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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/391

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

— Le logothète vous le disait tout à l’heure. Si les Eunuques l’emportent, Byzance devient une province de l’empire d’Occident. Vous, drongaires, vous verrez vos banda aux mains des soldats de Karl avec les privilèges et les pensions attachés aux titres. Vous, stratèges, vous aurez à subir les ordres des leudes francs et leur arrogance ; ils commanderont à vos légionnaires, ils mèneront le destin de vos aigles… Ah ! je vois déjà sur vos figures les larmes de désespoir et le rictus de l’horreur. Je vois vos rhéteurs et vos grammairiens, vos philosophes et vos astrologues insultés par le rire des bourreaux ignorants, glorieux de leurs meurtres et de leur sottise… Je vois…

Une Zoé jette un cri aigu, épouvantée par la fable persane.

— Il faut avoir du courage et ne pas trembler… assure d’un air d’intelligente supériorité quelque Maximo aux yeux de biche dans une face pâle.

— Je paie deux talents d’or le capitaine de ma galère bleue… déclare l’amateur au bonnet de filigrane… parce que, seul, il peut lire la maxime, à chaque voyage.

— Tu parles avec le souci de la vérité ?… interroge une Eudoxie soupçonneuse en se grattant l’aisselle.

Sa camarade trop musquée objecte :

— Mais comment le nègre n’a-t-il pas tranché la tête de ton frère !

— Illustre dame… répond le bateleur galant… si le nègre ne trancha pas la tête de mon frère que voici, ni celle du prince Allah-Eddin…