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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/113

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

l’autre vers la gauche, un char porteur de fruits. Eutychès, logothète de la guerre, était toujours le triste squelette que surmontait une tête de vieille femme grosse et bougonne. Ses joues flétries semblaient mâchonner une éternelle bouillie trop épaisse pour son gosier. Couvert de chaînes et de plaques, d’insignes tintinnabulants, il s’appuyait sur une haute canne vernie d’azur ; et traînait malaisément une simarre persane brodée d’alérions rouges.

Irène les considéra durant qu’ils se relevaient, leurs révérences accomplies. Depuis onze ans ils la secondaient. Autour d’elle, ils avaient été les gestes officieux et qu’on ignore d’esclaves attentifs, prompts, ironiques, tristes. Autrefois ils ouvraient les courtines du lit impérial, pressaient le troupeau des chambrières, précédaient les esclaves apportant les coupes et les coffrets à confitures sur des assiettes d’ivoire.

Eutychès avait toujours mêlé à ces besognes des conseils sentencieux dont Léon riait avant de leur obéir ; car cette espèce de fantôme affreux était le dépositaire des pensées gouvernementales écloses dans le cerveau du Copronyme. Il savait les noms des archontes, des stratèges, des principaux cataphractaires et scholaires, leurs fortunes, leurs ambitions, leurs crimes et leurs vices ; ce par quoi il leur était dangereux. Jadis ses mains crochues avaient livré des captives, contre argent, à tous les soudards revenus gorgés de butin, soit de la Cappadoce, soit de l’Exarchat, après leurs défaites nombreuses, comme après