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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/478

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

vice ; car, souffrante, elle s’exaspérait fréquemment, et chassait de sa présence, dès la moindre faute, les serviteurs étourdis ou maladroits. Elle se fit apporter du vin de Samos, y trempa du pain, sans toucher aux autres mets qu’on disposa devant elle sur une table d’onyx. La fumée des torches noircissait le marbre vert des murailles, et forçait les yeux à larmoyer bien qu’on éventât le milieu de la salle avec les plumes des chasse-mouches. La liqueur chaleureuse sucra la bouche d’Irène. Et elle goûta de l’aise à savourer. Alors ses paupières s’appesantirent. Sa tête pencha. Elle s’assoupit dans la cathèdre de cèdre, à l’ombre du dais de pourpre. La flamme dansante des torches changeait à chaque instant l’apparence de sa figure pour l’effroi superstitieux des filles cubiculaires qui la contemplaient. Elles préférèrent ne pas écarter la table, ni la coupe, ni les mets, de peur de la réveiller ; car elles étaient fort émues par cette affliction. En sorte que l’impératrice finit par s’accouder entre les plats, et ronfler. Les pendeloques du diadème s’incrustèrent dans un gâteau de fruits qui servit d’oreiller à la Très Pieuse.

Vers l’aube, les mouvements des cavaliers, la sonnerie d’une trompette lointaine abolirent ce sommeil. S’étant redressée, Irène constata sa dégradation, et que le vin répandu tachait aussi ses vêtements. En un coin de la salle, reposait un jeune eunuque arménien, brun comme Actéon, roulé dans sa robe bise à bandes d’argent. Deux petites cubiculaires