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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/189

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

de ces épouses courtisanes qui, adultère par adultère, obtiennent, pour leurs maris, les commandements des thèmes et des éparchies, celui des flottes et des armées ? Ça ne te lasse pas de meurtrir l’âme de ta tendre épouse Marie ? Le mal ne te lasse pas ?

— Se lasse-t-on de vivre ? Je vis par tous les sens. Je veux vivre le plus…

Il devint impérieux.

— Il me faut soixante talents ;… et la punition de ton eunuque, qui me les refusa.

Irène voulut encore le raisonner :

— Sais-tu le prix de l’or, mon enfant ? Sais-tu que par ce seul élixir Byzance survit à son histoire ? Une goutte d’or, c’est une parcelle de l’empire… Mais tu ne vois donc rien, tu ne comprends donc rien ?

— Je vois des femmes qui veulent de l’amour, et des hommes qui veulent des combats…

Il avait dit cela en poète, mais il acheva, rageur, frappant la colonne de son poing fermé :

— Quand l’or manquera, nous irons en reprendre dans les villes des Sarrasins, ou dans celles des Lombards, avec nos armes et avec nos aigles !

La mère répondit, pitoyable :

— Enfant ! Tu ne connais rien de Byzance !… Mais, de toutes parts, le flot des hommes se rue sur la proie.

Et elle l’entraînait sur un balcon, lui désignait les spectateurs, éloquente et fiévreuse :

— Regarde là-haut, au faîte des gradins, ces barbares ! Le Franc vient chercher la rançon des captifs