, et vice versa ; d’où il suit que les trois racines seront nécessairement réelles[5], dont deux donneront un maximum et la troisième un minimum.

Désignons par et la plus grande et la plus petite valeur de on aura les deux équations

lesquelles donnent

expressions qui se réduisent à celles-ci, plus simples,

On substituera ces valeurs dans l’équation en laquelle, en changeant les signes, est de la forme

et, par la nature des équations, son premier membre deviendra

cette quantité, prise avec le signe sera identique avec la quantité qui est sous le signe dans les deux dernières équations de l’article précédent.

Or on a, en réduisant,

donc la quantité dont il s’agit sera

17. Supposons maintenant

il est clair que la valeur de qui est supposée la plus petite, répondra à et que la valeur qui est la plus grande, répondra à étant l’angle de deux droits. On aura ainsi

d’ailleurs on a

donc, faisant ces substitutions dans l’équation différentielle en et de l’article précédent, elle deviendra

et faisant, pour abréger,

elle se réduira à :

Ensuite on aura

où il faudra substituer pour sa valeur en

En intégrant ces équations depuis jusqu’à on aura le temps et l’angle de rotation compris entre le point le plus bas, où l’inclinaison du pendule à la verticale est et le point le plus haut, où l’inclinaison est mais ces intégrations dépendent, en général, de la rectification des sections coniques. Si la valeur de comprise entre ces deux limites de est commensurable avec la spirale décrite par le pendule reviendra sur elle-même après un certain nombre de spires mais, si elle est incommensurable, la spirale fera une infinité de révolutions différentes.

18. Lorsque le pendule ne fera en hauteur que des excursions assez petites, de manière que les angles et diffèrent peu entre eux, la différence sera elle-même assez petite pour que le radical puisse se réduire en une série convergente.

Supposons

la fonction deviendra

La fonction irrationnelle

peut se réduire en une série de la forme

dans laquelle on aura, en faisant, dans les dernières formules de l’article 98 de la Section précédente,

 

On aura donc, en substituant,

et, en intégrant de manière que l’intégrale commence où

En faisant on aura le temps depuis le point le plus haut jusqu’au point le plus bas, lequel étant nommé on aura

Si l’on dénote par les valeurs de qui répondent à

on aura

d’où l’on voit que le pendule remontera toujours à la même hauteur au bout d’un temps égal à qui sera par conséquent en temps la durée d’une oscillation.

19. On peut avoir de la même manière l’angle correspondant ; pour cela, on fera

et l’on aura

Si, dans les mêmes formules de l’article 98 (Sect. VII), on fait on a

donc

 

Ainsi l’on aura

Si l’on multiplie cette série par la suivante

le produit sera de nouveau de la forme

et l’on aura

On aura ainsi

On trouvera de même

où l’on aura, en changeant en

Faisant ces substitutions dans la valeur de de l’article 17, et intégrant de manière que soit égal à lorsque on aura

En faisant on aura l’angle compris entre les plans qui passent par la verticale et par les points le plus bas et le plus haut de la courbe décrite par le pendule ; et, cet angle étant nommé on aura

Comme tous les points les plus hauts, ou les sommets de la courbe, répondent à si l’on dénote par les valeurs de pour on aura

Ainsi l’angle compris entre deux sommets consécutifs et répondant à une oscillation entière du pendule sera égal à

20. En supposant les angles et très petits du premier ordre, la quantité sera très petite du second, par conséquent l’angle sera aussi très petit du second ordre ; donc, en ne négligeant que les quantités très petites du quatrième ordre, on aura

donc

et sera, aux quantités du quatrième ordre près, le temps de l’oscillation entière.

Si l’on néglige les quantités du second ordre, cette valeur de se réduit à c’est l’expression connue pour la durée des oscillations très petites d’un pendule dont la longueur est et où l’on peut faire mais l’analyse précédente fait voir que cette durée est la même quelles que soient les oscillations, soit qu’elles se fassent dans un plan vertical, soit que le pendule ait en même temps un mouvement de rotation autour de la verticale.

En conservant les quantités du second ordre, on peut simplifier la formule précédente, en mettant pour et leurs valeurs approchées, au quatrième ordre près, et, en négligeant toujours les termes du quatrième ordre, on aura pour la durée des oscillations très petites, au quatrième ordre près, l’expression

21. Lorsque l’angle qui répond au point le plus bas, est nul, le pendule reprend toujours la situation verticale, et les oscillations se font dans le plan vertical ; car, en faisant on voit, par la formule de l’article 17, que l’angle est nul : c’est le cas que l’on considère ordinairement, et qui a lieu toutes les fois qu’après avoir éloigné le pendule de la verticale par l’angle on le laisse retomber sans lui donner aucune impulsion ; mais, pour peu que le pendule reçoive une impulsion dans une direction qui ne rencontre pas la verticale, il fera des oscillations en forme de mouvement conique, et l’angle ne sera pas nul.

Dans ce cas, si l’on suppose aussi que les angles et soient très petits, et qu’on néglige dans une première approximation les quantités très petites du second ordre, on aura

donc

[6]

et sera l’angle à la verticale compris entre deux sommets consécutifs de la courbe. Donc, si le rapport de à est rationnel, l’angle aura un rapport de nombre à nombre à l’angle de deux droits, et la courbe décrite par le pendule ne sera formée que d’un certain nombre de spires qui reviendront les mêmes ; dans le cas contraire, la courbe sera une espèce de spirale continue. Mais ces conclusions ne sont qu’approchées, et, pour avoir des résultats plus exacts, il faudra pousser l’approximation plus loin, au moyen des séries que nous avons données.

Ce problème a été résolu anciennement par Clairaut, dans les Mémoires de l’Académie des Sciences, de l’année 1735, mais d’une manière moins complète ; et les résultats approchés que nous venons de trouver s’accordent avec les siens, en faisant dans l’expression de et dans celle de

22. Les formules précédentes ont lieu tant que l’angle différe de l’angle parce que, quelque petite que soit leur différence, il y a toujours un maximum et un minimum dans les excursions verticales du pendule ; mais, si l’on a rigoureusement il n’y a plus de maximum ni de minimum, le pendule forme toujours le même angle avec la verticale, et, par conséquent, il décrira, dans son mouvement, un cône à base circulaire.

Cette supposition est possible, parce qu’alors (art. 16 et 17) la quantité qui est sous le radical, dans la valeur de a deux facteurs égaux, de sorte que, par la théorie exposée dans l’article 83 de la Section précédente, on pourra[7] toujours faire c’est le cas des oscillations coniques que Huygens a considérées le premier.

Dans ce cas, l’équation (art. 4)

donnera

de sorte que le temps d’une révolution entière du pendule sera exprimé par

Pour que ce cas ait lieu, il faut donc que le pendule reçoive une vitesse angulaire de rotation, autour de la verticale, exprimée par

laquelle ne dépend que de la hauteur du cône qu’il décrit.

23. Si le pendule était mû dans un milieu résistant comme le carré de la vitesse, et dont la densité fût exprimée par il faudrait, pour avoir les équations de son mouvement, à ajouter les termes (art. 2)

en retenant l’expression de de l’article 11, dans laquelle est constant.

Ainsi l’on aura à ajouter, au premier membre de la première des équations différentielles de cet article, le terme et au premier membre de la seconde, le terme

Par l’addition de ces termes, les équations qui étaient intégrables cesseront de l’être ; mais, lorsque la résistance est très petite à l’égard de la force de la gravité, ce qui a lieu dans les mouvements lents des corps dans l’air, on peut résoudre ces équations par approximation, en substituant, dans les termes dus à la résistance, les valeurs de et en qui ont lieu dans le vide, et en cherchant les petites quantités que ces termes tout connus ajouteront à ces mêmes valeurs.

Les deux équations dont il s’agit seront

La seconde, étant divisée par et ensuite intégrée, donne

étant le nombre dont le logarithme hyperbolique est

Ensuite la première, étant multipliée par et ajoutée à la seconde multipliée par donne l’intégrale

à cause de

Ainsi l’on aura les mêmes équations différentielles en et qu’on a trouvées dans l’article 11, en y substituant à la place de et à la place de de sorte que l’effet de la résistance se réduira à faire varier ces constantes dans la solution générale donnée plus haut (art. 13), où nous n’avons point eu égard à la résistance, et où les relations entre les variables et doivent se déduire des équations

Si donc on regarde les quantités et comme variables, on aura

et

Lorsque le pendule ne fait que des oscillations verticales, on a et, par conséquent, l’équation en devient alors intégrable, étant multipliée par l’intégrale est

étant une constante arbitraire qui remplace la constante devenue variable. Or on trouvera, par des intégrations par parties,

donc on aura

c’est la valeur qu’il faudra substituer à la place de dans l’équation différentielle qui donne la valeur de en et, en supposant le coefficient très petit, on aura facilement l’altération produite dans la valeur du temps par la résistance du milieu.

24. Dans le cas du pendule, en prenant, comme nous venons de le faire, pour les trois coordonnées, on a l’équation étant la longueur donnée du pendule ; donc, par l’article 14, en changeant en on aura tout de suite la valeur de qui exprimera la force avec laquelle le fil qui retient le corps sur la surface sphérique est tendu.

Cette force sera donc exprimée par

en substituant pour et leurs valeurs complètes

et, faisant ensuite constant, on aura ainsi

et, par conséquent,

où l’on remarquera que (art. 12) ; de sorte que la tension du fil qui forme le pendule sera exprimée par

Quand le pendule se meut dans le vide, on a, par le même article, étant la vitesse lorsque

et la tension, désignée par aura pour valeur

25. Nous avons supposéjusqu’ici la longueur du pendule invariable ; mais, si cette longueur variait d’un moment à l’autre, suivant une loi connue, en sorte que fût une fonction donnée de il faudrait alors supposer variable dans les équations différentielles ; mais on aurait également comme dans le cas de constant : ainsi on poserait les équations

l’équation relative à n’aurait pas lieu, mais les deux autres deviendraient

Enfin, si le fil qui soutient le corps était élastique et extensible, en nommant la force avec laquelle le fil tend à se raccourcir, et qui ne peut être qu’une fonction de il n’y aurait qu’à ajouter à et l’on aurait, pour l’équation relative à

les deux autres demeurant les mêmes ; et, dans ce cas, on aurait toujours l’intégrale

§ II. — Du mouvement d’un corps pesant sur une surface quelconque
de révolution
.

26. L’axe de révolution étant pris dans l’axe des si l’on fait

sera l’abscisse et l’ordonnée de la courbe qui, par sa révolution autour de l’axe des abscisses, forme le solide proposé. Ainsi l’on aura une équation entre et par laquelle sera une fonction donnée de

Si, maintenant, on suppose l’axe des vertical et les ordonnées dirigées de haut en bas, on aura

et, prenant et pour les deux variables indépendantes, on aura tout de suite (art. 11) les deux équations relatives à ces variables,

Si l’axe des n’était pas vertical, mais incliné à la verticale de l’angle la valeur de demeurerait la même, mais celle de deviendrait de sorte qu’il n’y aurait qu’à changer dans la première équation en et ajouter à son premier membre le terme et ajouter aussi au premier membre de la seconde le terme

En général, quelque changement qu’on fasse à la position de la surface ou de la ligne sur laquelle le corps se meut, la valeur de d’où naissent les termes différentiels de l’équation ne change pas ; il n’y a que celle de qui dépend de la position de la surface ou de la ligne.


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  1. Voir la Note VII à la fin du Ier Volume. Les coefficients de sont précisément les expressions considérées dans cette Note. On prouve facilement qu’ils sont constants, mais Lagrange a raison de faire observer qu’on se serait difficilement avisé de les chercher a priori. (J. Bertrand.)
  2. Œuvres de Lagrange, t. VI, p. 771 et 809. G. D.
  3. Cette manière de raisonner n’est pas admissible, car on doit aussi considérer le cas où il n’y aurait ni maximum ni minimum. On peut démontrer directement qu’entre deux points infiniment voisins il y a toujours minimum. Voir une Note à la fin du Volume. (J. Bertrand.)
  4. Nous avons remarqué plusieurs fois dans la Ire Partie que ces assertions sont trop absolues. Voir les notes des pages 38, 44, 101 et 119, tome précédent. Il y a lieu de faire ici une observation analogue. (J. Bertrand.)
  5. Cette assertion est inexacte ; le polynôme en ne doit jamais changer de signe, et, par conséquent, doit toujours être compris entre les deux mêmes racines. Il en résulte qu’à l’une des racines ne correspond ni maximum ni minimum. (J. Bertrand.)
  6. Cette formule est inexacte. M. Bravais, qui m’a fait remarquer cette inadvertance de Lagrange, m’a remis le calcul rectifié, que nous reproduisons à la fin du Volume.

    (J. Bertrand. )

  7. Il faut lire : on devra toujours faire (J. Bertrand.)