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Page:Adam - Irène et les eunuques, 1907.djvu/55

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IRÈNE ET LES EUNUQUES

Irène tâchait de prévoir les volontés du potentat qui la concernaient. Il la combla d’éloges, la pressa de questions sur son enfance, ses parents, ses maîtres, et sur la théurgie dont il sembla friand.

— Moi d’abord je te confierai ceci, délices d’Athènes. Astolfe le Lombard, Pépin le Franc, Étienne le Pape, enlevèrent à mes légions Ravenne, l’Exarchat et la Pentapole parce qu’ils obligèrent aussi la Très Illuminante Pureté à descendre des cieux vers un bassin rempli de sang infidèle et baptisé. Le pape de Rome a fait, en vue de cette triple opération, décapiter plusieurs captives sarrasines enfermées dans ses forteresses. Accepte cette vérité. La Vierge Marie est descendue trois fois, à leurs trois appels. Pour racheter à l’Enfer le sang qu’ils avaient baptisé, le sang des morts mahométans, elle a promis d’exaucer le vœu qui était celui de notre défaite. Car il fut écrit, Ta Sagesse ne l’ignore pas, que Satan remontera de l’abîme quand le lys aura refleuri sur le sang d’une morte infidèle baptisée par un pape. Et c’est un moine nommé Théophraste, autrefois jardinier dans un couvent de l’île des Princes… ; c’est lui qui a su faire refleurir trois fois le lys, pour Astolfe le Lombard, pour Pépin le Franc, et pour Étienne le Pape… Et il a touché pour sa peine trois fois mille sous d’or avec lesquels il vit, dans Venise, à la manière d’un émir… Tu souris, délices d’Athènes. Douterais-tu de ce que m’affirmèrent tant de saints hommes et dignes de foi ? Ne penses-tu pas que, pour éviter le retour de Satan et son nouveau règne sur le monde, la mère