Aller au contenu

Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
IRÈNE ET LES EUNUQUES

tibule du Cathisma, loge impériale, dont la porte, entre deux groupes de colonnettes, découvre une perspective de murailles en porphyre. Sur ce pont, des privilégiés bavardent et circulent, entre les rangs des gardes. Ce sont des courtisanes en robes étroites, en tuniques peintes de scènes pieuses. La marche d’une femme plisse son manteau violâtre où l’on voit figurée la Madeleine lavant les pieds du Christ. Elle sourit aux eunuques qui l’admirent, aux gardes coiffés de casques écailleux, au changeur arménien qui a une belle barbe bouclée, de grands yeux doux, une ceinture faite d’émaux ajustés, une tunique bleue, des cnémides en cuir blanc, une petite calotte en feutre gris.

Voici qu’une querelle divise les marchandes de fruits et les bouquetières. Sous l’emblème de ces commerces aimables, les hétaïres dissimulaient leur art lascif. De leurs bouches, s’épanche toute la vase des injures populaires.

— Poche à poison !… crie Zoé, dont se fripe le voile jaune.

— Pastèque pourrie !… riposte Eudoxie, et les franges bleues de sa robe entravent son élan.

— Le pain des prisons enfle encore tes joues !

— Rôdeuse d’hôtellerie, tu attires les pèlerins dans les embuscades sous prétexte d’amour.

— Manichéenne !…

— Fille de lépreux, tu perds ta peau par lanières ; ça se voit, malgré ton fard !…