Mécanique analytique/Partie 2/Section 9

La bibliothèque libre.
Gauthier-Villars et Fils (Œuvres de Lagrange. Tome XIIp. 200-264).
◄  SECT. VIII
SECT. X  ►
Deuxième partie


SECTION NEUVIÈME.

SUR LE MOUVEMENT DE ROTATION.


L’importance et la difficulté de cette question m’engagent à y destiner une Section à part et à la traiter à fond. Je donnerai d’abord les formules les plus générales et, en même temps, les plus simples pour représenter le mouvement de rotation d’un corps ou d’un système de corps autour d’un point. Je déduirai ensuite de ces formules, par les méthodes de la Section IV, les équations nécessaires pour déterminer le mouvement de rotation d’un système de corps animés par des forces quelconques. Enfin je donnerai différentes applications de ces équations.

Quoique ce sujet ait déjà été traité par plusieurs géomètres, la théorie que nous allons en donner n’en sera pas moins utile. D’un côté, elle fournira de nouveaux moyens de résoudre le problème célèbre de la rotation des corps de figure quelconque ; de l’autre, elle servira à rapprocher et réunir sous un même point de vue les solutions qu’on a déjà données de ce problème, et qui sont toutes fondées sur des principes différents, et présentées sous diverses formes. Ces sortes de rapprochements sont toujours instructifs et ne peuvent qu’être très utiles aux progrès de l’Analyse ; on peut même dire qu’ils lui sont nécessaires dans l’état où elle est aujourd’hui car, à mesure que cette science s’étend et s’enrichit de nouvelles méthodes, elle devient aussi plus compliquée, et l’on ne saurait la simplifier qu’en généralisant et réduisant, tout à la fois, les méthodes qui peuvent être susceptibles de ces avantages.

CHAPITRE PREMIER.

Sur la rotation d’un système quelconque de corps.
§ I. — Formules générales relatives au mouvement de rotation.

Les formules différentielles trouvées dans la Ire Partie, pour exprimer les variations que peuvent recevoir les coordonnées d’un système quelconque de points, dont les distances sont supposées invariables, s’appliquent naturellement à la recherche dont il s’agit ici ; car cette supposition ne fait qu’anéantir les termes qui résulteraient des variations des distances entre les différents points. En sorte que les termes restants expriment ce que dans le mouvement du système il y a de général et de commun à tous les points, abstraction faite de leurs mouvements relatifs ; or c’est précisément ce mouvement commun et absolu que nous nous proposons ici d’examiner,

1. Reprenons les formules de l’article 55 de la Section que nous avons trouvées par une analyse directe fondée uniquement sur la supposition que les points du système conservent entre eux les mêmes distances. En y changeant la caractéristique en on aura, pour le mouvement absolu du système, ces trois équations

dans lesquelles représentent, à l’ordinaire, les coordonnées de chaque point du système par rapport à trois axes fixes et perpendiculaires entre eux, et où sont des quantités indéterminées, les mêmes pour-tous les points, et qui ne dépendent que du mouvement du système en général.

Soient maintenant les coordonnées pour un point déterminé du système ; on aura donc aussi

par conséquent, si l’on retranche ces formules des précédentes et qu’on fasse, pour plus de simplicité,

on aura ces équations différentielles

dans lesquelles les variables représenteront les coordonnées des différents points du système, prises depuis un point déterminé du même système, point que nous nommerons dorénavant le centre du système.

Ces équations étant linéaires et du premier ordre seulement, il suit de la théorie connue de ces sortes d’équations que, si l’on désigne par trois valeurs particulières de et par et les valeurs correspondantes de et on aura les intégrales complètes


étant trois constantes arbitraires.

Il est clair que ne sont autre chose que les coordonnées d’un point quelconque donné du système, et que de même et sont les coordonnées de deux autres points du système aussi donnés à volonté, ces coordonnées ayant leur origine commune dans le centre du système.

Ainsi, en connaissant les coordonnées pour trois points donnés, on aura, par les formules précédentes, les valeurs des coordonnées pour tout autre point dépendant des constantes mais il faut chercher les valeurs de ces constantes.

2. Si l’on suppose, ce qui est permis, que dans l’état initial les trois points donnés se trouvent placés dans les trois axes des coordonnées et à la distance de l’origine, il est clair qu’on aura alors

ce qui donnera

Ainsi les quantités ne seront autre chose que les coordonnées d’un point quelconque du système rapportées aux mêmes axes. Mais, par le mouvement du système, les axes de ces coordonnées changent de place dans l’espace, en demeurant fixes dans le système, puisque ces coordonnées sont constantes pour un même point et ne varient que d’un point à l’autre. La position de leurs axes, dans un instant quelconque, par rapport aux axes immobiles des ne dépendra que des coefficients En effet, si l’on fait ce qui donne

et par conséquent


il est facile de voir que les coefficients sont les cosinus des angles que l’axe des fait avec les axes des On voit de même, en supposant et nuls à la fois, ensuite et nuls ensemble, que les coefficients sont les cosinus des angles de l’axe des et les coefficients sont les cosinus des angles de l’axe des avec les mêmes axes des

3. Comme ces coefficients représentent, en général, les cordonnées de trois points donnés du système qu’on a supposés distants de l’origine d’une quantité et placés au commencement sur les axes des coordonnées rectangles on aura premièrement ces trois équations

Ensuite, à cause que les distances mutuelles de ces points sont les hypoténuses de triangles rectangles dont les côtés sont on aura

d’où l’on tire ces trois équations

Ainsi l’on a, entre les neuf coefficients six équations de condition par lesquelles ils se réduisent à trois indéterminées.

4. Au moyen de ces équations, les expressions générales des coordonnées de l’article 1 satisfont à la condition primitive que la distance entre deux points quelconques du système demeure invariable. En effet, si sont les coordonnées d’un de ces points, et les coordonnées d’un autre point, le carré de leur distance sera exprimé par

et si l’on désigne par les coordonnées relatives aux axes des pour le second point, on aura les valeurs de en changeant en dans celles de

Faisant ces substitutions dans l’expression précédente, et ayant égard aux six équations de condition, elle se réduira à

et sera, par conséquent, constante pendant le mouvement. D’où l’on peut conclure que ces six équations de condition sont les seules néces-

saires pour faire en sorte que la position respective des différents points du système ne dépende que des constantes et nullement des variables

Au reste, il est clair que les coordonnées ne sont que les transformations des coordonnées et que les six équations de condition sont le résultat de la condition générale

c’est ce qu’on voit par la comparaison de ces formules avec celles de l’article 15 de la Section III de la Ire Partie, dans lesquelles les coordonnées répondent à et les coefficients répondent à

5. Si l’on ajoute ensemble les expressions de de l’article 1, après les avoir multipliées respectivement par ensuite par et enfin par on aura tout de suite, par les équations de condition de l’article 3, ces formules inverses

et ces valeurs de étant substituées dans l’équation

qui doit avoir lieu, quelles que soient les valeurs de donneront, par la comparaison des termes, ces nouvelles équations de condition

lesquelles sont nécessairement une suite de celles de l’article 3, puisque les unes et les autres résultent également de cette condition générale

6. Mais, si l’on cherche directement les valeurs de par la résolution des équations de l’article 1, on aura, d’après les formules connues,

en supposant

Ces expressions doivent donc être identiques avec celles de l’article précédent ; ainsi, en comparant les coefficients des quantités on aura les équations suivantes :

Or, si l’on ajoute ensemble les carrés des trois premières, on a

le premier membre peut se mettre sous cette forme

donc, par les équations de condition de l’article 3, cette équation se réduit à

Pour savoir lequel des deux signes on doit prendre, il n’y a qu’à considérer la valeur de dans un cas particulier ; or le cas le plus simple est celui où les trois axes des coordonnées coïncideraient avec les trois axes des coordonnées auquel cas on aurait

et, par conséquent, par les formules de l’article 1,

et toutes les autres quantités nulles. En faisant ces substitutions dans l’expression générale de elle devient Donc, on aura toujours

7. Comme, entre les neuf indéterminées il y a essentiellement six équations de condition, on peut réduire toutes ces indéterminées à trois ; et il suffirait d’y réduire les six par le moyen des trois équations de condition

puisque les trois autres sont déjà connues en fonctions de celles-là par les formules précédentes.

Mais cette réduction se simplifie beaucoup en employant les sinus et cosinus d’angles ; on peut même y parvenir directement par les transformations connues des coordonnées.

En effet, puisque sont les coordonnées rectangles d’un point quelconque du corps par rapport à trois axes menés par son centre parallèlement aux axes fixes des coordonnées et que sont les coordonnées rectangles du même point par rapport à trois autres axes passant par le même centre, mais fixes au dedans du corps, et, par conséquent, de positions variables à l’égard des axes des il s’ensuit que, pour avoir les expressions de en il n’y aura qu’à transformer de la manière la plus générale ces coordonnées dans les autres.

Pour cela, nous nommerons l’angle que le plan des coordonnées fait avec celui des coordonnées et l’angle que l’intersection de ces deux plans fait avec l’axe des enfin nous désignerons par l’angle que l’axe des fait avec la même ligne d’intersection : ces trois quantités serviront, comme l’on voit, à déterminer la position des axes des coordonnées relativement aux axes des coordonnées et, par conséquent, on pourra, par leur moyen, exprimer ces dernières en fonction des autres.

Si, pour fixer les idées, on imagine que le corps proposé soit la Terre, que le plan des soit celui de l’équateur, et que l’axe des passe par un méridien donné ; que, de plus, le plan des soit celui de l’écliptique, et que l’axe des soit dirigé vers le premier point d’Aries, il est clair que l’angle deviendra l’obliquité de l’écliptique, que l’angle sera la longitude de l’équinoxe d’automne, ou du nœud ascendant de l’équateur sur l’écliptique, et que sera la distance du méridien donné à cet équinoxe.

En général, sera l’angle que le corps décrit en tournant autour de l’axe des coordonnées axe qu’on pourra, à cause de cela, appeler simplement l’axe du corps ; sera l’angle d’inclinaison de cet axe sur le plan fixe des coordonnées et sera l’angle que la projection de ce même axe fait avec l’axe des coordonnées

Cela posé, supposons d’abord que l’on change les deux coordonnées en deux autres placées dans le même plan, de telle manière que l’axe des soit dans l’intersection des deux plans, et que celui des soit perpendiculaire à cette intersection ; on aura

Supposons ensuite que les deux coordonnées soient changées en deux autres dont l’une soit toujours perpendiculaire à l’intersection des plans, mais soit placée dans le plan des et dont l’autre soit perpendiculaire à ce dernier plan ; on trouvera pareillement

Enfin, supposons encore que l’on change les coordonnées qui sont déjà dans le plan des en deux autres placées dans ce même plan, mais telles que l’axe des coïncide avec l’axe des on trouvera de la même manière

Et il est visible que les trois coordonnées seront la même chose que les coordonnées puisqu’elles sont rapportées aux mêmes axes ; de sorte qu’en substituant successivement les valeurs de on aura les expressions de en lesquelles se trouveront de la même forme que celles de l’article 1, en supposant

Ces valeurs satisfont aussi aux six équations de condition de l’article 5, ainsi qu’à celles de l’article_5, et résolvent ces équations dans toute leur étendue, puisqu’elles renferment trois variables indéterminées

En substituant ces valeurs, les expressions des coordonnées deviennent plus simples ; mais il est utile d’y conserver les coefficients pour maintenir la symétrie dans les formules et en faciliter les réductions.

8. Comme les quantités sont des valeurs particulières de elles doivent satisfaire aux équations différentielles de l’article 1 entre ces dernières variables ; ainsi l’on aura

et l’on aura de même

De là on peut tirer facilement les valeurs des quantités en fonctions de En effet, si l’on ajoute ensemble les valeurs de après les avoir multipliées par on aura, en vertu des équations de condition,

On trouvera de même, en multipliant par et par

Ayant ainsi les valeurs de en fonctions de si l’on y substitue les valeurs de ces dernières quantités en fonctions des angles (art. 7), on aura, après les réductions, ces expressions assez simples

9. L’axe autour duquel le système peut tourner en décrivant l’angle et dont la position dépend des deux angles et est supposé fixe dans le système et mobile dans l’espace ; mais nous avons vu, dans la Section III de la Ire Partie (art. 11 et 12), qu’il y a toujours un axe autour duquel le système tourne réellement dans chaque instant, et que nous avons nommé axe instantané de rotation. On peut déterminer aussi la position instantanée de cet axe, ainsi que l’angle élémentaire de la rotation, par des angles analogues aux angles et que nous désignerons par car, les expressions de étant générales pour telle position qu’on veut de l’axe de rotation elles auront lieu aussi pour l’axe instantané de rotation en y changeant en Mais, comme la propriété de ce dernier axe est d’être immobile pendant un instant, il faudra que les différentielles dues au changement de position de cet axe, soient nulles ; de sorte qu’on aura pour l’axe dont il s’agit

d’où l’on tire

c’est l’angle de la rotation instantanée que nous avons dénoté par dans l’endroit cité de la Ire Partie.

On aura ensuite la position de cet axe par les deux angles et mais, pour le rapporter aux axes fixes des il suffit de considérer qu’ayant pris J’axe des pour l’axe de rotation, on a, pour tous les points de cet axe, donc, si l’on désigne par les coordonnées qui répondent au point où est égal à et qui sont en même temps les cosinus des angles que l’axe de rotation fait avec les trois axes des on a, par les formules de l’article 8,

En effet, ces valeurs de rendent nulles celles de leurs différentielles, comme on le voit par les formules de l’article 1, ce qui est la propriété de tous les points de l’axe instantané de rotation, et par laquelle nous avons déterminé cet axe dans la Section III de la Ire Partie.

On voit par là que les quantités répondent exactement aux angles de rotation que nous avons dénotés par dans la Section que nous venons de citer, et que nous avons conservés dans la Section III ci-dessus.

10. Si, maintenant, on substitue ces mêmes valeurs de dans les expressions générales de de l’article 5, à la place de on aura les valeurs des coordonnées qui répondent à l’axe instantané de rotation, et que nous désignerons par Ainsi, en faisant, pour abréger,

ce qui donne, par les équations de condition de l’article 5,

on aura

expressions entièrement semblables à celles des dans lesquelles on voit que les quantités [1] répondent aux quantités Et ces valeurs de seront pareillement les cosinus des angles que l’axe de rotation fait avec les axes des coordonnées

11. Pour avoir les valeurs de exprimées par les variables il ne s’agira que de substituer à la place de les valeurs données dans l’article 8. Mais, pour obtenir les formules les plus simples, il conviendra de mettre ces dernières valeurs sous la forme suivante, qui est équivalente à celle de l’article cité en vertu des équations de condition données à l’article 5,

On aura ainsi, en substituant et ordonnant, les termes

ce qui se réduit, par les formules de l’article 6, à

et enfin, par les trois équations de condition de l’article 5 différentiées, à cette expression simple

et l’on trouvera, de la même manière,

Si l’on substitue pour leurs valeurs en de l’article 7, on a, après quelques réductions,

12. Il est facile de se convaincre que ces valeurs de rendent également nulles les différentielles des coordonnées car, en différentiant et faisant dans les formules de l’article 1, changeant ensuite en pour les rapporter à l’axe instantané de rotation, on a les trois équations

En les ajoutant ensemble, après les avoir multipliées successivement par par et par et ayant égard aux équations de condition de l’article 2, on a

En ayant ensuite égard aux trois autres équations de condition de l’article 5, et supposant les valeurs de données ci-dessus, ces trois équations deviennent

auxquelles satisfont évidemment les valeurs données ci-dessus.

13. De même que les quantités servent à exprimer d’une manière uniforme les différentielles des quantités comme on l’a vu dans l’article 8, on peut aussi exprimer ces différentiellespar les quantités

En effet, si l’on prend les trois équations

et qu’on les ajoute ensemble après les avoir multipliées successivement par par et par on aura tout de suite, par les équations de condition de l’article 5,

De même, les trois équations

étant multipliées successivement par et par et ensuite ajoutées ensemble, donneront, par les mêmes équations de condition,

Enfin les équations

donneront de la même manière

14. Par le moyen de ces formules, on peut représenter d’une manière fort simple les variations des coordonnées lorsqu’on veut considérer à la fois le changement de situation du système autour de son centre et le changement des distances mutuelles des points du système. Pour cela, il est clair qu’il faut différentier les expressions de en regardant en même temps comme variables toutes les quantités ainsi que ce qui donne

substituant les expressions de qu’on vient de trouver, et faisant, pour abréger,

on aura ces formules différentielles très simples,

Et si l’on différentié ces expressions, qu’on y substitue de nouveau pour les valeurs trouvées ci-dessus, et qu’on fasse encore, pour abréger,

on aura les différentielles secondes

On voit que ces différentielles premières et secondes sont semblables aux expressions finies de (art. 1), et que les quantités y entrent de la même manière ; il en serait de même des différentielles de tous les autres ordres, ce qui rend l’emploi des quantités très avantageux dans les calculs relatifs à la rotation.

15. Mais il y a une remarque importante à faire sur l’emploi de ces quantités c’est que, quoiqu’elles se présentent sous la forme différentielle, on se tromperait en les traitant comme telles dans les différentiations relatives à la caractéristique Ainsi il n’est pas permis de changer simplement en dans la valeur

Nous observerons d’abord que rien n’empêche de changer dans les formules différentielles de l’article 13 la caractéristique en ce qui introduira, dans les valeurs des variations les trois indéterminées qui serviront à réduire toutes ces variations à trois arbitraires.

Ainsi, ayant trouvé (art. 13)

on aura de même, en changeant en

et ainsi des quantités qui deviendront et

Maintenant on aura, en différentiant suivant,

et, en différentiant par

Mais sont la même chose que parce que les quantités sont des variables finies ; donc on aura

Substituons pour et leurs valeurs en (art. 13), et pour et les valeurs analogues qui viennent du changement de la caractéristique en on aura, par les équations de condition de l’article 2,

donc

Et, par un calcul semblable, on trouvera

Ici se termine ce que l’on a pu trouver d’entièrement achevé sur le mouvement de rotation dans les manuscrits de M. Lagrange. Nous nous proposons de continuer ce Chapitre avec les paragraphes de l’ancienne édition, en profitant de plusieurs changements indiqués dans l’exemplaire de M. Lagrange. Nous renfermerons dans une Note placée à la fin du Volume quelques fragments relatifs à ce sujet, qui devaient servir de matériaux à un paragraphe sur les équations générales du mouvement de rotation d’un système quelconque de corps ; ils sont dans un état trop incomplet pour entrer dans le texte, et cependant les géomètres regretteraient de ne pas les connaître. (Note des éditeurs de la deuxième édition.)

§ II. — Équations pour le mouvement de rotation d’un corps solide animé par des forces quelconques.

16. Nous venons de voir dans le paragraphe précédent que, quelque mouvement que puisse avoir un corps solide, ce mouvement ne peut dépendre que de six variables, dont trois se rapportent au mouvement d’un point unique du corps, que nous avons appelé le centre du système[2] et dont les trois autres servent à déterminer le mouvement de rotation du corps autour de ce centre. D’où il suit que les équations qu’il s’agit de trouver ne peuvent être qu’au nombre de six au plus ; et il est clair que ces équations peuvent, par conséquent, se déduire de celles que nous avons déjà données dans la Section III, §§ I et II, lesquelles sont générales pour tout système de corps. Mais, pour cela, il faut distinguer deux cas, l’un quand le corps est tout à fait libre, l’autre quand il est assujetti à se mouvoir autour d’un point fixe.

17. Considérons d’abord un corps solide absolument libre ; prenons le centre du corps dans son centre même de gravité, et nommant les trois coordonnées rectangles de ce centre, la masse entière du corps, chacun de ses éléments, et les forces accélératrices qui agissent sur cet élément suivant les directions des mêmes coordonnées ; nous aurons, en premier lieu, ces trois équations (Sect. III, art. 3)

S
S
S

dans lesquelles la caractéristique S dénote des intégrales totales relatives à toute la masse du corps ; et ces équations serviront, comme l’on voit, à déterminer le mouvement du centre de gravité.

En second lieu, si l’on désigne par les coordonnées rectangles de chaque élément prises depuis le centre de gravité et parallèles aux mêmes axes des coordonnées de ce centre, on aura ces trois autres équations (Section citée, art. 12)

S
S
S

Or nous avons prouvé, dans le paragraphe précédent, que les valeurs des quantités sont toujours de cette forme

et nous y avons vu que, pour les corps solides, les quantités sont nécessairement constantes par rapport au temps et variables uniquement par rapport aux différents éléments puisque ces quantités représentent les coordonnées rectangles de chacun de ces éléments, rapportées à trois axes qui se croisent dans le centre du corps et qui sont fixes dans son intérieur ; qu’au contraire les quantités sont variables par rapport au temps, et constantes pour tous les éléments du corps, ces quantités étant toutes des fonctions de trois angles qui déterminent les différents mouvements de rotation que le corps a autour de son centre. Si donc on fait, dans les équations précédentes, ces différentes substitutions, en ayant soin de faire sortir hors des signes S les variables et leurs différences, on aura trois équations différentielles du second ordre entre ces mêmes variables et le temps lesquelles serviront à les déterminer toutes trois en fonctions de

Ces équations seront semblables à celles que M. d’Alembert a trouvées le premier, pour le mouvement de rotation d’un corps de figure quelconque, et dont il a fait un usage si utile dans ses recherches sur la précession des équinoxes.

Par cette raison, et parce que d’ailleurs la forme de ces équations n’a pas toute la simplicité dont elles sont susceptibles, nous ne nous arrêterons pas ici à les détailler ; mais nous allons plutôt résoudre directement le problème, par la méthode générale de la Section IV, laquelle donnera immédiatement les équations les plus simples et les plus commodes pour le calcul.

18. Pour employer ici cette méthode de la manière la plus générale et la plus simple, on supposera, ce qui est le cas de la nature, que chaque particule Dm du corps soit attirée par des forces proportionnelles à des fonctions quelconques des distances de la même particule aux centres de ces forces, et on formera de là la quantité algébrique

On considérera ensuite les deux quantités

S S

en rapportant la caractéristique intégrale S uniquement aux éléments du corps et aux quantités relatives à la position de ces éléments dans le corps.

On réduira ces deux quantités en fonctions de variables quelconques relatives aux divers mouvements du corps, et l’on en formera la formule générale suivante (Sect. IV, art. 10)

Si les variables sont, par la nature du problème, indépendantes entre elles (et l’on peut toujours les prendre telles qu’elles le soient), on égalera séparément à zéro les quantités multipliées par chacune des variations indéterminées, et l’on aura ainsi autant d’équations entre les variables qu’il y aura de ces variables.

Si les variables dont il s’agit ne sont pas tout à fait indépendantes, mais qu’il y ait entre elles une ou plusieurs équations de condition, on aura, par la différentiation de ces équations, autant d’équations de condition entre les variations par le moyen desquelles on pourra réduire ces variations à un plus petit nombre.

Ayant fait cette réduction dans la formule générale, on égalera pareillement à zéro chacun des coefficients des variations restantes ; et les équations qui en proviendront, jointes à celles de condition données, suffiront pour résoudre le problème.

Dans celui dont il s’agit ici, il n’y aura qu’à faire usage des transformations enseignées dans le paragraphe précédent. Ainsi l’on substituera d’abord au lieu de ensuite au lieu de (art. 1) ; enfin, mettant pour leurs valeurs en de l’article 7, on aura les quantités exprimées en fonctions des six variables indépendantes à la place desquelles on pourra encore, si on le juge à propos, en introduire d’autres équivalentes et chacune d’elles fournira, pour la détermination du mouvement du corps, une équation de cette forme

étant une de ces variables.

19. Commençons donc par mettre dans l’expression de à la place de ces nouvelles variables et, faisant sortir hors du signe S les qui sont les mêmes pour tous les points du corps, puisque ce sont les coordonnées du centre du corps, la fonction deviendra

S S
SSS
.

Cette expression est composée, comme l’on voit, de trois parties, dont la première ne contient que les seules variables et exprime la valeur de dans le cas où le corps serait regardé comme un point. Si donc ces variables sont indépendantes des autres variables ce qui a lieu lorsque le corps est libre de tourner en tous sens autour de son centre, la formule dont il s’agit devra être traitée séparément, et fournira pour le mouvement de ce centre les mêmes équations que si le corps y était concentré ; ainsi cette partie du pro blème rentre dans celui que nous avons résolu dans les Sections précédentes, et auquel nous renvoyons.

La troisième partie de l’expression précédente, celle qui contient les différences multipliées par les différences disparaît d’elle-même dans deux cas : lorsque le centre du corps est fixe, ce qui est évident, parce qu’alors les différences des coordonnées de ce centre sont nulles ; et lorsque ce centre est supposé placé dans le centre même de gravité du corps, car alors les intégrales S S S deviennent nulles d’elles-mêmes. En effet, en y substituant pour leurs valeurs (article précédent), et faisant sortir hors du signe S les quantités qui sont indépendantes de la position des particules dans le corps, chaque terme de ces intégrales se trouvera multiplié par une de ces trois quantités, S S S or ces quantités ne sont autre chose que les sommes des produits de chaque élément multiplié par sa distance à trois plans passant par le centre du corps et perpendiculaires aux axes des coordonnées elles sont donc nulles, quand ce centre coïncide avec celui de gravité de tous les corps, par les propriétés connues de ce dernier centre. Donc aussi les trois intégrales S S S seront nulles dans ce cas.

Dans l’un et dans l’autre cas, il ne restera donc à considérer dans l’expression que la formule

S

qui est uniquement relative au mouvement de rotation que le système peut avoir autour de son centre, et qui servira par conséquent à déterminer les lois de ce mouvement, indépendamment de celui que le centre peut avoir dans l’espace.

20. Pour rendre la solution la plus simple qu’il est possible, il est à propos de faire usage des expressions de de l’article 14, lesquelles donnent, en faisant

Or, les quantités étant ici les seules variables, relativement à la position des particules dans le corps, il s’ensuit que, pour avoir la valeur de S il n’y aura qu’à multiplier chaque terme de la quantité précédente par et intégrer ensuite relativement à la caractéristique S, en faisant sortir hors de ce signe les quantités qui en sont indépendantes. Ainsi la quantité S deviendra

en faisant, pour abréger,

S     S     S
S S S

Ces intégrations sont relatives à toute la masse du corps, en sorte que doivent être désormais regardées et traitées comme des constantes données par la figure du corps.

21. Si l’on fait, pour plus de simplicité,

on aura, en ne considérant dans la fonction que les termes relatifs au mouvement de rotation,

ainsi, n’étant fonction que de on aura, en différentiant selon

Or, par les formules de l’article 11, on a

donc ( étant toujours constant)

d’où l’on aura sur-le-champ, pour le mouvement de rotation du corps, ces trois équations du second ordre

À l’égard de la quantité comme elle dépend des forces qui sollicitent le corps, elle sera nulle si le corps n’est animé par aucune force ; ainsi, dans ce cas, les trois quantités seront nulles aussi, et la seconde des trois équations précédentes sera intégrable d’elle-même mais l’intégration générale de toutes ces équations restera encore fort difficile.

En général, puisque S et que est une fonction algébrique des distances (art. 18), dont chacune est exprimée par

en désignant par les coordonnées du centre fixe des forces, il n’y aura qu’à faire dans la fonction les mêmes substitutions que ci-dessus, et, après avoir intégré relativement à toute la masse du corps, on aura l’expression de en d’où l’on tirera par la différentiation ordinaire les valeurs de qui sont les mêmes que celles de Comme ceci n’a point de difficulté, nous ne nous y arrêterons point ; nous remarquerons seulement que les équations précédentes reviennent à celles que j’ai employées dans mes premières recherches sur la libration de la Lune.

22[3]. Quoique l’emploi des angles paraisse être ce qu’il y a de plus simple pour trouver par notre méthode les équations de la rotation du corps, on peut néanmoins parvenir encore plus directement au but, et obtenir même des formules plus élégantes et plus commodes pour le calcul dans plusieurs cas, en considérant immédiatement les variations des quantités données par les formules de l’article 15, savoir

substituant ces valeurs dans et mettant pour on aura

Quant aux termes relatifs à la variation de puisque devient une fonction algébrique de après la substitution de au lieu de le signe intégral S n’ayant rapport qu’aux quantités il n’y aura qu’à différentier par et mettre ensuite pour leurs valeurs en ainsi, puisque

on aura dans la même équation les termes suivants provenant de  :

Donc enfin, rassemblant tous les termes multipliés par chacune des trois quantités on aura une équation générale de cette forme

dans laquelle

Et, comme les trois quantités sont indépendantes entre elles, et en même temps arbitraires, on aura donc ces trois équations particulières

lesquelles, étant combinées avec les six équations de condition entre les neuf variables (art. 5), serviront à déterminer chacune de ces variables.

On peut mettre, si l’on veut, sous une forme plus simple les termes de ces équations dépendants de la quantité Car, puisque S on aura (à cause que le signe S ne regarde point les variables )

S     S    

et comme est une fonction algébrique de

il est aisé de voir qu’en faisant varier séparément on aura

et ainsi de suite ; de sorte qu’on aura, de cette manière,

S
S
S

Mais, si cette transformation simplifie les formules, elle ne simplifie pas le calcul, parce qu’au lieu de l’intégration unique contenue dans on en aura trois à exécuter.

23. Lorsque les distances des centres des forces au centre du corps sont très grandes vis-à-vis des dimensions de ce corps, on peut alors réduire la quantité en une série fort convergente de termes proportionnels aux puissances et aux produits de de sorte que l’intégration S n’aura aucune difficulté c’est le cas des planètes, en tant qu’elles s’attirent mutuellement.

Si la force attractive est simplement proportionnelle à la distance en sorte que étant un coefficient constant, le terme de la fonction (art. 18) devient et, comme est exprimé, en général, par en désignant par les coordonnées du centre des forces, le terme dont il s’agit donnera ceux-ci :

Donc, substituant pour leurs valeurs multipliant par et intégrant selon S, on aura, dans la valeur de S les termes suivants :

S S
SSS

Or

donc

SSSS

et ainsi des autres ; et (art. 5)

SS

sera égal à une constante que nous désignerons par

Mais, si l’on prend pour le centre arbitraire du corps son centre même de gravité, on a alors

SSS

comme nous l’avons déjà vu ci-dessus (art. 19). Ainsi, dans ce cas, la quantité ne contiendra, relativement à la force dont il s’agit, que les termes

de sorte que toutes les différences partielles seront nulles.

D’où il s’ensuit que l’effet de cette force sera nul par rapport au mouvement de rotation autour du centre de gravité.

Et, comme l’expression précédente au terme constant près, est la même chose que si tout le corps était concentré dans son centre, auquel cas on aura pour le mouvement progressif de ce centre les mêmes équations que si le corps était réduit à un point ; car les différences partielles de relativement aux variables seront les mêmes que dans cette hypothèse.

Si l’on veut considérer le corps comme pesant, en prenant la force accélératrice de la gravité pour l’unité et l’axe des coordonnées dirigé verticalement de haut en bas, on aura

donc

de sorte que la quantité contiendra, à raison de la pesanteur du corps, les termes

SSSS

Ainsi, si le centre du corps est pris dans son centre de gravité, les termes qui contiennent les variables disparaîtront, et, par conséquent, l’effet de la gravité sur la rotation sera nul, comme dans le cas précédent. La valeur de en tant qu’elle est due à la gravité, se réduira alors à S c’est-à-dire à ce qu’elle serait si le corps était réduit à un point en conservant sa masse S donc aussi le mouvement de translation du corps sera le même que dans ce cas.

§ III. — Détermination du mouvement d’un corps grave de figure quelconque.

24. Ce problème, quelque difficile qu’il soit, est néanmoins un des plus simples que présente la Mécanique, quand on considère les choses dans l’état naturel et sans abstraction ; car, tous les corps étant essentiellement pesants et étendus, on ne peut les dépouiller de l’une ou de l’autre de ces propriétés sans les dénaturer, et les questions dans lesquelles on ne tiendrait pas compte de toutes les deux à la fois ne seraient par conséquent que de pure curiosité.

Nous commencerons par examiner le mouvement des corps lihres, comme le sont les projectiles ; nous examinerons ensuite celui des corps retenus par un point fixe, comme le sont les pendules.

Dans le premier cas on prendra le centre du corps dans son centre de gravité, et comme alors l’effet de la gravité est nul sur la rotation, ainsi qu’on vient de le voir, on déterminera les lois de cette rotation par les trois équations suivantes (art. 22)

(A)

en supposant (art. 21)

et

À l’égard du centre même du corps, il suivra les lois connues du mouvement des projectiles considérés comme des points ; ainsi la détermination de son mouvement n’a aucune difficulté, et nous ne nous y arrêterons point.

Dans le second cas, on prendra le point fixe de suspension pour le centre du corps, et, supposant les coordonnées verticales et dirigées de haut en bas, on aura (art. 23)

SSSS
d’où l’on tire
SSS

et toutes les autres différences partielles de seront nulles de sorte que les équations pour le mouvement de rotation seront (art. 22)

(B)                

les quantités S S S devant être regardées comme des constantes données par la figure du corps et par le lieu du point de suspension.

25. La solution du premier cas, où le corps est supposé entièrement libre, et où l’on ne considère que la rotation autour du centre de gravité, dépend uniquement de l’intégration des trois équations

Or il est d’abord facile de trouver deux intégrales de ces équations ; car :

1o si on les multiplie respectivement par et qu’ensuite on les ajoute ensemble, on a évidemment une équation intégable, et dont l’intégrale sera

étant une constante arbitraire.

2o Si l’on multiplie les mêmes équations par et qu’on les ajoute ensemble, on aura celle-ci

laquelle, à cause que est une fonction de uniquement et que par conséquent est aussi intégrable, son intégrale étant

étant une nouvelle constante arbitraire.

En mettant dans ces équations, au lieu de leurs valeurs, on aura deux équations du second degré entre par lesquelles on pourra déterminer les valeurs de deux de ces variables en fonctions de la troisième ; et, ces valeurs étant ensuite substituées dans une quelconque des trois équations on aura une équation du premier ordre entre et la valeur dont il s’agit ; ainsi l’on pourra connaître par ce moyen les valeurs de en C’est ce que nous allons développer.

Je remarque d’abord qu’on peut réduire la seconde des deux intégrales trouvées à une forme plus simple, en faisant attention que, puisque est une fonction homogène de deux dimensions de on a, par la propriété connue de ces sortes de fonctions,

ce qui réduit l’équation intégrale dont il s’agit à

laquelle exprime la conservation des forces vives du mouvement de rotation.

Je remarque ensuite que, comme la quantité

est équivalente à celle-ci

laquelle devient

en vertu des deux intégrales précédentes, on aura une équation différentielle plus simple en ajoutant ensemble les carrés des valeurs de dans les trois équations différentielles (A), équation qu’on pourra aussi employer à la place d’une quelconque de celles-ci.

De cette manière, la détermination des quantités en dépendra simplement de ces trois équations

dans lesquelles

26. Cette détermination est assez facile, lorsque les trois constantes sont nulles ; car on a alors simplement

donc

de sorte que les trois équations à résoudre seront de la forme suivante :

Si donc on fait et qu’on tire les valeurs de de ces trois équations,

on aura

ces valeurs étant substituées dans l’équation différentielle ci-dessus, le premier membre de cette équation deviendra, après les réductions,

et le second membre deviendra de sorte qu’en divisant toute l’équation par et tirant la racine carrée, on aura enfin

d’où l’on tirera par l’intégration en et réciproquement.

27. Supposons maintenant que les constantes ne soient pas nulles, et voyons comment on peut ramener ce cas au précédent, au moyen de quelques substitutions.

Pour cela, je substitue à la place des variables des fonctions d’autres variables qu’il ne faudra pas confondre avec celles que nous avons employées jusqu’ici pour représenter les coordonnées des différents points du corps ; et je suppose d’abord ces fonctions telles que l’on ait

Il est évident que, pour satisfaire à cette condition, elles ne peuvent

être que linéaires et, par conséquent, de cette forme

Les quantités seront des constantes arbitraires entre lesquelles, en vertu de l’équation

il faudra qu’il y ait les six équations de condition que voici :

de sorte que, comme les quantités dont il s’agit sont au nombre de neuf, après avoir satisfait à ces six équations, il en restera encore trois d’arbitraires.

Je substituerai maintenant ces expressions de dans la valeur de et je ferai en sorte, au moyen des trois arbitraires dont je viens de parler, que les trois termes qui contiendraient les produits disparaissent de la valeur de en sorte que cette quantité se réduise à cette forme

Mais, pour rendre le calcul plus simple, je substituerai immédiatement dans cette formule les valeurs de en et, comparant ensuite le résultat avec l’expression de je déterminerai non seulement les arbitraires dont il s’agit, mais aussi les inconnues Or les valeurs ci-dessus de étant multipliées respectivement par par et par ensuite ajoutées ensemble, donnent sur-le-champ, en vertu des équations de condition entre les coefficients

La substitution de ces valeurs dans la quantité et la
comparaison avec la valeur de de l’article 25 donneront ainsi les six équations suivantes :

qui serviront à la détermination des six inconnues dont il s’agit.

Et cette détermination n’a même aucune difficulté ; car, si l’on ajoute ensemble la première équation multipliée par la sixième multipliée par et la cinquième multipliée par on a, en vertu des équations de condition déjà citées,

en ajoutant la deuxième, la quatrième et la sixième, multipliées respectivement par on aura pareillement

ajoutant enfin la troisième, la cinquième et la quatrième, multipliées respectivement par on aura

et ces trois équations, étant combinées avec l’équation de condition

serviront à déterminer les quatre inconnues

Les deux premières équations donnent

substituant ces valeurs dans la troisième, on aura, après avoir divisé

par cette équation en

laquelle, étant du troisième degré, aura nécessairement une racine réelle.

Les mêmes valeurs étant substituées dans la quatrième équation, on en tirera celles de en lesquelles, en faisant, pour abréger,

seront exprimées ainsi :

Si l’on fait de nouveau les mêmes combinaisons des équations ci-dessus, mais en prenant pour multiplicateurs les quantités à la place de on en tirera ces équations-ci

qui, étant jointes à l’équation de condition

serviront à déterminer les quatre inconnues et, comme ces équations ne diffèrent des précédentes qu’en ce que ces inconnues y sont à la place des premières inconnues on en conclura sur-le-champ que l’équation en ainsi que les expressions de en seront les mêmes que celles que nous venons de trouver en

Enfin si l’on réitère les mêmes opérations, mais en prenant pour multiplicateurs, on trouvera de même les trois équations

auxquelles on joindra l’équation

et, comme ces équations sont en tout semblables aux précédentes, on en tirera des conclusions analogues.

On conclura donc, en général, que l’équation en trouvée ci-dessus aura pour racines les valeurs des trois quantités et que, ces trois racines étant substituées successivement dans les expressions de en on aura tout de suite les valeurs de de et de de sorte que tout sera connu, moyennant la résolution de l’équation dont il s’agit.

Au reste, comme cette équation est du troisième degré, elle aura toujours une racine réelle, qui, étant prise pour rendra aussi réelles les trois quantités À l’égard des deux autres racines et si elles étaient imaginaires, elles seraient, comme l’on sait, de la forme

de sorte que les quantités qui sont des fonctions rationnelles de seraient aussi de ces formes

et les quantités qui sont de semblables fonctions de seraient des formes réciproques

donc l’équation de condition deviendrait

et, par conséquent, impossible, tant que seraient réelles ; d’où il s’ensuit que et ne peuvent être imaginaires[4].

Pour qu’on puisse se convaincre directement de cette vérité, d’après l’équation même dont il s’agit, je mets cette équation sous la forme

j’y substitue successivement, au lieu de les deux autres racines et et je retranche les deux équations résultantes l’une de l’autre ; j’aurai, après les réductions et la division par cette transformée

laquelle est réductible à cette forme

qu’on voit être la même chose que l’équation

et qui fournit, par conséquent, des conclusions semblables[5].

Donc les trois racines seront nécessairement toutes réelles, et les neuf coefficients qui sont des fonctions rationnelles de ces racines, seront réels aussi.

28. Nous venons de déterminer les valeurs de ces coefficients en sorte que l’on ait

or, en faisant varier successivement on aura, à cause que sont fonctions de ces variables,

mais

comme on l’a déjà vu plus haut ; donc

substituant ces valeurs, on aura donc

De sorte qu’en vertu des équations de condition entre les coefficients on aura

et

Par conséquent, les trois équations finales de l’article 24 se réduiront à celles-ci

lesquelles sont, comme l’on voit, tout à fait semblables à celles de l’article 25, les quantités répondant aux quantités

D’où il suit que, si l’on fait, comme dans l’article cité,

on aura, entre les variables les mêmes formules que l’on avait trouvées entre en changeant seulement en

Ayant ainsi les valeurs de en ou on aura les valeurs complètes de par les formules de l’article 27.

29. Les quantités ne suffisent pas pour déterminer toutes les circonstances du mouvement de rotation du corps, elles ne servent qu’à faire connaître sa rotation instantanée. En effet, puisque

il s’ensuit de ce qu’on a vu dans l’article 10 que l’axe spontané de rotation, autour duquel le corps tourne à chaque instant, fera, avec les axes des coordonnées des angles dont les cosinus seront respectivement

et que la vitesse angulaire autour de cet axe sera représentée par

Pour la connaissance complète de la rotation du corps, il faut encore déterminer les valeurs des neuf quantités d’où dépendent celles des coordonnées lesquelles donnent la position absolue de chaque point du corps dans l’espace, relativement au centre de gravité regardé comme immobile (art. 17) ; c’est ce qui demande encore trois intégrations nouvelles.

Pour cet effet, je reprends les formules différentielles de l’article 13, et, mettant au lieu de j’ai ces équations

(C)

et autant d’équations semblables en et en en changeant seulement en et en

Ces équations étant comparées avec les équations différentielles (A) de l’article 24, entre tes quantités il est visible qu’elles sont entièrement semblables ; de sorte que ces quantités répondent aux quantités comme aussi aux quantités et aux quantités

D’où je conclus que ces dernières variables peuvent être regardées comme des valeurs particulières des variables et qu’ainsi, puisque les équations entre ces variables sont simplement linéaires, on aura, en prenant trois constantes quelconques ces trois équations intégrales complètes

(D)

or, en combinant ces trois équations avec les six équations de condition entre les mêmes variables il semble qu’on pourrait déterminer ces variables, qui sont en tout au nombre de neuf ; mais, en

considérant de plus près les équations précédentes, il est facile de se convaincre qu’elles ne peuvent réellement tenir lieu que de deux équations ; car, en ajoutant ensemble leurs carrés, il arrive que toutes les inconnues disparaissent à la fois, en vertu des mêmes équations de condition (art. 5) de sorte que l’on aura simplement l’équation

laquelle revient, comme l’on voit, à la première des deux intégrales trouvées plus haut (art. 25) ; et la comparaison de ces équations donne

en sorte que, parmi les quatre constantes il n’y en a que trois d’arbitraires.

D’où l’on doit conclure que la solution complète demande encore une nouvelle intégration, à laquelle il faudra employer une quelconque des équations différentielles ci-dessus ou une combinaison quelconque de ces mêmes équations.

30. Mais on peut rendre le calcul beaucoup plus général et plus simple, en cherchant directement les valeurs des coordonnées mêmes qui déterminent immédiatement la position absolue d’un point quelconque du corps pour lequel les coordonnées relatives aux axes du corps sont

Pour cela, j’ajoute ensemble les trois équations intégrales (D) trouvées ci-dessus, après avoir multiplié la première par la deuxième par la troisième par ce qui donne (art. 1) cette équation

Or on a déjà, par la nature des quantités (art. 5),

Enfin, on a aussi (art. 14), en mettant au lieu de

et faisant constants,

Ainsi voilà trois équations d’où l’on pourra tirer les valeurs de moyennant une seule intégration.

Ensuite, si l’on voulait connaître séparément les valeurs de il n’y aurait qu’à supposer, dans les expressions générales de les constantes

Supposons, pour abréger,

on aura donc à résoudre ces trois équations

dans lesquelles est une constante donnée, sont supposées connues en fonction de et sont des constantes arbitraires.

J’observe d’abord que, si et étaient nulles à la fois, la première équation donnerait

et, cette valeur étant substituée dans les deux autres, on aurait

équations très faciles à intégrer, en faisant ce

qui les change en ces deux-ci

dont la première donnera la valeur de et la seconde donnera l’angle par l’intégration de cette formule

Supposons maintenant que et ne soient pas nulles, et voyons comment on peut réduire ce cas au précédent. Il est clair que, si l’on fait

on aura également

ainsi les équations proposées se réduiront d’abord à cette forme

Si l’on fait ensuite

on aura encore

donc on aura ces transformées

qui sont, comme l’on voit, entièrement semblables à celles que nous

venons de résoudre ci-dessus ; en sorte qu’on aura pour les mêmes expressions que nous avons trouvées pour en y changeant seulement en

Ces valeurs étant connues, on aura les valeurs générales de par les formules

31. Telle est, si je ne me trompe, la solution la plus générale et en même temps la plus simple qu’on puisse donner du fameux problème du mouvement de rotation des corps libres ; elle est analogue à celle que j’ai donnée dans les Mémoires de l’Académie de Berlim pour 1773[6], mais elle est en même temps plus directe et plus simple à quelques égards. Dans celle-là, je suis parti de trois équations intégrales qui répondent aux équations (D) de l’article 29 ci-dessus, équations qui m’avaient été fournies directement par le principe connu des aires et des moments, et auxquelles j’avais joint l’équation des forces vives (art. 24). Ici, j’ai déduit toute la solution des trois équations différentielles primitives, et je crois avoir mis dans cette solution toute la clarté et, si j’ose le dire, toute l’élégance dont elle est susceptible ; par cette raison, je me flatte qu’on ne me désapprouvera pas d’avoir traité de nouveau ce problème, quoiqu’il ne soit guère que de pure curiosité, surtout si, comme je n’en doute pas, il peut être de quelque utilité à l’avancement de l’Analyse.

Ce qu’il y a, ce me semble, de plus remarquable dans la solution précédente, c’est l’emploi qu’on y fait des quantités sans connaître leurs valeurs, mais seulement les équations de condition auxquelles elles sont soumises, quantités qui disparaissent à la fin tout à fait du calcul ; je ne doute pas que ce genre d’analyse ne puisse aussi être utile dans d’autres occasions.

Au reste, si cette solution est un peu longue, on ne doit l’imputer qu’à la grande généralité qu’on y a voulu conserver ; et l’on a pu remarquer deux moyens de la simplifier, l’un en supposant les constantes nulles (art. 25), et l’autre en faisant nulles les constantes et (art. 30).

La première de ces deux suppositions avait toujours été regardée comme indispensable pour parvenir à une solution complète du problème, jusqu’à ce que j’eusse donné, dans mon Mémoire de 1773, la manière de s’en passer. Cette supposition consiste, en effet, à prendre, pour les axes des coordonnées des droites telles que les sommes S S S soient nulles (art. 19) ; et Euler a démontré le premier que cela est toujours possible, quelle que soit la figure du corps, et que les axes ainsi déterminés sont des axes de rotation naturels, c’est-à-dire tels que le corps peut tourner librement autour de chacun d’eux. Mais, quoiqu’on puisse toujours trouver des axes qui aient la propriété dont il s’agit, et que d’ailleurs la position des axes du corps soit arbitraire, il n’est pas indifférent d’avoir une solution tout à fait directe et indépendante de ces considérations particulières.

La seconde des deux suppositions dont il s’agit dépend de la position des axes des coordonnées dans l’espace, position qui, étant pareillement arbitraire, peut toujours être supposée telle que les constantes et deviennent nulles, comme on peut s’en convaincre directement, d’après les expressions générales de que nous avons trouvées.

32. En supposant nulles, on a, comme on l’a vu dans l’article 26,

et, ces valeurs étant substituées dans les trois équations différentielles (A), il vient celles-ci

lesquelles s’accordent avec celles qu’Euler a employées dans la solution qu’il a donnée le premier de ce problème (voir les Mémoires de l’Académie de Berlin pour 1758) ; pour s’en convaincre, il suffira d’observer que les constantes (art. 20) ne sont autre chose que ce qu’Euler nomme les moments d’inertie du corps autour des axes des coordonnées et que les variables dépendent du mouvement instantané et spontané de rotation, de manière que, si l’on nomme les angles que l’axe autour duquel le corps tourne spontanément à chaque instant fait avec les axes des et la vitesse angulaire de rotation autour de cet axe, on a (art. 29)

À l’égard des autres équations d’Euler, lesquelles servent à déterminer la position des axes du corps dans l’espace, elles se rapportent à nos équations (C) de l’article 29. En effet, comme les neuf quantités ne sont autre chose que les coordonnées rectangles des trois points du corps, pris dans ses trois axes, à la distance du centre (ce qui suit évidemment de ce que ces quantités résultent des trois en y faisant successivement ensuite et enfin ), il est clair que, si l’on désigne avec Euler par les compléments des angles d’inclinaison de ces axes sur le plan fixe des et et par les angles que les projections des mêmes axes font avec l’axe fixe des on aura ces trois expressions

et, par le moyen de ces substitutions, on trouvera aisément les équations auxquelles Euler est parvenu par des considérations géométriques et trigonométriques.

33. Au reste, en adoptant à la fois les deux suppositions de nulles et de nulles aussi, on aura la solution la plus simple par les trois équations (D) de l’article 29, en y substituant les valeurs de et de en (art. 7, 20) ; car on aura de cette manière ces trois équations du premier ordre

lesquelles se réduisent évidemment à celle-ci :

Or, si l’on élimine et en ajoutant ensemble ces trois équations, après les avoir multipliées respectivement par on aura l’équation

laquelle se réduit à cette forme

où les variables sont séparées.

Le second membre de cette équation se change en

ou encore en

donc, en intégrant logarithmiquement et passant ensuite des logarithmes aux nombres, on aura

étant une constante arbitraire. Or donc, substituant la valeur précédente, on aura

et, mettant cette valeur de dans les deux premières équations différentielles, on aura

équations où les indéterminées sont séparées et qui, étant intégrées, donneront et en fonctions de

Cette solution revient à celle que d’fllembert a donnée dans le Tome IV de ses Opuscules.

34. Venons au second cas, où l’on suppose le corps grave suspendu par un point fixe, autour duquel il peut tourner en tout sens. En prenant ce point pour le centre du corps, c’est-à-dire pour l’origine commune des coordonnées et et supposant les ordonnées verticales et dirigées de haut en bas, on aura, pour le mouvement de rotation du corps, les équations (B) de l’article 23. Ces équations sont plus compliquées que celles du cas précédent, à raison des termes multipliés par les quantités S S S lesquelles ne sont plus nulles lorsque le centre du corps, dont la position est ici donnée, tombe hors de son centre de gravité ; on peut néanmoins encore faire évanouir deux de ces quantités, en faisant passer par le centre de gravité l’un des axes des coordonnées dont la position dans le corps est arbitraire, ce qui simplifiera un peu les équations dont il s’agit.

Supposons donc que l’axe des coordonnées passe par le centre de gravité du corps ; on aura alors, par les propriétés de ce centre,

S S

et si l’on nomme la distance entre le centre du corps, qui est le point de suspension, et son centre de gravité, il est visible qu’on aura aussi

S

donc

SSS

en nommant la masse du corps.

Faisant ces substitutions et mettant pour on aura les trois équations suivantes :

(E)

dans lesquelles

35. On peut d’abord trouver deux intégrales de ces équations, en les ajoutant ensemble, après les avoir multipliées respectivement par ou par car, à cause de

(art. 13), on aura ainsi les deux équations

dont les intégrales sont

et étant deux constantes arbitraires.

Il paraît difficile de trouver d’autres intégrales et, par conséquent, de résoudre le problème en général. Mais on y peut parvenir en supposant que la figure du corps soit assujettie à des conditions particulières.

Ainsi, en supposant et de plus on aura

et la troisième des équations (E) deviendra dont l’intégrale est

Ce cas est celui où l’axe des coordonnées c’est-à-dire la droite qui passe par le point de suspension et par le centre de gravité, est un axe naturel de rotation, et où les moments d’inertie autour des deux autres axes sont égaux (art. 32), ce qui a lieu en général dans tous les solides de révolution, lorsque le point fixe est pris dans l’axe de révolution. La solution de ce cas est facile, d’après les trois intégrales qu’on vient de trouver[7].

En effet, puisque

il est visible que ces trois intégrales se réduiront à cette forme

étant des constantes arbitraires.

Donc, si l’on substitue pour et pour leurs valeurs en fonctions de (art. 7, 20), on aura ces trois équations

lesquelles ont, comme l’on voit, l’avantage que les angles finis et ne s’y trouvent pas.

La seconde donne d’abord

et, cette valeur étant substituée dans la première, on aura

ensuite la deuxième et la troisième donneront

équations où les indéterminées sont séparées, mais dont l’intégration dépend en général de la rectification des sections coniques.

36. Reprenons les équations (E) et substituons-y les valeurs de en elles deviendront

Dans l’état de repos du corps, les trois quantités sont nulles, puisque est la vitesse instantanée de rotation (art. 29) ; donc on aura alors

en sorte qu’à cause de et, par conséquent, de l’axe des coordonnées coïncidera avec celui des ordonnées c’est-à-dire que ce dernier axe qui passe par le centre de gravité du corps, et que nous nommerons dorénavant l’axe du corps, sera vertical, ce qui est l’état d’équilibre du corps ; et cela se voit encore mieux par les formules de l’article 7, lesquelles donnent et, par conséquent, étant l’angle des deux axes des coordonnées et

Si donc, en supposant le corps en mouvement, on suppose en même temps que son axe s’éloigne très peu de la verticale, en sorte que l’angle de déviation demeure toujours très petit, alors les quantités seront très petites, et l’on aura le cas où le corps ne fait que de très petites oscillations autour de la verticale, en ayant en même temps un mouvement quelconque de rotation autour de son axe.

Ce cas, qui n’a pas encore été résolu, peut l’être facilement et complètement par nos formules ; car, en regardant et comme très petites du premier ordre et négligeant, les quantités très petites du second ordre et des ordres suivants, on trouve, par les équations de condition de l’article 5,

et

donc

d’où

et par conséquent

Substituant ces valeurs dans les expressions de de l’article 11, on aura

en négligeant toujours les quantités du second ordre.

Ainsi donc on aura

valeurs qui, étant substituées dans les équations différentielles ci-dessus, donneront, en négligeant les puissances et les produits de des équations linéaires pour la détermination de ces variables.

Mais, avant de faire ces substitutions, on remarquera qu’en supposant et nuls, les équations dont il s’agit donneront

Donc, puisque ne saurait devenir nul, à moins que le corps ne se réduise à une ligne physique, étant S il s’ensuit qu’on ne peut satisfaire à ces équations qu’en faisant et ensuite, ou ou et

De là il est facile de conclure que, lorsque et ne sont pas nuls, mais seulement très petits, il faudra que les valeurs de ou de et soient aussi très petites, ce qui fait deux cas qui demandent à être examinés séparément.

37. Supposons premièrement que soit une quantité très petite du même ordre que et on aura, aux quantités du second ordre près,

Par ces substitutions, en négligeant toujours les quantités du second ordre et changeant, pour plus de simplicité, les lettres en les équations différentielles de l’article précédent deviendront

La dernière donne et, cette valeur étant substituée dans les deux premières, on aura ces deux-ci :

dont l’intégration est facile par les méthodes connues.

Qu’on suppose pour cela

étant des constantes indéterminées ; on aura, après ces substitutions, ces deux équations de condition

lesquelles donnent

d’où résulte cette équation en

laquelle aura, comme l’on voit, quatre racines égales deux à deux et de signe contraire.

Si donc on désigne, en général, par et les racines inégales de cette équation, abstraction faite de leur signe, et qu’on prenne quatre constantes arbitraires on aura, en général,

et par conséquent

Enfin, on aura, en intégrant la valeur de

De sorte que l’on connaîtra ainsi toutes les variables en fonction de et le problème sera résolu.

Au reste, comme cette solution est fondée sur l’hypothèse que et soient de très petites quantités, il faudra pour qu’elle soit légitime : 1o que les constantes et soient aussi très petites ; 2o que les racines soient réelles et inégales, afin que l’angle soit toujours sous le signe des sinus. Or cette seconde condition exige ces deux-ci

lesquelles dépendent uniquement de la figure du corps et de la situation du point de suspension.

38. Supposons, en second lieu, que les constantes et soient aussi très petites du même ordre que et alors, négligeant les quantités du second ordre, et mettant à la place de les équations différentielles de l’article 36 deviendront

La dernière donne

et, intégrant,

étant une constante arbitraire de grandeur quelconque.

Substituant cette valeur de dans les deux équations, on aura celles-ci

dont l’intégration n’a aucune difficulté.

Qu’on les divise par et qu’on y remette, pour plus de simplicité, à la place de en se souvenant que est désormais constant, on aura, en ordonnant les termes et faisant (art. 34),

Pour intégrer ces équations, je commence par faire disparaître les termes tout constants, en supposant et déterminant les constantes en sorte que les termes et disparaissent ce qui donnera ces deux équations de condition

d’où l’on tirera

et l’on aura en les mêmes équations qu’en avec cette seule différence que les termes constants n’y seront plus.

Je suppose maintenant

et étant des constantes indéterminées, et le nombre dont le logarithme hyperbolique est Comme tous les termes des équations à intégrer contiennent et à la première dimension, il s’ensuit qu’ils seront, après les substitutions, tous divisibles par et il restera ces deux équations de condition

lesquelles donnent

de sorte qu’on aura cette équation en

laquelle, en faisant se réduit à cette forme

Ayant déterminé par cette équation, on aura

et la constante demeurera indéterminée. Or, comme l’équation en a deux racines, et que le radical peut être pris également en plus et en moins, on aura ainsi quatre valeurs différentesde lesquelles, étant réunies, satisferont également aux équations proposées, puisque les variables n’y sont que sous la forme linéaire. Prenant donc quatre constantes différentes pour on aura de cette manière les valeurs complètes de et puisque ces valeurs, ne dépendant que de deux équations différentielles du second ordre, ne sauraient renfermer au delà de quatre constantes arbitraires.

39. Pour que les expressions de et ne contiennent point d’arcs de cercle, il faut que soit imaginaire, et qu’ainsi soit une quantité réelle et moindre que l’unité.

Dénotons par et les deux racines de l’équation en supposées réelles et moindres que l’unité, et donnons aux quatre constantes arbitraires cette forme imaginaire

on aura, en faisant ces substitutions et passant des exponentielles

aux sinus et cosinus, ces expressions complètes et réelles de et

sont des constantes arbitraires dépendantes de l’état initial du corps.

Ayant ainsi et on aura

Donc, prenant pour un angle quelconque proportionnel au temps, on aura (art. 36) ces valeurs des neuf variables

en sorte qu’on connaîtra les coordonnées de chaque point du corps pour un instant quelconque (art. 1).

Si l’on compare les expressions précédentes de avec celles de l’article 7, on en déduira facilement les valeurs des angles de rotation et l’on trouvera

d’où l’on tire

Et il est facile de voir, d’après les définitions de l’article 7, que sera l’inclinaison, supposée très petite, de l’axe du corps avec la verticale que sera l’angle que cet axe décrit en tournant autour de la verticale, et que sera l’angle que le corps même décrit en tournant autour du même axe, ces deux derniers angles pouvant être de grandeur quelconque.

40. Mais il faut pour l’exactitude de cette solution que les variables et demeurent toujours très petites. Ainsi, non seulement les constantes et qui dépendent de l’état initial du corps, devront être très petites, mais il faudra que les valeurs des constantes et données par la figure du corps, soient aussi très petites, et que, de plus, les racines et soient réelles et positives, afin que l’angle soit toujours renfermé dans des sinus ou cosinus.

Si l’on suppose savoir

SS

on aura les conditions nécessaires pour que les moments des forces centrifuges autour de l’axe du corps, qui est en même temps celui des coordonnées se détruisent, en sorte que le corps puisse tourner uniformément et librement autour de cet axe. Or on sait qu’il y a, dans chaque corps, trois axes perpendiculaires entre eux et passant par le centre de gravité, lesquels ont cette propriété, et qu’on nomme communément, d’après Euler, les axes principaux du corps. Donc, puisque nous avons supposé que l’axe du corps passe en même temps par le centre de gravité et par le point de suspension, il s’ensuit que les quantités et seront nulles lorsque le corps sera suspendu par un point quelconque pris dans un de ses axes principaux.

Donc, pour que ces quantités, sans être absolument nulles, soient du moins très petites, il faudra que le point de suspension du corps soit très près d’un de ses axes principaux ; c’est la première condition nécessaire pour que l’axe du corps ne fasse que de très petites oscillations autour de la verticale, le corps lui-même ayant d’ailleurs un mouvement quelconque de rotation autour de cet axe.

L’autre condition nécessaire pour que ces oscillations soient toujours très petites dépend de l’équation en et se réduit à celles-ci

lesquelles dépendent à la fois de la situation du point de suspension et de la figure du corps.

41. La solution que nous venons de donner embrasse la théorie des petites oscillations des pendules, dans toute la généralité dont elle est susceptible. On sait que Huygens a donné, le premier, la théorie des oscillations circulaires Clairaut y a ajouté ensuite celle des oscillations coniques, qui ont lieu lorsque le pendule, étant tiré de sa ligne de repos, reçoit une impulsion dont la direction ne passe pas par cette ligne. Mais, si le pendule reçoit en même temps un mouvement de rotation autour de son axe, la force centrifuge produite par ce mouvement pourra déranger beaucoup les oscillations, soit circulaires, soit coniques, et la détermination de ces nouvelles oscillations est un problème qui n’avait pas encore été résolu complètement, et pour des pendules de figure quelconque. C’est la raison qui m’a déterminé à m’en occuper ici.


Séparateur

  1. Il faut bien remarquer que Lagrange définit ici les quantités sans s’inquiéter de savoir si les expressions auxquelles il donne ce nom sont intégrables, en sorte qu’il n’existe, en réalité, aucune fonction des variables actuelles qui puisse représenter Cette remarque est essentielle pour l’intelligence de l’article 15, page 199. (J. Bertrand.)
  2. On lit dans la première édition : le centre du corps. (J. Bertrand.)
  3. Ce paragraphe est un de ceux qui n’ont pas été reproduits tels qu’ils étaient dans la première édition ; les résultats auxquels on parvient sont absolument les mêmes, mais la rédaction est simplifiée par le renvoi à l’article 15, qui ne se trouvé pas dans la première édition. (J. Bertrand)
  4. L’équation dont il s’agit ici est celle qui fait connaître la direction des axes principaux dans les surfaces du second ordre. La démonstration qui suit est la première preuve directe qui ait été donnée de la réalité des racines de cette équation. (J. Bertrand.)
  5. On voit que l’intervention des quantités n’est nullement indispensable ; il suffit de remarquer que la dernière équation a pour premier membre la somme des produits de trois couples d’expressions imaginaires conjuguées. (J. Bertrand.)
  6. Œuvres de Lagrange, t. III, p. 579. (G. D.)
  7. Il est digne de remarque que ce problème ait été postérieurement résolu par Poisson comme entièrement nouveau. La solution qu’il en donne, sans citer aucunement Lagrange, fait partie du XVIe Cahier du Journal de l’École Polytechnique, publié en 1815, et a été reproduite dans la seconde édition de sa Mécanique. (J. Bertrand.)