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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/172

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

Il faut imaginer ce cirque immense, toute la vie d’un peuple passionné, cosmopolite et palpitant.

De l’édifice ovale, une rumeur du peuple monte et s’évase dans l’air bleu, jusqu’aux vols des pigeons teints qui évoluent entre les banderolles des grands mâts verts. Les touffes de fleurs que les femmes élèvent devant leurs yeux, pour les garantir du soleil, font un immense chatoiement sur les gradins encombrés. La foule y grouille en pourpre, en indigo, en blanc. Les métaux des bijoux flambent aux agrafes sur les poitrines, aux cercles d’argent parmi les chevelures, aux pommeaux des glaives, aux casques des soldats en armures lumineuses et appuyés contre leurs piques. Ainsi brille le peuple romain étagé sur les zones oblongues de l’amphithéâtre autour de la Spina, digue énorme et centrale qu’enveloppe la piste sablée de brun. Le long de cette digue, se dresse la succession des colonnes enlevées jadis aux temples des vaincus, plusieurs chapelles et des édicules, maints trépieds où fument des parfums, quelques mâts écarlates contre quoi battent les bannières représentant, par reliefs de broderies, les figures géantes des saints. À une extrémité, le colosse de bronze qui supporte sur son épaule le poids doré de l’Enfant-Jésus, domine la borne effleurée par l’essor des quadriges. À l’autre bout, une statue non moins grande de la Théotokos recueille tout le soleil dans son auréole.

Tel est le lointain aperçu du pont en marbre qui réunit un étage des gradins à la tribune militaire du Pi et au ves-