Aller au contenu

Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
IRÈNE ET LES EUNUQUES

Marie se frappa la tête.

— Théos, faut-il que je la nomme… ?

Irène bondit, la prit aux épaules :

— En vérité, tu la nommeras…

— Tu ne sais pas ce que Ta Piété demande à ma faiblesse… Car alors, alors ; il sera clair que Constantin n’aime pas seulement le corps de la prostituée, mais qu’il adore son âme aussi…

— Quelle âme, dis… ma fille ?…

— Une âme qui l’emporte sur la mienne… une âme de prostituée… je te le dis… une âme qu’il croit… tandis qu’il ne croit pas les nôtres…

— Nomme cette âme, je t’en prie, si tu ne veux pas que les scholaires épanchent notre vie sur ces dalles…

— Il vaut mieux, vois-tu, Despoïna, il vaut mieux que nos vies soient épanchées sur ces dalles par la fureur des soldats… Sinon il deviendrait clair qu’une âme de prostituée est chérie par l’Autocrator plus que nos âmes… Et non pas le corps de cette prostituée, ni sa chair, ni sa beauté, mais son âme, tu entends, Despoïna : l’âme d’une prostituée…

— Obéis, Augusta, obéis… nomme-la…

Irène secoua rudement sa bru :

— Nomme cette âme…

— En vérité, je ne la nommerai pas…

— Ma fille… Écoute la mort approcher de nous… Nomme l’âme…

Marie tenta de le dire :

— C’est… Non, je ne peux pas…