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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/398

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

— Entrez dans le palais,… balbutie Irène, verte d’émotion.

Hagards et anxieux les eunuques s’engouffrent pêle-mêle avec les mules, les conducteurs, les cubiculaires, les excubiteurs de l’escorté, les courriers porte-torches, les aveugles, leurs esclaves. Passé l’arcade centrale, entre les faisceaux des colonnes, ils se bousculent en s’accusant les uns les autres, sous un porche carré, sombre. Et les portes vibrent que l’on referme derrière eux. Irène garde le silence, les yeux clos, par peur, sans doute, d’apprendre la nouvelle affreuse, par appréhension du courroux public, et des rumeurs qui tourbillonnent au loin dans la ville. Elle pense qu’on a battu son fils d’étrivières, comme elle le permit dans sa fureur du matin. Elle doute qu’on lui ait crevé les yeux comme le craignait Aétios. Elle demeure certaine qu’on a sursis à la cruelle opération, jusqu’à sa venue. Par instant elle se représente son enfant tout petit, tel qu’il dormait jadis sur les genoux des nourrices, gras, potelé, frisé, grognon. Elle imagine tout à coup cette figure ronde et fraîche bouleversée dans les grimaces et les pleurs, trouée, sous les sourcils, par un feu pointu dont la brûlure caille le sang jailli.

Or la litière s’arrête dans une cour octogone que ceignent des piliers brillants aux chapiteaux ajourés. Les croupes des mules se plissent nerveusement pour chasser les essaims de mouches. Pharès abat le marchepied de la litière. Irène se soulève pénible-