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IRÈNE ET LES EUNUQUES

dès que le feu la toucha, elle se tordit avec des plaintes atroces ; et le bourreau lui troua la joue. Elle tomba quasi morte dans les bras des six aveugles barbouillés de sang qui chantaient, en hurlant, la gloire du Théos.

Le second groupe s’offrit tout entier au supplice. C’étaient des ascètes du désert, invincibles pour Satan, depuis bien des années. Alors, les soldats dévêtirent, pour tenter la vertu des autres, les religieuses offertes après eux ; et des eunuques les lavèrent avec le parfum qu’on interdit dans les camps, parce qu’il émeut les cavales. Dix corps chétifs, pauvrement mamelus, aux genoux cagneux, aux têtes rasées, aux faces hagardes s’accotèrent en tressaillant.

L’on choisit dans la foule des moines ceux en adolescence. Sauf un, les dix élus faiblirent, moins par amour de ces corps que par épouvante des martyrs dont les orbites morts regardaient l’infini à travers des ruisseaux rouges collant les barbes pleines de caillots.

Et ce fut ainsi le triomphe de Satan jusqu’à ce que le soleil regagnât les confins de la mer.

Quand l’ombre se fut accroupie sur les bandes vertes et roses du crépuscule, quand la honte put se dissimuler dans la nuit, il y eut moins encore de saints pour résister.

Ébahis les rustres regardèrent, aux premières étoiles, les corps consacrés s’étreindre entre les haies des lances et les lueurs des boucliers reflétant les torches. La foule geignante s’unissait sous les regards de