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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/34

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

les mots, elle vantait la raison, les mérites de ta mère pieuse, et les propositions de l’Aréopagite sur l’Essence Divine qui n’a point de nom, mais ceux de Toutes Choses. Or, j’ai réfléchi. Mieux vaut ne pas laisser dans les ombres ce qui nous tourmente. Ayons le courage de tirer au jour ces vautours qui nous rongent le foie, afin que, les ayant éblouis par les lumières de notre raison, nous les jugions dignes d’être oubliés comme des charognes croupissantes.

Jean s’était levé, en souriant avec dédain. Irène crut devoir sourire aussi pour dissimuler sa confusion, ou, du moins, pour paraître railler elle-même les faiblesses que son maître allait lui découvrir. Mais elle eut froid tout à coup ; et sa nuque s’alourdit. Une pomme sembla lui grossir dans sa gorge. Cela l’étouffait. Jean apparut comme un ange terrible. Debout, et la taille prise dans une ceinture de cuir à quoi pendaient son aumônière, son écritoire, par des lanières brodées de soie violette, il était plus redoutable à cause de sa belle stature, de ses sourcils touffus et froncés. Cet homme la méprisait de toutes ses forces manifestes. L’orgueil d’Irène, refoulé en ses entrailles, s’y blottit, les tortura. Chancelante, elle supporta mal les regards de Jean qui plaignaient cette angoisse.

Comme il ne parlait plus, elle se roidit pour rompre ce silence affreux mais indifférent aux papillons qui se poursuivaient le long des parterres rouges et bleus, mais indifférent aux passereaux qui voletaient en foule dans un troène. Et elle dit :